Avis CNCDP 2010-05

Année de la demande : 2010

Demandeur :
Psychologue (Secteur Libéral)

Contexte :
Questionnement professionnel personnel

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Cyberpsychologie

Questions déontologiques associées :

– Code de déontologie (Référence au Code dans l’exercice professionnel, le contrat de travail)
– Reconnaissance de la dimension psychique des personnes
– Mission (Distinction des missions)
– Respect de la personne
– Consentement éclairé
– Responsabilité professionnelle
– Compétence professionnelle (Formation (formation initiale, continue, spécialisation))
– Abus de pouvoir (Abus de position)
– Respect de la loi commune
– Confidentialité (Confidentialité de l’identité des consultants/ des personnes participant à une recherche)
– Transmission de données psychologiques (Données informatisées)
– Confraternité entre psychologues

La demande adressée à la Commission concerne une pratique encore peu répandue en France mais très développée depuis une dizaine d’années dans d’autres pays : la cyberpsychologie, terme qui recouvre différentes missions telles le conseil, le soutien ou la psychothérapie.  Le code de déontologie des psychologues français, adopté en 1996, depuis bientôt 15 ans, n’évoque pas ces nouvelles modalités d’exercice de la psychologie. Néanmoins, certains articles apportent un éclairage constructif, qui devrait permettre la pratique d’une cyberpsychologie rigoureuse et respectueuse des personnes.
Constatant que ces nouvelles modalités d’exercice ont un impact sur le cadre professionnel, les règles déontologiques et leur soubassement éthique, la commission traitera des points suivants :

  1. Pourquoi et en quoi la pratique de la cyberpsychologie fait-elle question?
  2. Modalités d’exercice de la psychologie dans un environnement géographique classique et dans le cyberespace,
  3. Eléments déontologiques indispensables à une pratique de la psychologie avec support technologique ou par Internet : invariants déontologiques, quelle que soit la pratique psychologique,
  4. Limites et intérêts de la cyberpsychologie,
  5. Recommandations pour des pratiques via Internet.

Pourquoi et en quoi la pratique de la cyberpsychologie fait-elle question?

La commission situera sa réflexion dans le cadre d’une activité professionnelle rémunérée. Le cœur de la problématique posée par l’exercice de la cyberpsychologie tient à l’aspect virtuel de la communication et à la distance consultant-psychologue, c’est-à-dire au changement radical du cadre professionnel et à ce qu’il implique pour les protagonistes.
Les repères habituels – consultation, entretien dans un lieu défini, en face à face, chacun pouvant appréhender l’autre dans sa dimension physique et donc incarnée au moyen de ses sens – sont modifiés, gommés, voire abolis par la cyberpsychologie. S’y substitue un mode d’échange par signaux interposés, ne traduisant qu’une partie de la réalité perceptive et aboutissant nécessairement à une perte d’identité, tant pour le psychologue que pour la personne qui le consulte. La communication s’instaure entre des représentants artificiellement construits des personnes, sorte d’avatars issus des représentations que chacun élabore de l’autre. Ces images peuvent certes s’enrichir et s’affiner au fil du temps mais resteront toujours marquées du manque d’une présence concrète à l’autre.
Dans un univers sociétal où nombre de personnes consultent précisément en raison d’une difficulté à communiquer et d’un besoin d’écoute attentive, la cyberpsychologie pourrait donc paradoxalement accroître un sentiment d’isolement, et, chez des personnes plus fragiles, participer à l’apparition de mécanismes pathogènes (clivage, dissociation…) ou les renforcer.
Elle implique par conséquent, encore davantage que d’autres approches, un contrôle particulièrement vigilant et soigneux du cadre d’exercice. Comme il le ferait pour une pratique traditionnelle en cabinet, le psychologue doit ainsi penser le cadre de son intervention et préparer attentivement chaque consultation.

Modalités d’exercice de la psychologie dans un environnement géographique classique et dans le cyberespace.

La pratique de la psychologie hors d’un cadre géographique conventionnel s’est surtout développée dans les pays anglo-saxons et notamment au Canada : c’est pourquoi ce domaine n’est pas encore beaucoup traité par la presse et la littérature francophone, même si quelques psychologues commencent à s’en saisir, notamment dans les grandes villes européennes.
Des associations de psychologues de langue anglaise distinguent trois niveaux possibles d’exercice de la psychologie :

  1. En direct ou en "face à face" selon la terminologie anglo-saxonne, client et psychologue étant dans le même lieu,
  2. A distance,  avec support technologique audio de type téléphone,
  3. A distance, par Internet au moyen d’email, chat, webcam.

Pour chaque modalité, le nombre de participants ainsi que la rapidité de la communication sont d’autres données qui complexifient cette taxonomie ; sont en effet différenciées les consultations individuelles, de couple et de groupe, et les communications synchrones et asynchrones (un temps de transmission est parfois nécessaire à l’acheminement du signal et la réponse à celui-ci est décalée).
Dans son courrier, le psychologue demandeur envisage l’utilisation des quatre média mentionnés, qu’il convient de bien distinguer compte tenu de leur spécificité : le téléphone, les courriels (emails), la messagerie instantanée (chat) et enfin la cybercaméra (webcam). La commission préconise à ce propos l’utilisation d’équivalents francophones des termes employés par le demandeur et recommandés par la Délégation Générale à la Langue Française et aux Langues de France. Outre le code de déontologie français de 1996, fil conducteur de la réflexion dans cet avis, elle invite les psychologues intéressés par ce champ à consulter le référentiel publié en anglais en 2006 par la FEAP (Fédération Européenne des Associations de Psychologues) concernant la proposition de services psychologiques par Internet ou avec support technologique (Annexe 1).

Les éléments déontologiques indispensables à une pratique de la psychologie avec support technologique ou par Internet : invariants déontologiques, quelle que soit la pratique psychologique.

Comme indiqué préalablement, le code de déontologie de 1996 n’aborde pas les aspects déontologiques d’une pratique de la psychologie en dehors du cadre classique et encore prévalent du bureau, cabinet de consultation, lieu de soin…, où se rencontrent, "en personne" et en temps réel, client et psychologue. Un code de déontologie a vocation à poser des règles déontologiques au caractère le plus atemporel possible, qui ne se périment pas et sont utiles pour la pratique actuelle d’une discipline, ici la psychologie. Comme le précise le Préambule du code, il est avant tout :
[…] destiné à servir de règle professionnelle aux hommes et aux femmes qui ont le titre de psychologue, quels que soient leur mode d’exercice et leur cadre professionnel, y compris leurs activités d’enseignement et recherche.
Toute modalité d’exercice de la psychologie, quelque soit sa spécificité, renvoie par ailleurs à la mission fondamentale du psychologue :
Article 3 : La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique. Son activité porte sur la composante psychique des individus, considérés isolément ou collectivement.
L’utilisation de la cyberpsychologie est également à réfléchir dans le cadre de missions plus spécifiques, habituellement assurées par le psychologue. Conciliable avec certaines d’entre-elles, telles le conseil, le soutien psychologique, la commission l’estime plus discutable pour remplir d’autres missions comme la psychothérapie par exemple.
Article 4 : Le psychologue […] peut remplir différentes missions, qu’il distingue et fait distinguer, comme le conseil, l’enseignement de la psychologie, l’évaluation, l’expertise, la formation, la psychothérapie, la recherche, etc. Ces missions peuvent s’exercer dans divers secteurs professionnels.
D’autre part, les développements et progrès constants dans le champ de la cyberpsychologie doivent rester en accord avec les grands principes énoncés par le code de déontologie et la Charte européenne des psychologues.
La pratique de la cyberpsychologie exige ainsi de porter une attention toute particulière au respect des droits de la personne et à la préservation du secret professionnel.
Titre I-1 Respect des droits de la personne : Le psychologue  réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationales, européennes et internationales sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Réciproquement, toute personne doit pouvoir s’adresser directement et librement à un psychologue. Le psychologue préserve la vie privée des personnes en garantissant le respect du secret professionnel, y compris entre collègues. Il respecte le principe fondamental que nul n’est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même.
En France, la mise en place récente de services psychologiques par Internet a réactivé la question d’interventions « médiatisées » au sens propre, comme ce fut le cas dès les années 70 avec l’apparition de services de soutien téléphonique pouvant être assurés par des psychologues. Ce mode d’écoute et consultation, dont les limites techniques et déontologiques sont encore difficiles à cerner, est en voie de réglementation. Il renvoie à l’incontournable principe de responsabilité, le psychologue devant toujours répondre de ses options méthodologiques, interventions professionnelles, et de leur impact sur les personnes qui le consultent : au téléphone, par le biais d’un message électronique avec tout ce que cela suppose de soin apporté à sa rédaction et de risque d’interprétation de termes ou formulations, d’un écran qui permet de visualiser "une image" filmée du consultant et de l’entendre…
Titre I-3 Responsabilité : Outre les responsabilités définies par la loi commune, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Il s’attache à ce que ses interventions se conforment aux règles du présent Code. Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l’application des méthodes et techniques psychologiques qu’il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels.

Deux autres principes fondamentaux, la compétence et la probité, ont vocation à guider un exercice éclairé de la cyberpsychologie. C’est en effet sur la base d’une certaine expertise et d’une mise à jour régulière de ses connaissances et habiletés techniques, que le psychologue va pouvoir être efficace, répondre au mieux à la demande de son client et définir ses propres limites.  Dans un contexte en pleine expansion, mal défini, où de multiples acteurs sont appelés à intervenir sur la toile, à proposer leurs services sans toujours apporter les garanties de leur formation et de leur titre et à solliciter une rétribution parfois conséquente "en ligne", la probité et la rigueur sont également requises.

Titre I-2 Compétence : Le psychologue tient ses compétences de connaissances théoriques régulièrement mises à jour, d’une formation continue et d’une formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières et définit ses limites propres, compte tenu de sa formation et de son expérience. Il refuse toute intervention lorsqu’il sait ne pas avoir les compétences requises.
Titre I-4 Probité : Le psychologue a un devoir de probité dans toutes ses relations professionnelles. Ce devoir fonde l’observance des règles déontologiques et son effort continu pour affiner ses interventions, préciser ses méthodes et définir ses buts.

Limites et intérêts de la cyberpsychologie.

Limites et problèmes

L’exercice de la cyberpsychologie est circonscrit par un certain nombre de limites, déjà évoquées dans le premier point : d’une part, toute utilisation d’un nouveau média vient modifier la pratique habituelle du psychologue et l’oblige à instaurer des règles pour conserver le caractère professionnel de son intervention, d’autre part le caractère virtuel de la communication apparaît comme un facteur pouvant engendrer une perte de contrôle du cadre. Enfin, ces nouvelles pratiques font émerger une difficulté notable à garantir la confidentialité dans le cyberespace.
Parmi les problèmes susceptibles d’apparaître au décours de consultations par Internet, relevons aussi le risque de distorsion de la communication, de  perception tronquée par le clinicien, de fragilité de la relation clinique/ thérapeutique ou encore de non préservation de l’anonymat.
La distorsion ou perception erronée d’un message est un risque inhérent à tout mode de communication, mais encore davantage via un canal complexe, qui peut modifier plus ou moins l’information ou n’en transmettre qu’une partie.  Une consultation par téléphone, utilisant le support de la voix (pouvant exprimer toute une gamme d’émotions) n’apportera pas les mêmes éléments qu’un échange plus impersonnel par courriel ou encore par cybercaméra avec réception parfois asynchrone d’un film de la personne et de ses propos.
Dans ce dernier cas, l’écran présente généralement le visage et le haut du corps du consultant,  mais aussi un arrière plan qui peut informer sur le lieu où il se trouve et constituer une forme de dévoilement d’un espace intime.
Une image peut également faire l’objet d’une mise en scène, être modifiée en sorte qu’elle ne corresponde pas à la réalité. Ces risques font écho à un passage de l’article 9 qui sera repris ultérieurement et à l’article 19.
Article 19 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence.
La fragilité de la relation ainsi établie peut se concevoir comme un effet du mode de communication et de son caractère virtuel. Le psychologue a en effet moins de latitude qu’en face à face pour apprécier les difficultés et cerner la demande du client (sauf utilisation de caméra, il ne peut observer de symptômes à expression physique, de comportements, de langage non verbal…), il peut donc "passer à coté". Il peut également, du fait de sa position asymétrique, exercer une certaine influence sur le client, à travers ses conseils et interprétations, qui ne pourront toujours être réajustés rapidement. Les articles 11 et 19  (ci-dessus) apportent quelque éclairage sur ces points :
Article 11 : Le psychologue n’use pas de sa position à des fins personnelles, de prosélytisme ou d’aliénation d’autrui. Il ne répond pas à la demande d’un tiers qui recherche un avantage illicite ou immoral, ou qui fait acte d’autorité abusive dans le recours à ses services. Le psychologue n’engage pas d’évaluation ou de traitement impliquant des personnes auxquelles il serait déjà personnellement lié.
L’absence de garantie concernant l’anonymat, essentiellement via internet, est un autre écueil qui devrait être évité par une gestion rigoureuse d’une boite de messagerie cryptée et des adresses des correspondants. Notons toutefois que tout écrit est susceptible de faire trace, et comporte donc une part de risque de diffusion, de même qu’en tant que trace écrite, il est opposable au niveau juridique et engage la responsabilité du psychologue.
Article 14 : Les documents émanant d’un psychologue (attestation, bilan, certificat, courrier, rapport, etc.) portent son nom, l’identification de sa fonction ainsi que ses coordonnées professionnelles, sa signature et la mention précise du destinataire. […] il fait respecter la confidentialité de son courrier.

Intérêts et bénéfices

L’intérêt de consultations via internet ou par téléphone apparaît patent lorsqu’il concerne des personnes se situant à une grande distance géographique d’un lieu de consultation et qui ne disposent pas de moyens de déplacement. D’autres personnes sont par ailleurs empêchées physiquement de se déplacer, en raison d’une maladie, d’un handicap physique ou psychologique, de leur grand âge, etc. Pour ces dernières, la possibilité de disposer d’une écoute, d’un avis même à distance peut être précieuse.
Notons cependant qu’un certain nombre de psychologues propose maintenant de se déplacer à domicile, offrant ainsi la possibilité d’une consultation directe.
Enfin, des consultants ont simplement une demande de soutien ou d’éclairage ponctuels et la cyberpsychologie peut leur apporter une réponse satisfaisante.

Recommandations pour une pratique psychologique via Internet.

La pratique de la psychologie par le biais des nouvelles techniques propres au cyberespace offre dès maintenant de multiples et riches possibilités. Elle soulève cependant, dans le même temps, la délicate question éthique de l’écart entre exigences déontologiques et avancées technologiques, que l’on peut craindre croissant si des gardes fous et repères ne sont pas proposés aux utilisateurs. La commission pense donc utile de proposer quelques recommandations à même de mettre au travail une "réflexion déontologique", essentielle à l’engagement dans ces nouvelles pratiques.
Ces recommandations ont pour préalable une maîtrise minimale de l’outil technologique, pour mieux s’en dégager au profit d’enjeux plus fondamentaux. La commission conseille d’acquérir une compétence informatique suffisante pour être à l’aise avec un ordinateur, avoir la garantie d’une communication de qualité et pouvoir se consacrer à son activité professionnelle. Le psychologue pourra ainsi plus facilement mettre à disposition ses compétences d’écoute et d’analyse des problématiques. L’article 7 évoque cette question de la maîtrise technique :
Article 7 : Le psychologue accepte les missions qu’il estime compatibles avec ses compétences, sa technique, ses fonctions, et qui ne contreviennent ni aux dispositions du présent Code, ni aux dispositions légales en vigueur.
En premier lieu, il apparaît essentiel à la Commission, que le psychologue proposant des services par le biais d’Internet s’assure de la compréhension du patient et recueille son consentement, tel que le propose l’article 9 du code :
Article 9 : Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement de ceux qui le consultent […]. Il les informe des modalités, des objectifs et des limites de son intervention. Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées, mais son évaluation ne peut porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même. […]
L’on mesure bien dans ce cas toute la difficulté pour le psychologue d’évaluer la compréhension du client autrement que par un feed-back réitéré ; il en est de même pour l’obtention d’un consentement à distance. La commission suggère à cet égard au psychologue de communiquer une charte professionnelle et, sous forme contractuelle, un document explicatif et récapitulatif des prestations proposées. Il doit ensuite demander au client de confirmer qu’il a bien saisi les conditions du processus d’intervention et de valider les modalités proposées.
L’article 9 soulève aussi la question de "l’examen des personnes ou situations", indispensable à toute évaluation, or peut-on considérer qu’un examen à distance, par voie écrite, téléphonique ou même par caméra couplée à un échange verbal a la même valeur et objectivité qu’une évaluation directe, en présence du consultant ?
Un autre problème sensible est celui des demandes émanant de personnes mineures. Comment s’assurer de l’âge d’un patient ?
La commission estime important que le psychologue pose le recueil de cette information comme préalable à son intervention et si le client est mineur, soit fasse preuve d’une grande prudence, soit décide de ne pas le prendre en charge en l’indiquant sur son site et en préambule de chaque consultation. L’article 10 traite de ce point, stipulant que le psychologue peut "recevoir des mineurs". Or le cyber-psychologue ne "reçoit" pas son client, d’où sa difficulté pour effectuer une évaluation objective et rigoureuse de la demande.
Article 10 – Le psychologue peut recevoir, à leur demande, des mineurs ou des majeurs protégés par la loi. Son intervention auprès d’eux tient compte de leur statut, de leur situation et des dispositions légales en vigueur. […]
Dans le cadre d’une pratique psychologique ne pouvant s’appuyer sur une rencontre physique dans le même espace géographique, il convient par ailleurs que le psychologue puisse garantir à l’usager une connexion sécurisée, quel que soit le lieu où l’on se trouve. Ici, elle correspond aux endroits où le psychologue utilise les moyens nécessaires à sa pratique (ordinateur personnel, connexion Internet de haut débit et sécurisée) afin de garantir la plus grande transparence dans un mode de fonctionnement mais aussi de rétribution. Ces exigences sont présentes dans le code de déontologie  et s’appliquent également au cadre de la cyberpsychologie :
Article 15 : Le psychologue dispose sur le lieu de son exercice professionnel d’une installation convenable, de locaux adéquats pour permettre le respect du secret professionnel, et de moyens techniques suffisants en rapport avec la nature de ses actes professionnels et des personnes qui le consultent.
Au-delà des techniques psychologiques utilisées par le psychologue, ce dernier doit aussi réfléchir sur leur pertinence et limites dans le contexte cyberpsychologique :
Article 17 : La pratique du psychologue ne se réduit pas aux méthodes et aux techniques qu’il met en oeuvre. Elle est indissociable d’une appréciation critique et d’une mise en perspective théorique de ces techniques.
Dans le cadre de la réglementation en vigueur en matière de données informatiques, le psychologue qui exerce par l’intermédiaire d’un support technologique ou par Internet doit permettre à l’usager d’accéder à la pleine compréhension des règles de recueil, traitement et d’archivage des données le concernant.  Il lui incombe aussi de mettre en place un système de rémunération de ses interventions, sécurisé et conforme aux standards utilisés dans les transactions en ligne.
Il existe ainsi un système sécurisé et éprouvé très utilisé sur Internet qui permet de payer sans communiquer d’informations financières puisqu’il crypte automatiquement les données. Ce système est l’un des éléments permettant de concilier l’exercice psychologique sur Internet avec les  dispositions mises en place dans le cadre de la loi de 1978 et rappelées dans l’article 20 :
Article 20 : Le psychologue connaît les dispositions légales et réglementaires issues de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. En conséquence, il recueille, traite, classe, archive et conserve les informations et données afférentes à son activité selon les dispositions en vigueur. Lorsque ces données sont utilisées à des fins d’enseignement, de recherche, de publication, ou de communication, elles sont impérativement traitées dans le respect absolu de l’anonymat, par la suppression de tout élément permettant l’identification directe ou indirecte des personnes concernées, ceci toujours en conformité avec les dispositions légales concernant les informations nominatives.
Enfin la commission conseille vivement à tout psychologue travaillant avec ce type de technologie de bénéficier d’un espace de supervision et /ou d’un espace d’échange professionnel avec des pairs. Les articles 13 et 21 traitent de cette question du partage d’informations et conseils avec des pairs.

Article 13 : […] Le psychologue peut éclairer sa décision en prenant conseil auprès de collègues expérimentés.
Article 21 : Le psychologue soutient ses collègues dans l’exercice de leur profession et dans l’application et la défense du présent Code. Il répond favorablement à leurs demandes de conseil et les aide dans les situations difficiles, notamment en contribuant à la résolution des problèmes déontologiques.

La commission a été sensible au caractère général de la demande, le psychologue évoquant l’utilisation possible de tous les médias existant actuellement en matière de cyberpsychologie. Si le code de déontologie des psychologues peut activement contribuer à  la réflexion sur les nouvelles formes de pratique de la psychologie, il n’est pas encore en mesure d’éclairer finement la spécificité de ces nouveaux média, leurs différences et les enjeux relationnels qu’ils sous-tendent. A titre d’exemple, l’utilisation d’une cybercaméra réintroduit dans la relation psychologue-usager, la dimension visuelle et verbale qui se trouve évacuée dans le cas de la messagerie instantanée ou des courriels. C’est donc par un long processus d’élaboration professionnelle et de réflexion éthique qu’un référentiel solide pourra progressivement se construire.

La communauté professionnelle ne peut désormais être indifférente aux changements qui étendent le champ connu de la pratique psychologique au cyberespace et aux multiples possibilités qu’il ouvre et découvre. Une révision du code prendra vraisemblablement en compte ces importantes mutations. Dans l’attente de modifications, le code de déontologie sous sa forme actuelle peut et doit rester le socle sur lequel s’étayent et se développent les nouvelles pratiques.

Avis rendu le 23 Juin 2010
Pour la CNCDP
Le Président
Patrick COHEN

 

Préambule du code, Titres I-1, I-2, I-3, I-4 ; Articles 3, 4, 7, 9, 10, 11, 13, 14, 15, 17, 19, 20, 21.

 

Annexe :

Mots clés permettant d’accéder sur Internet aux référentiels concernant les services psychologiques par Internet (documents en format PDF et en anglais) :

  1. EFPPA, The provision of psychological services via the Internet,
  2. NBCC, The practice of Internet counseling.

Avis CNCDP 2010-04

Année de la demande : 2010

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Attestation

Questions déontologiques associées :

– Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale
– Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels (identification du psychologue, du destinataire))
– Respect du but assigné
– Traitement équitable des parties
– Évaluation (Évaluation de personnes que le psychologue n’a pas rencontrées)
– Évaluation (Relativité des évaluations)
– Évaluation (Droit à contre-évaluation)
– Consentement éclairé

Comme il est indiqué dans le Préambule, la CNCDP, instance consultative, n’a pas pouvoir de sanction à l’égard des psychologues. Son rôle est de donner des avis motivés, au regard du Code de Déontologie, sur la conduite générale à tenir, pour les psychologues, au regard des situations exposées.
Face à la demande présentée ici, la CNCDP se propose de traiter des points suivants :

  1. Les règles déontologiques concernant l’autorité parentale pour la consultation d’un psychologue
  2. La question des attestations
  3. L’évaluation de personnes que le psychologue n’a pas rencontrées
  4. La relativité des évaluations

Les règles déontologiques concernant l’autorité parentale pour la consultation d’un psychologue :

La Commission a fréquemment été sollicitée pour traiter de cette question dans le cadre d’une séparation des parents.
Seul l’article 10 du Code évoque l’autorité parentale, mais n’aborde pas directement la situation particulière de parents séparés dont l’un déciderait seul d’une consultation, pour leur enfant, chez un psychologue :
Article 10 – Le psychologue peut recevoir, à leur demande, des mineurs ou des majeurs protégés par la loi. Son intervention tient compte de leur statut, de leur situation et des dispositions légales en vigueur. Lorsque la consultation pour des mineurs ou des majeurs protégés par la loi est demandée par un tiers, le psychologue requiert leur consentement éclairé, ainsi que celui des détenteurs de l’autorité parentale ou de la tutelle.

De fait, deux questions sont posées dans la situation exposée :

  1. Le parent non demandeur de la consultation doit-il en être informé ?
  2. Son consentement préalable doit-il être requis ?

La Commission a estimé, dans des avis précédents, qu’une simple consultation, auprès d’un enfant, pouvait être demandée par un seul des parents jouissant de l’autorité parentale conjointe, chaque parent étant réputé agir avec l’accord de son conjoint et pour le bien de l’enfant. Par contre, un acte inhabituel ou un accompagnement psychologique nécessitent le consentement explicite du parent non demandeur, dans l’intérêt même de l’enfant.

La question des attestations

Toute personne peut demander à un professionnel une attestation faisant état d’éléments constatés au cours d’une consultation. Si le psychologue accepte de  délivrer une telle attestation, celle-ci comprendra les éléments indiqués à l’article 14 :
Article 14 – Les documents émanant d’un psychologue (attestation, bilan, certificat, courrier, rapport, etc.) portent son nom, l’identification de sa fonction ainsi que ses coordonnées professionnelles, sa signature et la mention précise du destinataire.
Dans un contexte de procédure judiciaire, et tout particulièrement dans le cadre d’un conflit parental au sujet de la garde d’un enfant, le psychologue doit faire preuve de prudence et de discernement dans la rédaction d’une telle attestation, destinée à être produite en justice. Ainsi, le titre I-6 du code recommande au psychologue de porter sa vigilance sur les utilisations qui pourraient être faites de ses écrits :
Titre I-6 : Respect du but assigné – (…) Tout en construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue doit donc prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent éventuellement en être faites par des tiers.
De plus, la CNCDP a suggéré aux psychologues, dans des situations semblables, de s’inspirer des recommandations de la partie de l’article 9 du Code, relatives aux expertises judiciaires :
Article 9 – Dans les situations d’expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties et sait que sa mission a pour but d’éclairer la justice et non d’apporter des preuves.

L’évaluation de personnes que le psychologue n’a pas rencontrées

Le Code de Déontologie distingue deux cas de figure :

    1. Donner un avis sur une situation ou un dossier
    2. Procéder à l’évaluation d’une personne

L’article 9 énonce que le psychologue peut donner un avis sur des situations qui lui sont rapportées, mais qu’il ne peut pas faire l’évaluation d’une personne qu’il n’a pas rencontrée :
Article 9 – Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement de ceux qui le consultent ou participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il les informe des modalités, des objectifs et des limites de son intervention. Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations rapportées. Mais son évaluation ne peut porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même. (…)

Ainsi, le psychologue se doit de préciser, dans ses écrits, si ce qu’il relate provient de l’examen personnel d’une situation ou s’il s’agit d’éléments qui lui ont été rapportés.

La relativité des évaluations

Toute évaluation, comme l’indique l’article 19, présente un caractère relatif du fait même qu’il s’agit pour le psychologue de ne pas se limiter à recueillir des faits ou des opinions, mais de faire une estimation et d’interpréter des données :
Article 19 – Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations ou interprétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence sur leur existence.

 

La possibilité, pour les personnes concernées, de solliciter une contre évaluation procède de ce constat. C’est l’article 9, dont certaines parties ont été déjà citées, qui nous confirme cette possibilité :
Article 9 – Dans toutes les situations d’évaluation, quelque soit le demandeur, le psychologue rappelle aux personnes concernées leur droit à demander une contre-évaluation.

Avis rendu le 17 mai 2010
Pour la CNCDP
Le Président
Patrick COHEN

 

Articles du code cités dans l’avis : Titre I-6, articles 9, 10, 14, 19

Avis CNCDP 2010-01

Année de la demande : 2010

Demandeur :
Professionnel Non Pyschologue (Avocat)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Compte rendu

Questions déontologiques associées :

– Responsabilité professionnelle
– Évaluation (Relativité des évaluations)
– Respect du but assigné
– Traitement équitable des parties
– Secret professionnel (Compte rendu, écrit professionnel)
– Secret professionnel (Obligation du secret professionnel)

Comme le rappelle le texte ci-dessus, la CNCDP a un rôle exclusivement consultatif et n’a aucun pouvoir de jugement ou de sanction.
Dans la situation présentée ici, plusieurs aspects de la déontologie sont intriqués. On y relève en effet la question des rapports du psychologue avec la justice, du rapport du psychologue avec ses clients ou patients, de l’incidence des écrits produits par un psychologue et enfin du secret professionnel.
Dans ce contexte la Commission traitera des questions suivantes :

  1. L’indépendance du psychologue dans le choix de ses méthodes
  2. Le traitement équitable des parties
  3. Le respect du secret professionnel

L’indépendance du psychologue dans le choix de ses méthodes

Le psychologue est libre du choix de ses méthodes, pourvu qu’elles soient reconnues comme valides par la communauté professionnelle. En conscience, il décide donc de la façon dont il mène son action. Il s’agit là de ce que l’on pourrait nommer une autonomie technique et qui a pour corollaire la responsabilité du psychologue. L’un de ces principes fondamentaux de l’exercice professionnel est affirmé au Titre I, 3 du Code de déontologie.
Titre I-3 Responsabilité : […] Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l’application des méthodes et techniques psychologiques qu’il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels. 
Le psychologue a par ailleurs le souci des conséquences prévisibles de son écrit et pour ce faire, veille à ce que ses conclusions n’aient pas un caractère définitif, comme le rappelle l’article 19 du code :
Article 19 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence.

Le respect du but assigné et le traitement équitable des parties

Les psychologues sont souvent sollicités par leurs clients pour intervenir en leur faveur dans telle ou telle circonstance de leur vie familiale, sociale ou professionnelle.
Face à de telles demandes, le psychologue est libre de sa décision qu’il prendra après avoir soigneusement analysé la situation, la demande – aux plans explicite et implicite – , les conséquences de sa démarche pour les personnes concernées mais aussi le sens que sa décision aura dans sa relation professionnelle avec l’usager.
En particulier, il se posera la question de savoir s’il ne court pas le risque d’être instrumentalisé, manipulé, dans un conflit que son métier ne l’autorise pas à prendre au premier degré. Sa formation lui permet en effet de prendre une distance suffisante tout en se centrant sur la demande qui lui est faite.
Ainsi, le titre I-6  du Code traite du respect du but assigné :
Titre I-6 Respect du but assigné : Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. Tout en construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue doit donc prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent éventuellement en être faites par des tiers.
De plus la Commission a eu à de nombreuses reprises à traiter de cette question des attestations produites en justice et a émis la recommandation suivante : si le Code ne traite formellement que des situations d’expertise judiciaire nous suggérons toutefois de nous en inspirer pour les situations similaires et de facto d’intégrer la préconisation suivante :
Article 9 : […] Dans les situations d’expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties et sait que sa mission a pour but d’éclairer la justice sur la question qui lui est posée et non d’apporter des preuves.

Le respect du secret professionnel

Le respect du secret professionnel – quels que soient le lieu et le domaine d’exercice et le public concerné – demeure l’un des piliers déontologiques de la profession de psychologue. Il permet en effet au patient, à l’usager, au client d’avoir la garantie d’une préservation des informations personnelles et parfois très intimes, qu’il est amené à confier dans le cadre d’un entretien psychologique. Il est essentiel à l’instauration et à la pérennité d’une relation de confiance sans laquelle aucun travail psychologique qu’il s’agisse de soutien, de conseil, d’évaluation, de psychothérapie, ne peut être sérieusement envisagé.
L’article 12nous précise les conditions de mise en œuvre du secret professionnel :
Article 12 : Le psychologue est seul responsable de ses conclusions. Il fait état des méthodes et outils sur lesquels il les fonde, et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver le secret professionnel. […].
Ainsi il importe de distinguer d’une part les propos de l’usager qui relèvent du secret professionnel par leur caractère intime et d’autre part l’avis professionnel du psychologue qui n’est pas secret quand, après élaboration, il intègre les informations utiles en préservant la confidentialité.
Au demeurant lorsque le psychologue a affaire à une tierce personne, ce même article précise que :
[…] Lorsque ces conclusions sont présentées à des tiers, elles ne répondent qu’à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire.

 

Avis rendu le 21 avril 2010
Pour la CNCDP
Le Président
Patrick COHEN

 

Articles du code cités dans l’avis : Titres I-3, I-6 ; Articles 9, 12, 19.

Avis CNCDP 2010-11

Année de la demande : 2010

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Examen psychologique

Questions déontologiques associées :

– Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale
– Traitement équitable des parties
– Évaluation (Évaluation de personnes que le psychologue n’a pas rencontrées)
– Évaluation (Relativité des évaluations)
– Autonomie professionnelle
– Abus de pouvoir (Abus de position)
– Reconnaissance de la dimension psychique des personnes

En préambule, la CNCDP rappelle qu’elle a un rôle consultatif, qu’elle n’est pas une instance disciplinaire et qu’elle n’a pas pouvoir d’arbitrage ou de sanction. Les avis de la commission sont transmis uniquement à la personne qui la sollicite. Elle n’a donc pas autorité pour intervenir directement auprès du psychologue.
Nous retiendrons du courrier reçu les points suivants, que nous allons développer :

  • Conduite à tenir par un psychologue dans le cas où un seul parent le sollicite,
  • Traitement équitable des parties et relativité des évaluations dans les écrits destinés à être produits en justice,
  • La notion d’intérêt de l’enfant. 

Conduite à tenir par un psychologue dans le cas où un seul parent le sollicite.

Aucun article spécifique du Code de déontologie des psychologues ne précise la conduite à tenir dans le cas où un seul parent sollicite une consultation chez un psychologue.
Le seul à mentionner la notion d’autorité parentale est l’article 10 : il précise des règles dans le cas d’une demande de consultation d’un enfant par un tiers.
Article 10 : […] Lorsque la consultation pour des mineurs ou des majeurs protégés par la loi est demandée par un tiers, le psychologue requiert leur consentement éclairé, ainsi que celui des détenteurs de l’autorité parentale ou de la tutelle.
La commission, fréquemment questionnée sur ces problèmes, avait déjà considéré, dans d’autres avis, qu’une consultation ponctuelle pouvait être envisagée comme un « acte usuel » au sens de l’article 372-2 du code civil, et donc qu’un seul des deux parents pouvait en prendre l’initiative, tant qu’aucun indice de conflit parental n’est visible.
Par contre, si cet acte ponctuel a des suites (par exemple suivi psychologique de l’enfant), le consentement éclairé de ses deux parents doit être requis, dans l’intérêt même de l’enfant. Quant à ce dernier, il est important de l’informer et de recueillir également son consentement, dans des formes adaptées à sa maturité.

Traitement équitable des parties et relativité des évaluations dans les écrits destinés à être produits en justice.

Dans les situations de conflit parental, liées à une séparation, le juge peut ordonner une expertise psychologique. L’expert psychologue devra alors répondre aux questions posées par ce dernier, après avoir reçu le père, la mère ainsi que les enfants.
Dans ce cadre, le code de déontologie énonce la règle suivante :
Article 9 : […] Dans les situations d’expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties et sait que sa mission a pour but d’éclairer la justice sur la question qui lui est posée et non d’apporter des preuves.
La commission a souvent conseillé au psychologue de s’inspirer de cet article dans des situations de désaccord concernant le mode de garde, notamment dans les cas où la demande de consultation de l’enfant émane d’un seul parent, et ceci particulièrement lorsqu’il est amené à produire un écrit, sous quelque forme que ce soit, destiné à la justice. Dans ce cas précis, il doit faire preuve de la plus grande prudence tant dans la forme que dans le contenu de ce document. Il est en effet, dans la majorité des cas, souhaitable de ne pas engager l’avenir de l’enfant sans consultation des deux parents.
Dans ce contexte, le psychologue devra fonder ses conclusions uniquement sur ce qu’il a pu observer lui-même, car il ne peut évaluer des personnes qu’il n’a pas rencontrées, comme l’indique une autre partie de l’article 9 :
Article 9 : […] Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Mais son évaluation ne peut porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même. […].
Ainsi, il lui faudra préciser si ce qu’il formule repose sur des points de vue ou des propos qui lui ont été rapportés, ou sur ce qu’il a pu conclure de son évaluation.
Enfin, toute évaluation a un caractère relatif, comme le précise l’article 19 :
Article 19 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de conclusions définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence.

La notion d’intérêt de l’enfant

Nous avons déjà évoqué l’importance pour le psychologue de considérer et d’informer l’enfant de tout ce qui le concerne, et cela même si la demande de consultation émane des parents.
Dans les situations de séparation des parents, le psychologue doit, en particulier, s’assurer que les enfants ne sont pas l’objet des conflits parentaux, et ceci, d’autant plus lorsque le mode de garde est en jeu.
De plus, la multiplicité des interventions peut être vécue de manière éprouvante, surtout dans un contexte de conflit parental, dont les répercussions psychiques sont inévitables. Il est donc impératif, dans le souci du bien-être de l’enfant, de considérer aussi cet aspect avant toute décision de changement de professionnel.
L’indépendance professionnelle du psychologue, telle qu’elle est mentionnée au Titre I-7 du Code, lui permettra d’évaluer, avec le plus d’objectivité possible, la conduite à tenir face aux demandes qui lui sont faites, dans des situations très conflictuelles où il risquerait d’être instrumentalisé :
Titre I-7 : Le psychologue ne peut aliéner l’indépendance nécessaire à l’exercice de sa profession sous quelque forme que ce soit.
Il peut même, dans certaines circonstances, estimer qu’il ne peut répondre à une demande telle qu’elle est formulée, et argumenter sa réserve ou son refus.
L’article 11 vient confirmer cette idée, dans le sens où le psychologue doit demeurer vigilant:
Article 11 : […] (Le psychologue) ne répond pas à la demande d’un tiers qui recherche un avantage illicite ou immoral, ou qui fait acte d’autorité abusive dans le recours de ses services. […].
Ainsi, le psychologue pourra, en toute autonomie, exercer sa mission essentielle, telle qu’elle est définie dans le préambule du Code, ainsi qu’à l’article 3 : 
PRÉAMBULE : Le respect de la personne dans sa dimension psychique est un droit inaliénable. Sa reconnaissance fonde l’action des psychologues.
Article 3 : La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique. Son activité porte sur la composante psychique des individus, considérés isolément ou collectivement.

Avis rendu le 22/11/2010
Pour la CNCDP
Le Président
Patrick COHEN

 

Articles du code cités dans l’avis : Préambule et Titre I-7 ; Articles 3, 9, 10, 11, 19.

Avis CNCDP 2010-10

Année de la demande : 2010

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Expertise judiciaire

Questions déontologiques associées :

– Compétence professionnelle (Formation (formation initiale, continue, spécialisation))
– Reconnaissance de la dimension psychique des personnes
– Autonomie professionnelle
– Spécificité professionnelle
– Respect de la personne
– Respect du but assigné
– Consentement éclairé
– Traitement équitable des parties
– Discernement
– Évaluation (Relativité des évaluations)
– Évaluation (Droit à contre-évaluation)

Ainsi que l’indique le préambule, la commission de déontologie n’a ni vocation ni légitimité pour juger de la compétence d’un psychologue. Sa mission étant essentiellement consultative et pédagogique, elle ne peut donc formuler d’appréciation sur le comportement d’un professionnel donné. Il est par contre de son ressort de proposer une réflexion plus générale et distanciée et c’est ce qu’elle tentera de faire ici sur la question de l’expertise psychologique dans un contexte de séparation conflictuelle de parents.
Au regard des éléments apportés par le demandeur, la commission traitera des points suivants :

  • Conditions habituelles de réalisation d’une expertise psychologique,
  • Autonomie professionnelle du psychologue dans le choix de ses interventions et méthodes,
  • Repères déontologiques propres à toute évaluation psychologique.
  • Conditions habituelles de réalisation d’une expertise psychologique

Le compte rendu évoqué par le demandeur étant un rapport d’expertise produit dans le cadre d’une procédure judiciaire, il apparaît tout d’abord important de rappeler les conditions de réalisation d’une expertise psychologique, même si elles peuvent être modulées par quelques variantes :

  • Le psychologue figure généralement sur une liste d’experts,
  • Il est commis par un juge en fonction de ses compétences,
  • Il répond à des questions précises formulées par le magistrat dans le cadre de la mission qui lui est confiée,
  • Il effectue une tâche spécifique d’évaluation, soumise à échéance, qui débouche sur la réalisation d’un rapport d’expertise finalisé, daté, certifié "sincère et véritable",
  • Le rapport d’expertise est l’une des pièces du dossier juridique.

Les compétences du psychologue sont évoquées dans l’article 5 du code :
Article 5 : Le psychologue exerce dans les domaines liés à sa qualification, laquelle s’apprécie notamment par sa formation universitaire fondamentale et appliquée de haut niveau en psychologie, par des formations spécifiques, par son expérience pratique et ses travaux de recherche. Il détermine l’indication et procède à la réalisation d’actes qui relèvent de sa compétence.
Quant au statut d’un rapport d’expertise, il est particulier dans la mesure où il fait partie intégrante d’un dossier juridique. Compte tenu de son cadre d’intervention très spécifique, le psychologue expert ne peut donc, suite à la remise de son écrit, en modifier le contenu ou revenir sur ses conclusions à la demande des parties.
Un autre expert peut toutefois proposer une seconde analyse, rejoignant les conclusions de son confrère ou au contraire, s’en différenciant.

  • Autonomie professionnelle du psychologue dans le choix de ses interventions et méthodes

Le psychologue dont "l’activité porte sur la composante psychique des individus, considérés isolément ou collectivement" (article 3), dispose d’une autonomie technique et décide seul, en conscience professionnelle, de ses interventions et des méthodes qui lui semblent le plus appropriées pour accomplir une mission.
Son indépendance professionnelle est ainsi garante de la qualité de ses interventions et contribue à l’objectivité de ses observations et analyses.
Le titre I-7 et l’article 6 explicitent ces différentes notions :
Titre I-7 Indépendance professionnelle : Le psychologue ne peut aliéner l’indépendance nécessaire à l’exercice de sa profession sous quelque forme que ce soit.
Article 6 – Le psychologue fait respecter la spécificité de son exercice et son autonomie technique. Il respecte celles des autres professionnels.
Au regard de cette autonomie, mais aussi de la nécessaire préservation de la confidentialité, et après avoir présenté à la personne évaluée la manière dont il va procéder et avoir sollicité son consentement, le psychologue peut refuser l’enregistrement audio ou vidéo d’un entretien. Il doit en outre toujours veiller à l’utilisation qui pourrait être faite de ses interventions ultérieurement.
Titre I-1 Respect des droits de la personne : […] Le psychologue préserve la vie privée des personnes en garantissant le respect du secret professionnel […].
Titre I-6 Respect du but assigné : […] Tout en construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue doit donc prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent éventuellement en être faites par des tiers.
Cette autonomie ne le dédouane cependant pas d’indiquer son référentiel théorique, d’expliciter la méthode et les outils qu’il a retenus. Les articles 9 et 12 le rappellent clairement :
Article 9 – Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement de ceux qui le consultent ou participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il les informe des modalités, des objectifs et des limites de son intervention. […]
Article 12 – Le psychologue est seul responsable de ses conclusions. Il fait état des méthodes et outils sur lesquels il les fonde, et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver le secret professionnel. […].

  • Repères déontologiques propres à toute expertise psychologique

Un certain nombre de règles déontologiques guident le travail d’expertise psychologique dans le cadre judiciaire. Parmi celles-ci la commission retiendra tout particulièrement le respect du but assigné, le traitement équitable des parties, le discernement et la prudence, la notion de relativité des évaluations, le droit à contre-évaluation.

  • Respect du but assigné

Au nombre des principes généraux du code, il constitue certainement le fil rouge de toute évaluation : le psychologue investi d’une mission d’expertise répond en effet à une ou des questions posées et seulement à celles-ci.
Son rôle est de contribuer à éclairer la justice, d’aider le magistrat à se forger un jugement, mais non de fournir des preuves.
Le principe I-6 et l’article 9 traitent de cet aspect :
I-6 Respect du but assigné : Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. […].
Article 9 : […] Dans les situations d’expertise judiciaire, le psychologue […] sait que sa mission a pour but d’éclairer la justice sur la question qui lui est posée et non d’apporter des preuves.
En répondant, le psychologue est naturellement conduit à des hypothèses, propositions, recommandations que le juge peut suivre ou non. En tout état de cause, s’il demeure toujours responsable de ses conclusions, ainsi que le stipule l’article 12, c’est bien le magistrat qui prononce le jugement et en explicite les motifs.
Article 12 : Le psychologue est seul responsable de ses conclusions. […] Lorsque ces conclusions sont présentées à des tiers, elles ne répondent qu’à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire.
Compte tenu du poids des conclusions des experts en général, quel que soit leur domaine de compétence, la commission recommande aux psychologues en charge de telles missions d’être particulièrement vigilants quant à la rédaction de leurs conclusions et à ce qu’elles engagent.
Article 19 : […] Il (Le psychologue) ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence.

  • Traitement équitable des parties

Dans le cadre spécifique de l’évaluation et notamment de l’expertise, le psychologue est attentif au respect d’une équité entre les différents protagonistes d’une situation difficile et /ou conflictuelle. Il reçoit en principe pour cela chacune des personnes directement impliquée et concernée par les questions posées.
Il a par ailleurs toute latitude pour décider de rencontrer -ou pas- d’autres membres de la famille ou personnes proches ou de consulter -ou pas- différentes pièces qu’il pense pouvoir être utiles à l’établissement de son appréciation (attestations, courriers, procès verbaux…).
Article 9 : […] Dans les situations d’expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties […].

  • Discernement et prudence

En raison des multiples informations qui peuvent parvenir au psychologue, tantôt complémentaires et concordantes, tantôt contradictoires ou ambigües, ainsi que des enjeux affectifs et parfois passionnels induits par une situation de séparation parentale, le discernement et la prudence sont deux autres principes essentiels à la réalisation d’une expertise. Le préambule du titre I et l’article 17 rappellent ces notions :
Préambule des principes généraux : La complexité des situations psychologiques s’oppose à la simple application systématique de règles pratiques. Le respect des règles du présent Code de Déontologie repose sur une réflexion éthique et une capacité de discernement […].
Article 17 : La pratique du psychologue ne se réduit pas aux méthodes et aux techniques qu’il met en œuvre. Elle est indissociable d’une appréciation critique et d’une mise en perspective théorique de ces techniques.

  • Relativité des évaluations

Conscient que ses appréciations, diagnostics psychologiques, observations…, comportent toujours une part de subjectivité et donc de relativité, le psychologue expert a l’obligation de se référer à un (ou des) modèle(s) théorique(s) scientifiquement validé, de se doter d’outils et d’une méthodologie reconnus et éprouvés qui lui permettront d’être le plus objectif et fidèle possible à une réalité souvent complexe.
Article 19 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. […].
En tant qu’expert, il est cependant tenu de se positionner assez clairement dans la réponse aux questions qui lui sont posées pour aider à la compréhension d’une situation d’affrontement et de désaccord, dans laquelle les acteurs sont en souffrance et se sentent souvent lésés ou désavantagés. Dans le cas d’une séparation parentale avec litige concernant le droit de visite et d’hébergement d’un ou plusieurs enfants, il veillera toujours in fine à ce qu’il estime être l’intérêt supérieur de l’enfant.

  • Droit à contre- évaluation

Une personne ayant fait l’objet d’une expertise et qui souhaite un autre avis dispose d’un droit à contre-expertise.
Article 19 : […] Dans toutes les situations d’évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue rappelle aux personnes concernées leur droit à demander une contre-évaluation. […].
Il est regrettable que cette possibilité ne soit pas toujours entendue.

Avis rendu le 22/10/2010
Pour la CNCDP
Le Président,  Patrick COHEN

 

Articles du code cités dans l’avis : Titres I-1, I-6, I-7; Articles 5, 6, 9, 12, 17, 19.

Avis CNCDP 2010-08

Année de la demande : 2010

Demandeur :
Psychologue (Secteur Médico-Social)

Contexte :
Questionnement professionnel personnel

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Utilisation de tests

Questions déontologiques associées :

– Responsabilité professionnelle
– Respect du but assigné
– Reconnaissance de la dimension psychique des personnes
– Spécificité professionnelle
– Secret professionnel (Travail d’équipe et partage d’information)
– Évaluation (Relativité des évaluations)

La CNCDP est une instance consultative destinée  à fournir des éléments de réflexion fondés sur le code de déontologie des psychologues pour éclairer des situations complexes concernant des psychologues. Ses avis ne sont ni des jugements, ni des arbitrages, elle ne peut donc pas répondre à la question qui lui est posée en ces termes. Elle propose d’organiser la réflexion autour des questions suivantes :

  • Un psychologue peut-il refuser de pratiquer des tests psychométriques à la demande d’un tiers?
  • Quelle position éthique pour un psychologue lorsqu’il participe à un dispositif faisant intervenir plusieurs équipes ou plusieurs institutions?

Nous soulignerons, en préambule que la question de l’utilité de tests psychométriques dans l’examen psychologique des enfants fut, dès l’origine, étroitement associée à l’histoire de la profession de psychologue. Elle fut souvent source de polémique. Elle reste très actuelle puisqu’elle a fait l’objet d’une conférence de consensus organisée à Paris en Juillet 2010.
Il convient peut-être de rappeler que le développement et l’usage des tests psychométriques se sont imposés avec l’instauration de l’obligation scolaire pour répondre aux problèmes posés par les enfants qui ne parvenaient pas à acquérir les mêmes compétences scolaires que leurs congénères. L’hypothèse de différences de potentialités intellectuelles entre les enfants d’une même classe d’âge, puis la notion de besoins spéciaux de certains enfants présentant une lenteur et une limitation du développement intellectuel conduisirent à concevoir pour eux un enseignement spécial tenant compte de ces particularités. Les premières échelles d’intelligence ont été conçues à ce moment-là pour reconnaître les enfants qui pourraient en bénéficier et pour éviter d’orienter des enfants par erreur vers cet enseignement spécial. L’ensemble des institutions scolaires et médico-pédagogiques se sont développées à partir de ce critère d’orientation qui reste, actuellement, l’un des critères d’agrément des établissements spécialisés, de sorte que ces informations sont généralement exigées dans les dossiers de demande d’admission. Enfin, les résultats des tests psychométriques entrent dans les critères à partir desquels la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées évalue les taux d’incapacité.

Un psychologue peut-il refuser de pratiquer des tests psychométriques à la demande d’un tiers?

La responsabilité du psychologue dans le choix de ses méthodes et de ses outils est d’emblée posée dans les principes généraux du code de déontologie :
Titre I-3 Responsabilité : […] Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l’application des méthodes et techniques psychologiques qu’il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels.
Dans la mesure où il accepte cette mission il lui appartient donc de décider si les informations fournies par les tests psychométriques sont utiles à sa réflexion pour répondre à la question qui motive son examen ou s’il est possible d’y répondre par d’autres voies que l’approche psychométrique.
Au Titre I-7, il est en outre affirmé que « Le psychologue ne peut aliéner l’indépendance nécessaire à l’exercice de sa profession sous quelque forme que ce soit. »
Toutefois, cette indépendance ne se justifie que pour permettre au psychologue de réfléchir librement aux conditions et aux conséquences possibles de l’examen qu’il doit effectuer afin de définir clairement ce que le Code désigne comme « le but assigné ».
Titre I-6 : Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions et à eux seulement. Tout en construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue doit prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent éventuellement en être faite par des tiers ».
Cette dernière phrase est généralement interprétée dans un sens restrictif et fait référence à la question du secret professionnel, en particulier dans les situations de conflit ou dans un contexte judiciaire. Le psychologue a donc le droit de refuser de fournir des éléments psychométriques à la demande d’un tiers, s’ils n’entrent pas dans le cadre du but assigné ou si la demande vise à satisfaire une curiosité ou des intérêts particuliers qui puissent avoir des effets contraires aux intérêts de la personne concernée. 
En revanche, lorsque sa fonction l’amène à participer, avec d’autres partenaires institutionnels à l’élaboration d’une solution éducative ou pédagogique adaptée pour un enfant, le psychologue doit pouvoir contribuer au partage d’informations, en apportant tous les éléments utiles, inhérents à sa compétence. Il lui incombe donc de fournir son avis psychologique lorsqu’il est nécessaire à la constitution d’un dossier.
Toutefois, dans certaines circonstances, le psychologue peut être dans l’impossibilité de fournir ces informations:

  • – s’il estime que les tests nécessaires pour recueillir ces informations ne sont pas de sa compétence ou s’il ne dispose pas du matériel nécessaire, ou si le matériel dont il dispose n’est pas à jour.
  • – si les modalités relationnelles propres à l’examen psychologique sont incompatibles avec une autre situation relationnelle, par exemple, une psychothérapie.
  • – s’il estime que la personne concernée n’est pas en mesure de subir la situation de tests. Il peut ici se référer à l’article 3 du Code de déontologie :
  •  

Article 3 : La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique. Son activité porte sur la composante psychique des individus considérés isolément ou collectivement.
Dans tous les cas où le psychologue prend la responsabilité d’une telle décision, il importe qu’il en explique clairement les motifs au demandeur d’information.

Quelle position éthique pour un psychologue lorsqu’il participe à un dispositif  faisant intervenir plusieurs équipes ou plusieurs institutions?

Il convient de rappeler préalablement ce que précise l’article 8 :
Article 8 : Le fait pour un psychologue d’être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou un statut à toute entreprise privée ou tout organisme public, ne modifie pas ses devoirs professionnels, et en particulier ses obligations concernant le secret professionnel et l’indépendance du choix de ses méthodes et de ses décisions. Il fait état du Code de Déontologie dans l’établissement de ses contrats et s’y réfère dans ses liens professionnels.
Dans toutes les situations de prises de décision concernant l’éducation, la scolarité, le traitement d’un enfant, le psychologue est amené à participer régulièrement ou ponctuellement au travail d’équipes pluridisciplinaires à l’interférence de plusieurs institutions. Les articles 6 et 12 définissent les modalités relationnelles de telles situations :
Article 6 : Le psychologue fait respecter la spécificité de son exercice et son autonomie technique. Il respecte celle des autres professionnels
Article 12 : Le psychologue est seul responsable de ses conclusions. Il fait état des méthodes et outils sur lesquels il les fonde, et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver le secret professionnel. […]
Il faut peut-être souligner qu’un point de vue dynamique et éclairé est pour chaque enfant la garantie d’une sauvegarde de ses potentialités subjectives et de la reconnaissance de sa vie psychique, même, et peut-être surtout, s’il présente un handicap. La réflexion que le psychologue peut fournir à partir des informations qu’il tire de la clinique et de l’interprétation des tests constitue un repère d’évolution, précieux pour contrebalancer les effets d’usure qui éprouvent fréquemment les professionnels en contact permanent avec les enfants.
Si l’introduction d’une possibilité d’évaluation des potentialités intellectuelles a été, en son temps, novatrice dans le champ scientifique, sa vulgarisation a conduit à des utilisations réductrices. Il appartient au psychologue d’œuvrer pour que soit préservée et comprise la spécificité de cette approche, ce que précisent les articles 17 et 19 :
Article 17 : La pratique du psychologue ne se réduit pas aux méthodes et aux techniques qu’il met en œuvre. Elle est indissociable d’une appréciation critique et d’une mise en perspective théorique de ces techniques.
Article 19 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence.

Avis rendu le 11/10/2010
Pour la CNCDP
Le Président,  Patrick COHEN

 

Articles du code cités dans l’avis : Titres I-3, I-6, I-7 ; Articles 3, 6, 8, 12, 17, 19.

 

Annexes

Texte législatif de référence soulignant le pouvoir règlementaire des MDPH : Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Chapitre 2 – La MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées)
La CDA (Commission des Droits et de l’Autonomie) – Les équipes pluridisciplinaires.
Le guide barème pour l’évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées est l’outil utilisé par les CDAPH pour déterminer le taux d’incapacité des demandeurs s’adressant à ces commissions. Il s’appuie sur les concepts de déficience – incapacité – désavantage, proposés par l’OMS par le biais de la Classification Internationale des Handicaps depuis les années 80.
Une version pour enfants et adolescents de la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF-EA) a été publiée par le CTNERHI en décembre 2008.
Le guide- barème actuel résulte du décret N° 92-1216 du 4 novembre 1993 et de la circulaire N° 93/36 B du 23 novembre 1993, abrogés par le décret n° 2004-1136 du 21 octobre 2004. Il est intégré dans la partie réglementaire du code de l’action sociale et des familles, articles R. 146-28, R. 241-2 et R. 241-13 de ce code.

Avis CNCDP 2010-07

Année de la demande : 2010

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Rapport d’expertise judiciaire

Questions déontologiques associées :

– Responsabilité professionnelle
– Autonomie professionnelle
– Information sur la démarche professionnelle
– Traitement équitable des parties
– Signalement
– Évaluation (Relativité des évaluations)
– Évaluation (Droit à contre-évaluation)
– Transmission de données psychologiques (Compte rendu à des partenaires professionnels)
– Reconnaissance de la dimension psychique des personnes

Comme l’indique le préambule, la CNCDP est une instance consultative qui éclaire sur la base du code de déontologie des psychologues, les questions que se posent des psychologues ou des usagers. De ce fait, cette commission n’est pas fondée à vérifier la matérialité des faits qui lui sont rapportés et ne peut émettre de jugement sur les actes professionnels d’un psychologue ou sur la qualité des conclusions qu’il émet. 
Avant de répondre aux questions posées par la demandeuse dans le premier courrier, la  commission souhaite préciser qu’elle est habilitée à traiter des questions relevant des conditions d’exercice de la psychologie
En ce qui concerne les questions de droit relevant de la justice, si les intéressés estiment avoir subi un préjudice, c’est aux instances judiciaires qu’ils doivent s ‘adresser.

Au regard des questions posées, la commission développera les points suivants :

  • Autonomie et responsabilité professionnelles du psychologue
  • Utilisation des propos et informations recueillis par un psychologue dans le cadre d’une mission d’expertise
  • Supports et moyens utilisés par le psychologue pour tirer ses conclusions
  • Possibilité de contre évaluation

Autonomie et responsabilité professionnelles du psychologue

Le psychologue expert est un professionnel désigné par le juge des enfants qui doit pouvoir agir en toute indépendance pour conduire son évaluation de manière sereine et impartiale. 
De ce fait, il est considéré comme responsable de ses conclusions comme l’indique le principe de responsabilité du Titre I.
Titre I-3 : Outre les responsabilités définies par la loi commune, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Il s’attache à ce que ses interventions se conforment aux règles du présent Code. Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l’application des méthodes et techniques psychologiques qu’il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences de ses actions et avis professionnels.
L’article 6 du Code précise également l’importance de l’autonomie du psychologue pour mener à bien sa mission :
Article 6 : Le psychologue fait respecter la spécificité de son exercice et son autonomie technique. Il respecte celle des autres professionnels.

Utilisation des propos et informations recueillis par un psychologue dans le cadre d’une mission d’expertise

Le psychologue définit toujours préalablement le cadre de son intervention, en fonction de la mission qui lui est confiée :
Article 9 : Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement de ceux qui le consultent ou participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il les informe des modalités, des objectifs et des limites de son intervention […].
Cela permet aux intéressés de mieux comprendre les modalités d’intervention du psychologue et de consentir de manière plus éclairée à l’examen proposé.
Dans la situation particulière d’une expertise ordonnée par un juge, le cadre est prédéfini par les questions posées par ce dernier, et le psychologue a pour mission d’y répondre, en vue d’éclairer la justice. Il orientera donc son intervention de façon à recueillir les éléments lui permettant de répondre à ces questions, tout en prenant en considération le fait  « que nul n’est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même » (Titre I-1 du Code). 
Les propos et informations recueillis ne sont pas transmis en l’état : ils sont analysés et interprétés par le psychologue à l’aide de méthodes et techniques spécifiques à son exercice.
Ce sont des éléments qui permettent d’éclairer la justice mais n’ont en aucun cas valeur de preuves, comme l’indique la dernière partie de l’article 9 du Code :
Art. 9 : Dans les situations d’expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties et sait que sa mission a pour but d’éclairer la justice sur la question qui lui est posée et non d’apporter des preuves.
Les preuves concernent la matérialité des faits, qui n’est pas de la compétence du psychologue. L’article 3 du Code précise en effet que «  son activité porte sur la composante psychique des individus ».
Enfin, l’article 13 précise que le psychologue peut parfois être amené à faire état d’éléments qui lui paraissent inquiétants et/ou indicateurs d’un risque de danger pour le consultant ou d’autres personnes.
Art 13 : Dans le cas particulier où ce sont des informations à caractère confidentiel qui lui indiquent des situations susceptibles de porter atteinte à l’intégrité psychique ou physique de la personne qui le consulte ou à celle d’un tiers, le psychologue évalue en conscience la conduite à tenir, en tenant compte des prescriptions légales en matière de secret professionnel et d’assistance à personne en danger.

Supports et moyens utilisés par le psychologue pour tirer ses conclusions

Comme nous l’avons exposé précédemment, le psychologue expert analyse les éléments d’évaluation à la lumière de méthodes et techniques spécifiques, afin d’en tirer des conclusions, qui du fait même de leur élaboration et interprétation si rigoureuses soient-elles, ont un caractère relatif.
Article 19 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations […].
L’article 12 apporte par ailleurs quelques repères relatifs aux conclusions du psychologue, tant en ce qui concerne leur élaboration, leur rédaction que leur compréhension par les intéressés :
Art.12 : Le psychologue est seul responsable de ses conclusions. Il fait état des méthodes et outils sur lesquels il les fonde, et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver le secret professionnel. Les intéressés ont le droit d’obtenir un compte-rendu compréhensible des évaluations les concernant, quels qu’en soient les destinataires. Lorsque ces conclusions sont présentées à des tiers, elles ne répondent qu’à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire.

Possibilité de demander une contre évaluation

Le courrier adressé à la  CNCDP par la demandeuse pose un certain nombre de questions sur le travail d’évaluation menée par le psychologue expert. Comme nous l’avons signalé en préambule, le rôle de la commission n’est pas de mettre en cause la qualité du travail fourni. Néanmoins, elle tient à préciser à la demandeuse qui conteste les conclusions de l’évaluation psychologique réalisée au profit de sa fille, qu’elle peut solliciter une contre évaluation, ainsi que l’énonce le code de déontologie :
Article 9 : «  Dans toutes les situations d’évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue rappelle aux personnes concernées leur droit à demander une contre évaluation ».

Avis rendu le 15/07/2010
Pour la CNCDP
Le Président
Patrick COHEN

 

Articles du code cités dans l’avis : Titres I-1, I-3 ; Articles 6, 9, 12, 13, 19.

Avis CNCDP 2010-06

Année de la demande : 2010

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Compte rendu

Questions déontologiques associées :

– Évaluation (Évaluation de personnes que le psychologue n’a pas rencontrées)
– Évaluation (Relativité des évaluations)
– Évaluation (Droit à contre-évaluation)
– Abus de pouvoir (Abus de position)
– Traitement équitable des parties
– Compétence professionnelle (Qualité scientifique des actes psychologiques)

Au vu de la situation présentée par le demandeur, la Commission traitera de la question de la distinction entre avis sur une situation et évaluation d’une personne. Elle traitera aussi des différences qu’il y a entre une évaluation réalisée dans un cadre ordinaire et celle réalisée dans une mission d’expertise. Elle terminera en rappelant qu’une évaluation est toujours relative.

La différence entre avis sur une situation et évaluation d’une personne

La commission rappelle qu’il n’entre pas dans sa mission de se prononcer sur un cas particulier ni de juger de la conformité d’un écrit ou d’une intervention donnée d’un psychologue.
Elle ne peut donc pas ici évaluer le bien-fondé du reproche du demandeur à savoir que le psychologue aurait formulé dans son compte rendu des affirmations sur lui sans l’avoir rencontré. La commission développera une réflexion générale à partir de la situation qui lui est exposée.
L’article 9 du code de Déontologie des psychologues, que nous citons un peu plus loin, établit nettement une différence entre "avis sur une situation" et "évaluation d’une personne" et pose que les qualités, compétences, aptitudes ou troubles d’une personne ne peuvent être évaluées par un psychologue que si celui-ci a personnellement rencontré la personne dont il parle. Il peut en revanche donner son avis sur ce qu’il perçoit de la situation et/ou sur la façon dont elle est perçue par l’enfant lui-même et le parent avec lequel il a pu s’entretenir.
Article 9 : (…) Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées, mais son évaluation ne peut porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même. (…)
Dans ce cas, le psychologue indiquera clairement ses sources d’information et distinguera les conclusions qu’il tire de ce qu’il a lui-même observé, des hypothèses qu’il peut émettre à partir de ce qui lui a été rapporté. Il se conforme en cela à l’article 12 :
Article 12 : (…) Le psychologue (…) fait état des méthodes et outils sur lesquels il  fonde [ses conclusions]  (…)
Le psychologue pourra donc évoquer le parent absent, évidemment présent dans la tête de l’enfant et du parent qui l’a amené à la consultation, d’ailleurs comment ne le pourrait-il pas ne serait-ce que pour mentionner qu’il ne l’a justement pas rencontré.
Cependant le psychologue sait, de par sa formation, prendre de la distance et garder sa neutralité par rapport aux demandes souvent pressantes et angoissées, parfois implicites, qui sont à l’origine de l’évaluation.
Cela implique qu’il ne prenne pas fait et cause pour la personne qui le consulte, qu’il anticipe les utilisations qui pourraient être faites de son compte rendu, pour éviter le risque d’être instrumentalisé.
C’est bien l’une des situations visées par l’article 11 :
Article 11 : (…) Le psychologue (…) ne répond pas à la demande d’un tiers qui recherche un avantage illicite ou immoral, ou qui fait acte d’autorité abusive dans le recours à ses services. (…)

Expertise et évaluation ordinaire

Dans le cadre d’une mission d’expertise ordonnée par un juge aux affaires familiales pour l’éclairer dans une procédure de réforme du droit de visite et d’hébergement d’un enfant, le psychologue a non seulement la possibilité mais l’obligation de s’entretenir avec tous les protagonistes (l’enfant et ses deux parents). Il peut alors se forger une opinion fondée, et faire des recommandations argumentées, sans prendre partie :
Article 9 : (…) Dans les situations d’expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties (…).
Hors expertise, lorsqu’il est consulté de manière unilatérale par un parent préoccupé par le mode de garde de son enfant, le psychologue prend soin de rester dans le cadre de ce qu’il lui sera possible de faire : s’il ne peut rencontrer que l’un des parents, il n’aura pas les moyens de se faire un avis fondé et éclairé ni sur les qualités parentales de l’autre parent ni, a fortiori, sur le mode de garde de l’enfant.
Rappelons qu’une évaluation privée, effectuée à la demande d’une partie, ne répond pas aux mêmes objectifs qu’une expertise.

La relativité d’une évaluation

Article 19 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. (…)
La "valeur" d’une évaluation est fonction de plusieurs paramètres qui sont :

  1. la qualité et l’exhaustivité des informations dont le psychologue dispose,
  2. le caractère scientifiquement fondé des outils et méthodes qu’il utilise,
  3. ainsi que, bien évidemment, sa compétence dans le domaine concerné (c’est-à-dire sa qualification, son expérience et sa capacité à mettre en perspective la demande).

Une évaluation permet au psychologue de formuler un avis et tout avis, fût-il celui d’un "expert", doit pouvoir, si nécessaire, être confirmé. C’est ce que le Code établit dans ce même article 9 :
Article 9 : (…) Dans toutes les situations d’évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue rappelle aux personnes concernées leur droit à demander une contre-évaluation. (…)

Si la Commission évoque ici cet aspect, c’est qu’il lui a semblé que bien souvent les personnes qui sont insatisfaites par les analyses et conclusions d’un psychologue, ou qui ont un doute sur leur pertinence, n’envisagent pas de demander une contre-évaluation ou une contre-expertise. Il est possible que les psychologues eux-mêmes n’abordent pas assez souvent ou assez explicitement cet aspect avec leurs clients.

Avis rendu le 23 Juillet 2010
Pour la CNCDP
Le Président
Patrick COHEN

 

Articles du code cités dans l’avis : Articles 9, 11, 12, 19

Avis CNCDP 2010-02

Année de la demande : 2010

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Expertise judiciaire

Questions déontologiques associées :

– Compétence professionnelle (Formation (formation initiale, continue, spécialisation))
– Compétence professionnelle (Qualité scientifique des actes psychologiques)
– Responsabilité professionnelle
– Autonomie professionnelle
– Diffusion de la psychologie
– Traitement équitable des parties
– Évaluation (Droit à contre-évaluation)
– Évaluation (Relativité des évaluations)
– Probité
– Respect du but assigné
– Discernement

Comme le rappelle l’avertissement précédent, la commission n’a ni vocation ni mandat pour juger de la pratique d’un psychologue et en l’occurrence apprécier le contenu ou l’organisation d’une expertise psychologique. Elle ne peut que tenter d’éclairer cette pratique à la lumière du code de déontologie et proposer notamment une réflexion sur les conditions optimales de la réalisation des différentes missions du psychologue.

Au regard des questions soulevées par la demandeuse, la commission traitera des points suivants :
Compétence, responsabilité et indépendance professionnelle du psychologue
Diffusion de la psychologie auprès du public
Traitement équitable des parties et critères présidant au travail d’expertise psychologique.

Compétence, responsabilité et indépendance professionnelle du psychologue

Une expertise psychologique constitue un important travail de réalisation d’entretiens avec une ou des personnes, de recueil et d’analyse de données à partir de ces rencontres, d’élaboration de celles-ci puis enfin, de rédaction d’un ensemble d’observations et de conclusions.
Pour ce faire, le psychologue expert planifie et programme les entretiens, examens psychologiques, tests qu’il estime nécessaires à la compréhension d’une situation de manière à l’appréhender au mieux dans toute sa complexité et avec le maximum d’objectivité.
Lors d’un examen psychologique familial, c’est à lui qu’incombe de déterminer quels membres de la famille il va rencontrer, et dans quel contexte, c’est à dire seuls, en couple, en groupe. Il peut ainsi lui apparaître nécessaire de rencontrer plusieurs fois l’enfant (ou les enfants) seul, avec chacun de ses parents ou encore avec ses deux parents ou d’autres membres de la famille pour tenter de saisir de manière fine et la plus exhaustive possible les interactions et enjeux familiaux.
Outre une formation initiale universitaire, le psychologue a en principe été formé à ce travail d’expertise et/ou dispose d’une expérience conséquente en la matière, ce qui lui permet de produire un rapport écrit de qualité, solidement étayé et documenté.
Pour l’organisation de son travail, le psychologue expert a toute latitude, le seul fil conducteur de sa démarche étant la réponse à la ou aux questions pour lesquelles il a été missionné. Il est d’ailleurs essentiel, pour la conduite de son examen, qu’il agisse en toute indépendance, sans se laisser influencer par des pressions d’aucune sorte.
Dans ce cadre, il peut juger approprié de s’abstenir de rencontrer d’autres collègues psychologues ou professionnels (de santé, sociaux…) qui ont eu à connaître les personnes faisant l’objet de l’expertise ou assurent encore leur suivi.
Travailler de manière indépendante permet aussi de porter un regard neuf sur une situation, et de prendre le recul nécessaire.
Plusieurs passages du code, principes généraux du titre I ou articles, évoquent ces notions de compétence, de responsabilité mais aussi d’indépendance propres à l’exercice du psychologue et qui lui permettent de s’acquitter d’une mission avec rigueur et sérénité :

Titre I-2 Compétence : Le psychologue tient ses compétences de connaissances théoriques régulièrement mises à jour, d’une formation continue et d’une formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières et définit ses limites propres, compte tenu de sa formation et de son expérience. Il refuse toute intervention lorsqu’il sait ne pas avoir les compétences requises.
Titre I-3 Responsabilité : Outre les responsabilités définies par la loi commune, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Il s’attache à ce que ses interventions se conforment aux règles du présent Code. Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l’application des méthodes et techniques psychologiques qu’il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels.
Titre I-7 Indépendance professionnelle : Le psychologue ne peut aliéner l’indépendance nécessaire à l’exercice de sa profession sous quelque forme que ce soit.
Article 12 : Le psychologue est seul responsable de ses conclusions. Il fait état des méthodes et outils sur lesquels il les fonde, et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver le secret professionnel. (…)

Diffusion de la psychologie auprès du public

Un psychologue a la possibilité s’il le souhaite, de témoigner de son savoir, de sa pratique et de son expérience, soit à travers une forme d’enseignement ou de transmission auprès d’étudiants ou de pairs, soit auprès d’un public plus large, à travers des publications et interventions audiovisuelles (conférences, radio, télévision, internet). Son témoignage peut être précieux pour la communauté professionnelle et permet d’informer également des personnes non psychologues sur une thématique précise.
Dans ce dernier cas, il doit être vigilant d’une part à ce que ses propos ne contreviennent pas aux règles du code de déontologie de sa profession et d’autre part à ne pas faire état dans le détail des méthodes et techniques qu’il emploie.
En ce qui concerne d’éventuelles hypothèses explicatives ou développements théoriques à propos d’une pathologie ou problématique, il doit veiller à être pédagogue, clair, prudent dans leur énonciation et à bien préciser le contexte de leur élaboration.

Les articles 25 et 26 explicitent les conditions de cette diffusion :

Article 25 : Le psychologue a une responsabilité dans la diffusion de la psychologie, auprès du public et des médias. Il fait de la psychologie et de ses applications une présentation en accord avec les règles déontologiques de la profession. Il use de son droit de rectification pour contribuer au sérieux des informations communiquées au public.
Article 26 : Le psychologue n’entre pas dans le détail des méthodes et techniques psychologiques qu’il présente au public, et il l’informe des dangers potentiels d’une utilisation incontrôlée de ces techniques.
Dans la situation de présentation de cas, le psychologue doit veiller à l’anonymat des personnes et à la préservation de leur dignité et bien-être :

Article 32 : (…) les présentations de cas se font dans le respect de la liberté de consentir ou de refuser, de la dignité et du bien-être des personnes présentées.

Traitement équitable des parties et critères présidant au travail d’expertise psychologique.

Ainsi qu’il a été dit précédemment, une expertise psychologique est un travail complexe et rigoureux d’analyse et compréhension d’une ou de personnalités singulières, de dynamiques personnelles et familiales, de mise à jour d’éléments explicatifs de symptômes, mises en actes, dysfonctionnements, conflits, dissensions.
Il requiert par conséquent la garantie d’un certain nombre de critères et règles parmi lesquels, en premier lieu, le traitement équitable des parties.

Le psychologue expert doit en effet veiller au traitement équitable des différentes personnes rencontrées, afin que chacun puisse être entendu, reconnu dans ses arguments et choix et que la synthèse produite soit la plus exhaustive et objective possible.
C’est précisément pour éviter toute forme de parti pris que le psychologue sera particulièrement attentif à cette règle et aura le souci d’accorder autant d’attention à chaque protagoniste. Les psychologues experts notent d’ailleurs en préalable de leur écrit les dates des rencontres réalisées et l’identité des personnes concernées par chacune d’elles.

Article 9 : (…) Dans les situations d’expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties et sait que sa mission a pour but d’éclairer la justice sur la question qui lui est posée et non d’apporter des preuves.
Il pourra également rappeler aux personnes concernées, autant que de besoin, la possibilité de solliciter auprès du juge une contre-évaluation :

Article 9 : (…) Dans toutes les situations d’évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue rappelle aux personnes concernées leur droit à demander une contre-évaluation. (…).
D’autres critères sont importants et notamment la probité et la qualité scientifique du psychologue. Deux principes du titre I déclinent ces notions : 

Titre I-4 Probité : Le psychologue a un devoir de probité dans toutes ses relations professionnelles. Ce devoir fonde l’observance des règles déontologiques et son effort continu pour affiner ses interventions, préciser ses méthodes et définir ses buts.
Titre I-5 Qualité scientifique : Les modes d’intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l’objet d’une explicitation raisonnée de leurs fondements théoriques et de leur construction. (…)
Le psychologue, dans l’accomplissement de sa tâche d’expertise répond en outre à un "but assigné", c’est-à-dire à une ou des questions ou demandes précises formulées par le juge qui l’a missionné. Dans le cas présent, l’expertise est réalisée "aux fins de statuer sur l’exercice de l’autorité parentale et le droit de visite et d’hébergement". A cet effet, le psychologue est libre de choisir les méthodes et modalités qui lui paraissent le plus appropriées, dans la mesure où il apporte une réponse effective à la question posée. Le principe I-6 illustre ce point :

Titre I-6 Respect du but assigné : Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. Tout en construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue doit donc prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent éventuellement en être faites par des tiers.
Dans le cadre d’une expertise, le rapport écrit est prioritairement destiné au juge et a pour vocation d’éclairer sa décision. Il est également important de rappeler qu’in fine, c’est bien sûr toujours le juge et seulement lui qui rend cette décision.

Enfin, le psychologue en charge d’une expertise doit faire preuve de discernement et de prudence dans ses analyses, ce qui ne signifie pas qu’il ne doit pas se positionner et formuler des préconisations dûment argumentées. Deux articles éclairent cette attitude professionnelle, si précieuse au psychologue : 

Article 17 : La pratique du psychologue ne se réduit pas aux méthodes et aux techniques qu’il met en œuvre. Elle est indissociable d’une appréciation critique et d’une mise en perspective théorique de ces techniques.
Article 19 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence.
Dans ces situations très sensibles, où l’enfant se retrouve souvent "au milieu" du conflit parental, l’expertise psychologique peut révéler des enjeux affectifs complexes. Pour la conduire, le psychologue doit donc à la fois répondre à la question posée par le juge et veiller à son impartialité dans un contexte rendu difficile par les attentes très fortes et contradictoires des parents et le mal être de l’enfant, pris dans ce conflit.
Ainsi la préservation de la neutralité psychologique dans le cadre d’une expertise judiciaire est un réel enjeu déontologique, dont le code peut être un garant solide.

 

Avis rendu le 21 Avril 2010
Pour la CNCDP
Le Président
Patrick COHEN

 

Articles du code cités dans l’avis : Titres I-2, I-3, I-4, I-5, I-6, I-7, Articles 9, 12, 17, 19, 25, 26, 32.

Avis CNCDP 2010-14

Année de la demande : 2010

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Rapport d’expertise judiciaire

Questions déontologiques associées :

– Traitement équitable des parties
– Évaluation (Évaluation de personnes que le psychologue n’a pas rencontrées)
– Évaluation (Droit à contre-évaluation)
– Responsabilité professionnelle
– Autonomie professionnelle

Eu égard à la situation présentée, la Commission portera sa réflexion sur la notion de traitement équitable.
En seconde partie, la Commission se penchera sur la notion de « neutralité », qui est évoquée de manière très intéressante dans cette demande.

1. Le traitement équitable des parties

Le Code de déontologie des psychologues ne comporte qu’une référence directe à la situation spécifique de l’expertise judiciaire, insérée dans l’article 9 :
Article 9 : […] Dans les situations d’expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties et sait que sa mission a pour but d’éclairer la justice sur la question qui lui est posée et non d’apporter des preuves.
La première partie de la phrase (« traite de façon équitable ») concerne essentiellement les expertises effectuées à la demande du juge aux affaires familiales lorsqu’il y a litige sur le droit de garde et d’hébergement des enfants d’un couple séparé. La seconde partie (éclairer la justice et non apporter des preuves) concerne plutôt les expertises réalisées dans un contexte pénal.
Dans le cas d’un conflit entre des personnes, le psychologue procède à des entretiens où chacune des parties est convoquée, afin de se forger ensuite, en connaissance de cause, son opinion, et répondre aux questions posées dans la mission qui lui a été confiée. Plus précisément, dans le cas d’un conflit parental, les parents  sont reçus, ensemble ou séparément,  ainsi que les enfants.
Ainsi, sur le plan déontologique, recevoir tous les protagonistes concernés est fondamental dans la mesure où cela permet au psychologue de ne pas tirer de conclusions à partir des seuls dires d’une autre personne, et d’évaluer le plus objectivement possible une situation donnée, comme l’établit l’article 9 dans un autre passage:
Article 9 : […] Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées, mais son évaluation ne peut porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même. […].
Le psychologue est toutefois libre d’organiser son examen comme il l’estime approprié :
Titre I-3 Responsabilité : […] Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l’application des méthodes et techniques psychologiques qu’il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels.
Dans cet esprit, il est libre de recueillir ou non toute information supplémentaire, ou de prendre contact avec un autre membre de l’entourage.
Il est libre de recevoir les parents et les enfants ensemble ou séparément, de les voir plusieurs fois si nécessaire, libre de choisir ses méthodes (entretiens ou tests).

2. La neutralité du psychologue

Dans le Code, on ne trouve aucune mention du terme « neutralité ». Ce terme fait pourtant partie de la représentation que les gens se font communément de l’exercice de la psychologie et il est généralement associé à l’adjectif « bienveillante ».
La « neutralité bienveillante » est une expression issue de la psychologie humaniste qui s’applique généralement aussi  au travail du psychanalyste dans sa relation à l’analysant.
Si neutralité veut dire qu’on ne porte pas de jugement moral et qu’on ne prend pas partie, alors il est évident que le psychologue se doit de rester neutre. Si en revanche la notion de neutralité devait s’entendre comme interdiction d’évaluer une situation ou un fonctionnement psychologique, alors elle ne peut s’appliquer à l’exercice de la psychologie, hormis peut-être dans une relation psychothérapeutique.
En effet, il est demandé aux psychologues de donner un avis d’expert (au sens général du terme) sur une personnalité ou une situation. Cela veut dire que, une fois qu’ils ont examiné la situation (de manière équitable) et par les méthodes qu’ils ont choisi d’appliquer, les psychologues doivent donner leur avis. C’est le cas par exemple d’une recherche de diagnostic, d’un conseil d’orientation, d’un recrutement, de recommandations de traitement, etc.
C’est le cas aussi dans une mission d’expertise : le juge demande à être éclairé par le point de vue du psychologue, et reste libre de prendre la décision qui lui paraît la plus juste et/ou la plus appropriée.
Soulignons que dans les situations de conflit entre parents, c’est l’intérêt de l’enfant qui reste au premier plan de la réflexion du psychologue, comme de la décision du juge.

Conclusion

La Commission est consciente que son avis, de portée générale, risque de ne pas répondre précisément aux attentes du demandeur, qui conteste les décisions du juge et voit un rapport direct entre celles-ci et les conclusions de l’expertise psychologique.
En outre, le demandeur dénonce l’utilisation du rapport d’expertise qui serait faite par son ex-conjoint. A ce sujet le titre I-6 du code énonce, dans sa deuxième partie, que d’une manière générale :
Titre I-6 : […] Tout en construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue doit donc prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent éventuellement en être faites par des tiers.
Mais, sur ce dernier point, la Commission rappelle qu’une expertise est faite à la demande d’un juge, qui en est l’unique destinataire. Dans ce cas, le psychologue ne peut être tenu pour responsable des utilisations ultérieures qui seront faites de son rapport.
Concernant la contestation des conclusions d’un rapport d’expertise (ou d’un examen psychologique), la Commission reconnaît la légitimité de telles démarches : toute personne ayant été évaluée doit se sentir libre de solliciter un autre avis, et dans le cas d’une expertise, de demander une contre-expertise.
Cette notion est aussi abordée dans l’article 9 :
Article 9 : […] Dans toutes les situations d’évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue rappelle aux personnes concernées leur droit à demander une contre-évaluation. […].

Avis rendu le 10/01/2011
Pour la CNCDP
Le Président
Patrick COHEN

 

Articles du code cités dans l’avis : Titres I-3, I-6 ; Article 9