Avis CNCDP 2011-04

Année de la demande : 2011

Demandeur :
Psychologue (Secteur non précisé)

Contexte :
Questionnement professionnel personnel

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Témoignage en justice

Questions déontologiques associées :

– Confidentialité (Confidentialité du contenu des entretiens/ des échanges)
– Confraternité entre psychologues
– Consentement éclairé
– Discernement
– Écrits psychologiques (Archivage (conservation des documents psychologiques au sein des institutions : dossiers, notes personnelles, etc.))
– Mission (Compatibilité des missions avec la fonction, la compétence, le Code de déontologie, dans un contexte professionnel donné)
– Reconnaissance de la dimension psychique des personnes
– Respect de la loi commune
– Respect de la personne
– Responsabilité professionnelle
– Secret professionnel (Contenu des entretiens / des séances de groupe)
– Transmission de données psychologiques (Compte rendu à un service administratif)

Au regard de la situation évoquée, la commission de déontologie fera porter sa réflexion sur les deux points suivants :

  • Le secret professionnel et le psychologue : respect du secret, situations particulières de dilemme éthique, nature des informations à caractère secret et confidentiel, levée du secret,
  • L’archivage et la conservation des écrits professionnels.

En préambule, attentive à la demande inhabituelle qui lui est faite par un psychologue, au nom d’un confrère en difficulté, la commission souhaite souligner l’importance de la solidarité entre pairs si justement rappelée par l’article 21 :
Article 21 – Le psychologue soutient ses collègues dans l’exercice de leur profession et dans l’application et la défense du présent Code. Il répond favorablement à leurs demandes de conseil et les aide dans les situations difficiles, notamment en contribuant à la résolution des problèmes déontologiques.
Cette coopération  entre psychologues est réaffirmée, précisément à propos de la conduite à tenir en matière de secret professionnel, dans la dernière phrase de l’article 13 auquel nous reviendrons plus loin :
Article 13 : […] Le psychologue peut éclairer sa décision en prenant conseil auprès de collègues expérimentés.

Le secret professionnel et le psychologue : respect du secret, situations particulières de dilemme éthique, nature des informations à caractère secret et confidentiel, levée du secret

Le secret professionnel est l’obligation faite à un professionnel de ne pas divulguer les secrets dont il est dépositaire de la part d’une personne (patient, client, résident, bénéficiaire, usager…) auprès de qui il intervient, ainsi que ce qu’il a appris sur cette personne à l’occasion de son intervention.

  • Que dit le code de déontologie des psychologues du secret professionnel ? Que faire en cas de dilemme éthique ?

Quand un texte de loi impose aux membres d’une profession (par exemple professionnels de santé) l’obligation du secret professionnel, ceux-ci peuvent en être déliés dans des cas très précis, mais en dehors de ces cas, la violation du secret expose à une sanction pénale (article 226-13 du code pénal).
Il n’existe pas de texte de loi soumettant le psychologue exerçant en libéral au secret professionnel. En revanche plusieurs évidences sont ici à rappeler qui indiscutablement sur le plan déontologique (mais très largement aussi sur le plan juridique) conduisent à considérer le psychologue comme un professionnel à qui s’impose l’obligation du secret professionnel.
Rappelons d’abord que le Code en son article 7 énonce la nécessaire adéquation des missions acceptées par le psychologue au code lui-même mais également à la loi commune.
Article 7 : Le psychologue accepte les missions qu’il estime compatibles avec ses compétences, sa technique, ses fonctions, et qui ne contreviennent ni aux dispositions du présent Code, ni aux dispositions légales en vigueur.
Il est évident que le principe affirmé par la loi, selon lequel toute personne a droit au respect de sa vie privée et de son intimité (article 9 du Code Civil et article 226-1 du Code Pénal) s’applique sans réserve au client ou au patient du psychologue. Ce principe est d’ailleurs exposé dès le Titre 1 du Code et explicitement rapporté au secret professionnel qui en est le garant.
Principe I-1, Respect des droits de la personne : […] Le psychologue préserve la vie privée des personnes en garantissant le respect du secret professionnel, y compris entre collègues. Il respecte le principe fondamental que nul n’est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même.
L’article 13 va plus loin en rapprochant ces deux impératifs que sont le respect de la loi commune et le respect des droits de la personne et envisage le dilemme éthique qui peut se présenter au psychologue quand le risque d’atteinte à l’intégrité physique de la personne qui consulte ou d’un tiers est révélé sous le sceau de la confidence.

Article 13 : Le psychologue ne peut se prévaloir de sa fonction pour cautionner un acte illégal, et son titre ne le dispense pas des obligations de la loi commune. […] Dans le cas particulier où ce sont des informations à caractère confidentiel qui lui indiquent des situations susceptibles de porter atteinte à l’intégrité psychique ou physique de la personne qui le consulte ou à celle d’un tiers, le psychologue évalue en conscience la conduite à tenir, en tenant compte des prescriptions légales en matière de secret professionnel et d’assistance à personne en danger. Le psychologue peut éclairer sa décision en prenant conseil auprès de collègues expérimentés.
Il est rappelé que face à ce type de dilemme impliquant le secret professionnel, le psychologue « évalue en conscience la conduite à tenir ». Cette précision a son importance car cette évaluation en conscience, le psychologue ne peut la faire sans référence à sa mission fondamentale telle qu’elle est établie par l’article 3 du Code.
Article 3 – La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique. Son activité porte sur la composante psychique des individus considérés isolément ou collectivement.
Il est incontestable qu’une activité professionnelle qui « porte sur la composante psychique des individus », est une activité qui oblige à pénétrer dans l’intimité des personnes et exige leur confiance. Une telle activité, exercée, de surcroit, par le titulaire d’un titre protégé qui se réfère à un code professionnel, fait de ce dernier ce qu’il est convenu d’appeler un « confident nécessaire ». Cette qualité de « confident nécessaire » s’applique de façon difficilement contestable à un psychologue praticien assurant des consultations et des suivis à finalité thérapeutique. 

  • Que sont des informations à caractère secret et confidentiel ?

Un secret (du latin secretus et secernare, « mettre à part »), est une chose que l’on ne doit dire ou montrer à personne et qui doit rester cachée. Il peut concerner des aspects très divers de la vie privée, familiale, professionnelle, sociale… L’expression « information à caractère secret » est utilisée dans le code pénal pour désigner une information liée à l’intimité d’une personne ou à sa vie privée.
L’adjectif confidentiel (du latin confidens : confiant), caractérise ce que se dit en confidence, ce qui doit rester secret. L’information confidentielle est donc proche de l’information à caractère secret à la nuance près qu’elle met davantage l’accent sur la notion de confiance, si précieuse pour tous les professionnels appelés à recevoir des « confidences » dans le cadre de leur exercice.

 

 L’information que M. « Untel a été suivi de telle à telle date » est donc une information à caractère plutôt confidentiel. S’agissant de la santé des personnes, il existe en outre un consensus pour admettre que le secret professionnel est un impératif.

  • Quelles circonstances permettent la levée du secret ?
  • L’article 13, déjà cité, est à cet égard très clair :

Article 13 : […] Dans le cas particulier où ce sont des informations à caractère confidentiel qui lui indiquent des situations susceptibles de porter atteinte à l’intégrité psychique ou physique de la personne qui le consulte ou à celle d’un tiers, le psychologue évalue en conscience la conduite à tenir, en tenant compte des prescriptions légales en matière de secret professionnel et d’assistance à personne en danger. Le psychologue peut éclairer sa décision en prenant conseil auprès de collègues expérimentés.
C’est donc uniquement dans le cadre de situations pouvant porter atteinte à l’intégrité d’une ou de personne(s) que le psychologue doit évaluer s’il peut révéler des informations à caractère secret et être ainsi délié du secret professionnel.
Le code de déontologie des psychologues n’ayant cependant pas actuellement de valeur légale, le psychologue doit en toute circonstance et prioritairement se référer à la loi commune qui prévaut, en substance les articles 226-13, 226-14 et 434-3 du code pénal, ainsi que l’article 109 du code de procédure pénale.
Concernant la levée du secret, l’article 226-14 énonce les cas de figure dérogatoires où l’article 226-13 ne s’applique pas, la révélation du secret étant alors autorisée. Ce sont notamment les cas où :

  • La loi impose ou autorise la révélation du secret (cela renvoie à d’autres articles du code pénal),
  • Des privations ou sévices sont infligés à un mineur ou une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique.

Toutefois, les personnes astreintes au secret dans l’article 226-13 sont exceptées de cette obligation de dénoncer.
Dans la situation évoquée, compte-tenu du fait que la personne n’est pas en mesure de se protéger en raison de son incapacité et qu’il existe une suspicion de maltraitance par un proche, il semble bien qu’il s’agisse d’un cas de figure dérogatoire à l’obligation du secret.
D’un autre coté,  les renseignements détenus par le psychologue sont anciens, le suivi de la personne est achevé et elle n’est pas en mesure d’exprimer son consentement à la divulgation d’informations la concernant, comme le recommande l’article 9 :
Article 9 – Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement de ceux qui le consultent […].
Le psychologue est donc confronté à un dilemme éthique. Face à celui-ci, en fonction de la connaissance qu’il a de la situation, c’est « en conscience » et en gardant à l’esprit l’intérêt supérieur de la personne, que le psychologue devra se positionner et déterminer s’il peut ou non, révéler d’éventuelles informations à caractère secret, répondant ainsi à la demande de la justice (cf. point a)). Le cas particulier de la réquisition par un procureur de la République répond à un autre article du code de procédure pénale (article 109) mais ne modifie pas l’obligation de secret pour le psychologue ; s’il peut être tenu de comparaître et de prêter serment, il a la possibilité d’arguer de son obligation de secret professionnel.

L’archivage et la conservation des écrits professionnels.

Un psychologue exerçant en libéral peut constituer des dossiers patients/clients dans lesquels il verse ses observations, bilans, comptes rendus… et notes personnelles. Il s’agit d’un usage mais pas d’une obligation, comme cela pourrait l’être en tant qu’agent d’un service public. In fine, il reste responsable de l’organisation et conservation de ses dossiers, que ce soit sous forme papier ou informatique.
Principe I-3, Responsabilité : Outre les responsabilités définies par la loi commune, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Il s’attache à ce que ses interventions se conforment aux règles du présent Code. […] Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels.
Dans le cas où il produit des écrits, il doit respecter un certain nombre de règles énoncées par les articles 14 et 20 :
Article 14 – Les documents émanant d’un psychologue (attestation. bilan, certificat, courrier, rapport, etc.) portent son nom, l’identification de sa fonction ainsi que ses coordonnées professionnelles, sa signature et la mention précise du destinataire. Le psychologue n’accepte pas que d’autres que lui-même modifient, signent ou annulent les documents relevant de son activité professionnelle. Il n’accepte pas que ses comptes rendus soient transmis sans son accord explicite, et il fait respecter la confidentialité de son courrier.
Article 20 – Le psychologue connaît les dispositions légales et réglementaires issues de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. En conséquence, il recueille, traite, classe, archive et conserve les informations et données afférentes à son activité selon les dispositions en vigueur. […].
Le code n’indique cependant aucun délai de conservation des documents archivés par le psychologue exerçant en libéral. Dans la mesure où ces écrits ne sont utiles qu’à lui seul, il appartient au psychologue de décider, en fonction des informations collectées, de la problématique du patient, du contexte de la consultation, de la durée du suivi, de la possibilité de consultations ultérieures après une période d’arrêt, etc., du délai durant lequel il va les conserver.
Une durée de conservation minimale de dix ans, calquée sur le délai de prescription en matière de responsabilité civile professionnelle (1) , est conseillée. Pour un psychologue exerçant sur le long terme auprès d’une clientèle stable, elle peut même s’étendre à la carrière entière.

Avis rendu le 23 mai 2011
Pour la CNCDP
La Présidente
Marie-Claude GUETTE-MARTY

 

Articles du code cités dans l’avis : Principes I-1, I-3 ; Articles 3, 7, 9, 13, 14, 20, 21.

 

(1) Délai de prescription de dix ans à compter de la consolidation du dommage, loi du 4 mars 2002.

Avis CNCDP 2011-03

Année de la demande : 2011

Demandeur :
Psychologue (Secteur Enseignement de la Psychologie)

Contexte :
Questionnement professionnel personnel

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Enseignement de la psychologie

Questions déontologiques associées :

– Abus de pouvoir (Abus de position)
– Code de déontologie (Référence au Code dans l’exercice professionnel, le contrat de travail)
– Consentement éclairé
– Discernement
– Enseignement de la psychologie
– Information sur la démarche professionnelle
– Mission (Distinction des missions)
– Mission (Compatibilité des missions avec la fonction, la compétence, le Code de déontologie, dans un contexte professionnel donné)
– Probité
– Respect de la personne
– Respect du but assigné
– Traitement psychologique de personnes liées au psychologue

                                                                  
Au regard des questions posées, la commission articulera sa réflexion autour des trois points suivants :

  • Activité de recherche sur le terrain de stage,
  • Consentement des personnes participant à une recherche,
  • Recommandation d’une « formation personnelle » dans un cursus universitaire.

Activité de recherche sur le terrain de stage

En préambule, la commission souhaite préciser que cette délicate question est étroitement subordonnée à la conception de la recherche privilégiée dans chaque université et au sein de celle-ci, chaque laboratoire. Dans la discipline Psychologie, en effet, le fonctionnement de la recherche prend plusieurs formes permettant de distinguer de façon schématique deux grands courants :

  • Une approche objective (modèles behavioriste, cognitiviste…) considérant le patient comme un objet de recherche. Dans ce cas, une activité clinique thérapeutique est différenciée de l’activité de recherche et les patients sont distincts des participants à la recherche.
  • Une approche subjective ou empirique (modèle psychanalytique), dans laquelle les patients sont à la fois sujets et objets de la recherche. Dans ce second modèle, la clinique peut nourrir la recherche, en constituer le substrat fondamental sans que cela constitue une infraction déontologique, pourvu que certaines précautions soient prises (consentement écrit de la personne, confidentialité, anonymat des données recueillies notamment). L’étudiant travaille alors à partir des observations et entretiens qu’il réalise, fussent-ils à visée psychothérapeutique.

Dans le cadre de leur cursus universitaire, les étudiants en psychologie de master ont obligation d’effectuer un stage de préprofessionnalisation auprès d’un psychologue, et de mener une recherche et rédiger un mémoire qui en rende compte.
Dans la majorité des cas, sauf à accomplir deux stages distincts et complémentaires, la recherche s’effectue sur le lieu même du stage destiné à la formation clinique de l’étudiant.
Dans l’hypothèse d’une recherche du type « objectif », il peut se produire une interférence entre apprentissage d’une activité clinique à travers des entretiens de soutien psychologique par exemple, et un travail d’investigation et recueil de données. Les personnes rencontrées pour les entretiens et pour la recherche sont en effet parfois les mêmes.
Cette interférence est inhérente à l’organisation même du cursus universitaire prévoyant un seul stage pour répondre à deux objectifs d’égale importance. Elle est également liée à la difficulté pour les étudiants d’obtenir un stage de longue durée sous la responsabilité d’un psychologue et aux exigences selon les universités en termes de nombre de sujets pour réaliser une étude scientifiquement valide.
Cette question de la prise en charge psychologique d’une personne concomitante à une démarche de recherche, touche à la notion de distinction des missions, qui vaut pout tout psychologue mais aussi psychologue en formation.
Le principe I-6 de Respect du but assigné, rappelle en effet que : « Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. […] ».
L’esprit de ce principe suggère implicitement la nécessité d’un choix ou tout au moins d’une détermination claire de ses motifs d’intervention, puis la mise en place de méthodes pour atteindre ses objectifs.
L’article 4 précise par ailleurs la notion de distinction des missions :
Article 4 : […] Il [le psychologue] peut remplir différentes missions, qu’il distingue et fait distinguer, comme le conseil, l’enseignement de la psychologie, l’évaluation, l’expertise, la formation, la psychothérapie, la recherche, etc. […].
Or la méthode pour mener un entretien clinique à visée de soutien ou thérapeutique est habituellement distincte de celle de l’entretien à visée de recherche. L’étudiant, professionnel en formation et par définition peu expérimenté, peut éprouver une certaine difficulté à réaliser ces deux tâches auprès d’une même personne.
Dans la situation évoquée, ce sera donc à l’enseignant référent de la recherche (directeur de recherche), en partenariat avec le psychologue référent de stage, et en fonction du modèle théorique retenu, de réfléchir avec l’étudiant, à la méthodologie la plus adaptée à son projet. Il pourra lui conseiller :

  •  Soit de distinguer activité clinique proprement dite et activité de recherche en vue d’un mémoire, donc de s’adresser à des personnes différentes pour l’une et l’autre,
  • Soit de les associer dans une démarche intégrative.

Article 31 : Le psychologue enseignant la psychologie veille à ce que ses pratiques, de même que les exigences universitaires (mémoires de recherche, stages professionnels, recrutement de sujets, etc.), soient compatibles avec la déontologie professionnelle. […].
Dans les deux cas, l’étudiant devra toujours informer les participants sur les objectifs et modalités de sa recherche et s’assurer de leur consentement, ainsi « éclairé ».
Article 33 : Les psychologues qui encadrent les stages, à l’Université et sur le terrain, veillent à ce que les stagiaires appliquent les dispositions du Code, notamment celles qui portent sur la confidentialité, le secret professionnel, le consentement éclairé. […].
Dans l’hypothèse d’un nombre très restreint de sujets/patients, le directeur de recherche peut inviter l’étudiant dont il est référent, à recueillir ses données dans un autre cadre que celui du stage.

Consentement des personnes participant à une recherche

Le dispositif présenté d’initiation à la recherche expérimentale en place dans certaines universités est une option relevant d’une pédagogie active et participative, qui a des avantages en ce qui concerne la transmission et l’appropriation de savoir et méthodologie.
Certaines modalités exposées par le demandeur interrogent cependant la commission au regard du code de déontologie des psychologues. Par exemple le caractère « obligatoire » de l’inscription des étudiants à une expérimentation en tant que participants (« cobayes ») et la subordination de cette participation à des points de validation déterminants dans l’obtention d’un examen. Ou encore le recueil de données par les chercheurs pour leurs travaux, sans la garantie que celui-ci s’inscrive dans une véritable recherche avec remise de formulaires d’information et de consentement et dont l’intitulé et les modalités seraient fixés à l’avance.
Ces divers points soulèvent la question du consentement des personnes à participer à une recherche, quels que soient les personnes (patients, usagers, volontaires, étudiants…), le type et les modalités de recherche, et la question d’une certaine vulnérabilité inhérente au statut d’étudiant.
Étudiants et enseignants occupent en effet des positions dissymétriques, les uns étant en attente d’un savoir et aspirant à réussir, les autres dispensant ce savoir et détenant les clés de l’évaluation et de la validation des acquisitions. Plusieurs articles du code nous éclairent à ce sujet :
L’article 9 rappelle la nécessité du consentement des personnes avant toute intervention :
Article 9 – Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement de ceux qui le consultent ou participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il les informe des modalités, des objectifs et des limites de son intervention. […].
L’article 11 souligne que le psychologue, et par extension, l’enseignant chercheur dès lors qu’il transmet un savoir à de futurs psychologues, doit veiller à ne pas user de sa position au regard d’objectifs personnels :
Article 11 – Le psychologue n’use pas de sa position à des fins personnelles, de prosélytisme ou d’aliénation d’autrui. […].
L’article 31, déjà cité, met l’accent sur l’indispensable compatibilité des pratiques d’enseignement avec la déontologie professionnelle.
L’article 34, en stipulant que « […] Il [le psychologue enseignant] n’exige pas des étudiants qu’ils suivent des formations extra universitaires payantes ou non, pour l’obtention de leur diplôme. Il ne tient pas les étudiants pour des patients ou des clients. […]. », pose la question de savoir si les « manips » (manipulations) auxquelles participent les étudiants font ou non partie de la formation universitaire obligatoire.
Si elles font partie de la formation, elles opèrent toutefois transitoirement une modification du statut de l’étudiant qui d’apprenant devient participant à une expérimentation, et répondent à un mode de participation incluant une forme de récompense ou gratification (des points, la validation de l’examen).
En cela, elles se démarquent de modalités d’enseignement plus traditionnelles et appellent à une vigilance particulière dans leur conception. Il existe un code de conduite des chercheurs dans les sciences du comportement qui peut être utilement consulté à ce propos. La loi Huriet (1988, modifiée en 2004) relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales concerne également le champ des sciences du comportement (annexe).
Au regard des éléments précédents, la commission estime qu’il serait important de bien réfléchir à la notion de manipulation expérimentale avec participation des étudiants.
Il serait ainsi souhaitable que cette modalité pédagogique soit clairement indiquée dans le programme comme une option avec des objectifs précis, distincte des travaux pratiques obligatoires. Il serait judicieux que ces « manips » soient facultatives, non contingentées à des points supplémentaires et à la validation d’un examen.
Elles pourraient être explicitées par un document d’information relatif à la recherche et un formulaire de consentement, remis préalablement à l’étudiant avec un délai de réflexion suffisant et une possibilité de retrait à tout moment de la recherche. Enfin, il serait légitime que les chercheurs mentionnent l’origine des éventuels résultats collectés après qu’ils aient été rendus anonymes.

Recommandation d’une « formation personnelle » dans un cursus universitaire

Au-delà d’apports théoriques, de travaux dirigés proposés dans le cadre universitaire et de stages qui permettent d’élaborer une pratique, il est admis que la compétence clinique s’acquière aussi par un travail sur soi, une réflexion approfondie sur son propre fonctionnement psychique et sa posture professionnelle.
Le principe I-2, de compétence le précise :
Principe I-2 : Le psychologue tient ses compétences de connaissances théoriques régulièrement mises à jour, d’une formation continue et d’une formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui. […].
Ce principe ne précise cependant pas de quelle manière il convient de se former à discerner son implication personnelle. Il laisse ainsi toute latitude au psychologue et au futur psychologue de choisir l’approche et la méthode qui lui conviennent, respectant en cela le principe I-1 :
Principe I-1 : Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. […].
Cette formation personnelle peut se faire en effet au travers d’échanges avec des pairs, expérimentés ou non, de participation à des synthèses, de réalisation de stages supplémentaires, d’un groupe d’analyse de la pratique, d’une supervision universitaire ou externe, groupale ou individuelle… et aussi de l’engagement dans une psychothérapie référencée à tel ou tel champ conceptuel, telle ou telle école.
Se gardant de toute préséance ou domination d’un modèle qui risquerait de s’ériger en dogme, l’article 28 ajoute :
Article 28 – L’enseignement présente les différents champs d’étude de la psychologie, ainsi que la pluralité des cadres théoriques, des méthodes et des pratiques, dans un souci de mise en perspective et de confrontation critique. Il bannit nécessairement l’endoctrinement et le sectarisme.
Un passage de l’article 34 apparaît alors tout à fait complémentaire :
Article 34 – […] Il [le psychologue] n’exige pas des étudiants qu’ils suivent des formations extra universitaires payantes ou non, pour l’obtention de leur diplôme.
Dans le respect de l’article précité, les enseignants de psychologie ont ainsi toute légitimité à informer les étudiants des différentes possibilités existantes mais devraient se garder de recommandations qui peuvent revêtir un caractère inductif.

Avis rendu le 23 mai 2011
Pour la CNCDP
La Présidente
Marie-Claude GUETTE-MARTY

 

Articles du code cités dans l’avis : Principes I-1, I-2, I-6 ; Articles 4, 9, 11, 28, 31, 33, 34.

 

Annexe :

Adresse du site internet relatif au code de conduite des chercheurs dans les sciences du comportement : http://www.sfpsy.org/Un-code-de-conduite-des-chercheurs.html.
Sur la protection des personnes, consulter la loi HURIET-SERUSCLAT n° 88-1138 du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes se prêtant à la recherche biomédicale, modifiée par la loi de santé publique n° 2004-806 du 9 août 2004.

Avis CNCDP 2011-02

Année de la demande : 2011

Demandeur :
Psychologue (Secteur Éducation)

Contexte :
Relations/conflit avec la hiérarchie, l’employeur, les responsables administratifs

Objet de la demande :
Organisation de l’exercice professionnel
Précisions :
Dispositif institutionnel

Questions déontologiques associées :

– Autonomie professionnelle
– Confidentialité (Confidentialité de l’identité des consultants/ des personnes participant à une recherche)
– Information sur la démarche professionnelle
– Mission (Distinction des missions)
– Mission (Compatibilité des missions avec la fonction, la compétence, le Code de déontologie, dans un contexte professionnel donné)
– Probité
– Responsabilité professionnelle
– Secret professionnel
– Transmission de données psychologiques (Compte rendu à un service administratif)

Après examen des questions qui lui sont posées, la commission propose de traiter les points suivants :

  • L’indépendance professionnelle du psychologue et le respect du cadre institutionnel
  • La confidentialité et le partage d’informations utiles à la prise en charge dans une équipe pluridisciplinaire
  • L’information des parents et des demandeurs lors d’examen ou de suivi d’enfants mineurs : l’accord oral des parents est-il suffisant?

L’indépendance professionnelle du psychologue et le respect du cadre institutionnel.

Plusieurs articles du code de déontologie font référence à l’indépendance du psychologue, ce qui en souligne l’importance, et l’article 8 du titre II en fait une obligation, au même titre que le secret professionnel :
Article 8 : Le fait pour un psychologue d’être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou un statut à toute entreprise privée ou à tout organisme public, ne modifie pas ses devoirs professionnels et en particulier ses obligations concernant le secret professionnel et l’indépendance du choix de ses méthodes et de ses décisions
Le principe I-7  lui confère une importance particulière :
Principe I-7 – Indépendance professionnelle : Le psychologue ne peut aliéner l’indépendance nécessaire à l’exercice de sa profession sous quelque forme que ce soit.

Il est intéressant de souligner que cette notion d’indépendance n’est pas ici présentée comme un droit qui autorise des exigences, mais comme un devoir qui oblige le psychologue à être vigilant pour tout ce qui concerne sa pratique. Elle  nécessite de sa part une réflexion constante de clarification de sa position et de ses relations dans les différentes situations où il est appelé à intervenir, en particulier lorsqu’il est confronté à des contraintes institutionnelles. Le principe de probité est, en quelque sorte, ce qui lui permet de situer les modalités de cette indépendance :
Principe I-4 – Probité : Le psychologue a un devoir de probité dans toutes ses relations professionnelles. Ce devoir fonde l’observance des règles déontologiques et son effort continu pour affiner ses interventions, préciser ses méthodes et définir ses buts.
Parmi les outils spécifiques dont dispose le psychologue, le concept de cadre est particulièrement utile pour conduire sa réflexion permanente. Il permet également de concilier l’exigence d’indépendance avec les éléments de réalité d’une appartenance institutionnelle, dont les aléas peuvent remettre en question la représentation que le psychologue se fait de son exercice.
En outre, le cadre est destiné à organiser une situation, de telle sorte que puisse s’y effectuer ce pour quoi elle est conçue, en l’occurrence pour le psychologue, l’exercice de ses missions. C’est en ce lieu précis que le code de déontologie situe l’autonomie et la responsabilité du psychologue:
Principe I-3 – Responsabilité : […] Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l’application des méthodes et techniques psychologiques qu’il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels
De même qu’il en définit les limites:
Principe I-6 – Respect du but assigné : Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement.
Le cadre définit donc un espace interne de liberté, et permet au psychologue d’en repérer les  limites, ainsi que les points d’articulation ou de confusion avec d’autres cadres au sein desquels il est parfois amené à exercer.
Dans cette problématique d’articulation entre cadre professionnel et cadre institutionnel, la situation des psychologues scolaires est particulière. En effet, leur action s’inscrit étroitement dans le cadre scolaire dont elle participe, et qui définit leurs missions avec précision (cf. la circulaire n° 90-083 du 10-04-1990 citée en annexe).
L’école est désignée comme lieu d’exercice des psychologues scolaires. La spécificité de leur fonction tient au fait que l’on reconnaît les interactions entre  les processus psychologiques (individuels et collectifs) et les capacités d’apprentissages.
Leurs missions sont essentiellement définies par rapport au projet de l’école de venir en aide à tous les enfants en difficulté : assurer l’examen, l’observation et le suivi psychologiques des élèves en liaison étroite avec les maîtres et les familles, fournir des éléments d’information résultant de l’analyse des difficultés de l’enfant, proposer des formes d’aides adaptées et favoriser leur mise en œuvre.
Une autre particularité de la mission des psychologues scolaires réside dans leur intégration au RASED (Réseau d’Aide Spécialisée aux Elèves en difficulté), regroupant plusieurs établissements scolaires. Le psychologue est ainsi amené à intervenir ponctuellement auprès d’équipes locales différentes, ce qui l’oblige à adapter son cadre professionnel au sein de lieux distincts, ayant eux aussi leurs propres règles de fonctionnement, leurs attentes et leurs représentations du rôle du psychologue.
Il est sans doute utile de distinguer le cadre institutionnel global auquel se réfère habituellement le psychologue et dont procèdent ses missions, des différents cadres d’intervention où il exerce ces missions et qui dépendent eux-mêmes du même cadre institutionnel
Le principe I-4 du code, déjà cité, auquel il convient d’ajouter les recommandations de l’article 6 du code sont est ici utiles :
Article 6 : Le psychologue fait respecter la spécificité de son exercice et son autonomie technique. Il respecte celles des autres professionnels.
Le fait que le psychologue scolaire exerce sous la responsabilité et l’autorité de l’inspecteur de l’Education Nationale, responsable du RASED, lui confère une relative autonomie par rapport aux différents lieux où il est appelé à intervenir. Le RASED constitue son cadre de référence.
Enfin, compte-tenu de la multiplicité et de la diversité de ses missions, il semble bien que la référence à la mission fondamentale du psychologue telle qu’elle est définie dans l’article 3 du code reste sa meilleure garantie :
Article 3 : La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique. Son activité porte sur la composante psychique des individus considérés isolément ou collectivement.

La confidentialité et le partage d’informations utiles à la prise en charge dans une équipe pluridisciplinaire.

Le fait que les interventions du psychologue scolaire soient étroitement liées au cadre scolaire appelle une réflexion sérieuse sur le respect de la confidentialité en ce qui concerne les enfants et les familles qu’il est amené à recevoir.

En effet dans toutes ses actions, le psychologue scolaire se trouve associé au travail des équipes, dont les membres, le plus souvent à l’origine de demandes de consultation, participent aux élaborations qui en résultent, et assument en partie la mise en place de projets d’école ou de projets d’aide individualisés.
Au sein de ce travail pluridisciplinaire, il convient de préciser que le rôle spécifique du psychologue concerne les examens psychologiques, le suivi psychologique, l’observation, l’organisation et l’animation de groupes de réflexion.
Le champ d’investigation du psychologue s’avère donc très vaste et il convient de s’interroger sur la transmission des informations attendues par ses collègues non-psychologues : est-elle compatible avec le respect du secret professionnel dont le code rappelle l’exigence dans l’article 8 précité ? Comment est-elle conciliable avec la notion éthique de confidentialité?
Introduite en 2007, la notion de secret partagé devrait en principe garantir la confidentialité de ce qui peut être évoqué en équipe pour éclairer le travail d’élaboration collectif. En ce sens il engage la responsabilité de toutes les personnes concernées.
Cependant, le psychologue a pour mission d’assurer le respect de la vie psychique des enfants et de leurs proches, il lui revient donc de distinguer soigneusement ce qui est de l’ordre de l’information utile, voire nécessaire, au fonctionnement institutionnel, et ce qui est de l’ordre de l’indiscrétion.
Il se réfère en cela aux articles du code concernant la transmission d’informations :
Principe I-6 – Respect du but assigné : […] Tout en construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue doit donc prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent éventuellement en être faite par des tiers.
Ainsi que l’article 12:
Article 12 : Le psychologue est seul responsable de ses conclusions. Il fait état des méthodes et des  outils sur lesquels il les fonde et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver le secret professionnel. […] Lorsque ces conclusions sont présentées à des tiers, elles ne répondent qu’à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire.
Dans la mesure où la demande d’intervention du psychologue pour éclairer la prise en charge ou l’orientation pédagogique d’un enfant émane de l’école, il paraît normal que les responsables d’un projet d’équipe s’informent de l’état d’avancement d’une intervention en cours, sans qu’il y ait pour autant violation du secret professionnel. On retiendra ici la notion d’information utile pour l’avancement de la prise en charge, dans l’intérêt de l’enfant.

L’information des parents et des demandeurs lors d’examens ou de suivis d’enfants mineurs : l’accord oral des parents est-il suffisant?

 Ce sont généralement les enseignants ou les familles qui sollicitent l’intervention d’un psychologue scolaire en vue d’un examen clinique ou psychométrique. Dans tous les cas, l’autorisation des détenteurs de l’autorité parentale est requise avant tout examen individuel, comme le stipule l’article 10 du code:
Article 10 : Le psychologue peut recevoir, à leur demande, des mineurs ou des majeurs protégés par la loi. Son intervention auprès d’eux tient compte de leur statut, de leur situation et des dispositions légales en vigueur. Lorsque la consultation pour des mineurs ou des majeurs protégés par la loi est demandée par un tiers, le psychologue requiert leur consentement éclairé, ainsi que les détenteurs de l’autorité parentale ou de la tutelle.
Il n’est toutefois pas indiqué que ce consentement doive être donné par écrit. En outre, il s’agit d’un accord préalable à l’examen. Ensuite, le psychologue devient seul responsable du choix de ses méthodes et des interventions qu’il juge utiles pour recueillir les éléments lui permettant de répondre aux questions qui lui sont posées

Pour la CNCDP
La Présidente
Marie-Claude GUETTE-MARTY

 

Articles du code cités dans l’avis : I-3, I-4, I-6, I-7 ; II-3, II-6, II-8, II-10, II-12

Avis CNCDP 2011-01

Année de la demande : 2011

Demandeur :
Psychologue (Secteur non précisé)

Contexte :
Relations/conflit avec les collègues psychologues ou enseignants de psychologie

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Enseignement de la psychologie

Questions déontologiques associées :

– Confidentialité (Confidentialité de l’identité des consultants/ des personnes participant à une recherche)
– Confraternité entre psychologues
– Consentement éclairé
– Information sur la démarche professionnelle
– Secret professionnel (Travail d’équipe et partage d’information)

La Commission se propose de traiter les points suivants :
Les règles déontologiques à respecter dans la présentation de matériel clinique lors d’une communication : anonymat et consentement.
Le débat contradictoire des professionnels entre eux.
Préambule 
La communication dans un congrès par un enseignant-chercheur pose un double problème : celui du statut d’enseignant-chercheur au regard de la déontologie des psychologues et celui du statut de la communication en tant qu’acte professionnel. Qu’il ait ou non le titre de psychologue, l’enseignant-chercheur de psychologie a des missions qui ne se confondent pas avec celles du psychologue (pédagogie, formation, publications, communications, etc.). A ce titre, il accomplit des actes qui ne relèvent pas de la même déontologie que la pratique psychologique. En revanche d’autres missions comme certaines formes d’accompagnement des étudiants ou le travail de recherche au contact de participants dont les droits doivent être protégés, appellent un positionnement éthique de psychologue. Dans la mesure où le Code de Déontologie prévoit l’intervention des enseignants chercheurs (Titre III, chapitre 2 – La conception de la formation) la Commission estime pertinent de traiter cette demande du fait des questions éthiques qu’elle soulève.

Les règles déontologiques à respecter dans la présentation de matériel clinique lors d’une communication : anonymat et consentement

La présentation de cas confronte les intervenants à une difficulté spécifique : comment transmettre son savoir sans faire référence aux situations qui l’ont originé.
Une communication (scientifique ou professionnelle) vise à rendre publiques des données d’observation (quelles que soient la nature ou les moyens de cette observation) et l’analyse qu’en propose l’auteur. Dans cet exercice, l’enseignant chercheur de psychologie, légitimement, s’exprime avec la liberté qui est attendue d’un producteur et d’un transmetteur de connaissances dans le contexte universitaire.
Quand sa communication s’appuie sur la présentation d’un cas, l’auteur fonde sur l’exemplarité du singulier, la portée générale de son analyse. Mais pour que le sens de la situation présentée puisse être compris et interprété, un dévoilement est nécessaire qui peut aller jusqu’à l’exposition publique du privé ou de l’intime. Le respect des personnes et de leur dignité impose des limites à ce dévoilement, limites qui peuvent d’ailleurs parfois être ressenties comme un frein à la recherche et à l’enseignement. Le Code de Déontologie nous permet de nous extraire de cette impasse :
Article 20 : […] Lorsque ces données sont utilisées à des fins d’enseignement, de recherche, de publication, ou de communication, elles sont impérativement traitées dans le respect absolu de l’anonymat, par la suppression de tout élément permettant l’identification directe ou indirecte des personnes concernées […].
Ainsi, l’on peut exposer la plus intime des situations, si le respect absolu de l’anonymat institue une séparation étanche entre, par exemple, la description des comportements d’une personne et l’identité de cette personne. En maintenant cachées certaines informations, l’écran de l’anonymat peut certes limiter l’investigation ou l’analyse. Mais, à l’inverse, en protégeant les personnes concernées de possibles conséquences de l’exposé des données, l’anonymat peut aussi donner plus de liberté dans l’évocation des faits et dans leur interprétation.
L’autre aspect du problème présenté dans la demande est celui du consentement des personnes dont les pratiques font l’objet de la communication. Le code de déontologie fait référence à deux reprises à la notion de consentement et à son champ d’application :
Titre I-1 Respect des droits de la personne : […] Il [le psychologue] n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. […].
Article 9 : Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement de ceux qui le consultent ou participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. […].
Le principe du consentement appliqué dans l’article 9 à l’évaluation, la recherche ou l’expertise est invoqué aussi dans le Code à propos des présentations de cas.
Article 32 : […] les présentations de cas se font dans le respect de la liberté de consentir ou de refuser, de la dignité et du bien-être des personnes présentées […].
Au terme de cette lecture du Code, nous considérons que la présentation de cas implique l’anonymisation absolue, c’est-à-dire le silence strict sur toutes les informations privées et intimes, et l’accord de la personne concernée.
L’on est néanmoins en droit de se poser la question suivante : si l’anonymat est strictement respecté, et que de ce fait la personne est en principe à l’abri des conséquences d’une publication la concernant, est-il nécessaire d’obtenir son consentement? 
Dans la situation classique où une personne sollicite le psychologue, celui-ci se doit de bien préciser l’objet et les limites de son intervention. Cette présentation formelle « éclaire » le demandeur sur la réponse qu’il peut attendre d’un psychologue et c’est donc en connaissance de cause qu’il s’engage dans la relation.
Mais qu’en est-il lorsque le psychologue souhaite témoigner après coup d’une pratique qu’il a eue ou qu’il a observé auprès d’autres professionnels? Notons qu’il ne s’agit plus là d’intervenir auprès d’une personne. Cependant le risque de dérapage est possible et c’est au psychologue d’en assumer la responsabilité. In fine cela ne concerne que lui, à condition que le strict anonymat soit respecté. Nous en déduisons que dans cette configuration le tiers concerné par une présentation, sous réserve qu’en aucun cas il ne puisse être reconnu, n’a pas à donner son consentement.

Le débat contradictoire des professionnels entre eux

Le consentement dans la situation présente concerne l’accord des professionnels à la publication (communication) de situations dans lesquelles ils sont impliqués.
Pour éclairer cet aspect nous nous appuierons sur le Titre I-5 et sur l’article 22 :
Titre I-5 : Les modes d’intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l’objet d’une explicitation raisonnée de leurs fondements théoriques et de leur construction. Toute évaluation ou tout résultat doit pouvoir faire l’objet d’un débat contradictoire des professionnels entre eux.
Article 22 : Le psychologue respecte les conceptions et les pratiques de ses collègues pour autant qu’elles ne contreviennent pas aux principes généraux du présent Code ; ceci n’exclut pas la critique fondée.
Nous comprenons la notion de débat contradictoire comme une relativité des positions et l’ouverture à une possible mise en question d’un résultat ou d’une analyse. Il ne s’agit donc pas d’une autorisation ou accord préalable à communiquer qui impliquerait une hiérarchie entre professionnels. C’est un autre aspect qui est évoqué ici. Intervenant en cours d’élaboration de la communication (avant qu’elle soit publique), le dialogue entre professionnels, permet l’information des intéressés, et, le cas échéant, la négociation avec eux, sur l’utilisation qui va être faite des observations dans lesquelles ils sont impliqués.
L’information des intéressés, parfois co-constructeurs des connaissances communiquées, et le débat qui s’en suit peuvent mettre en lumière la relativité des interprétations du matériel clinique et la prudence, la nuance, le discernement, qui doivent accompagner l’exploitation de ce matériel. Les désaccords et les critiques exprimés à cette occasion peuvent conduire à des conflits, voire à des ruptures qui confronteront l’enseignant-chercheur à sa responsabilité ; ils peuvent conduire aussi à une réélaboration acceptée par tous.
Au demeurant, la situation même de communication de connaissances autorise la « critique fondée » et de facto implique que toute information rendue publique puisse être soumise à critique.
Ainsi les informations délivrées dans un cadre d’élaboration de connaissances ne peuvent avoir le même statut que des informations délivrées dans le cadre d’un accompagnement psychologique où l’intimité de la vie psychique doit être respectée.

Avis rendu le 4 avril 2011
Pour la CNCDP
La Présidente
Marie-Claude GUETTE-MARTY

 

Articles du code cités dans l’avis : Titres I-1, I-5 ; Articles 9, 20, 22, 32.