Avis CNCDP 2019-05
Année de la demande : 2019 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : – Autonomie professionnelle |
La Commission se propose de traiter le point suivant :
Les écrits du psychologue : responsabilité, rigueur, impartialité, prudence Lorsqu’un psychologue décide de transmettre un écrit, il veille aux potentiels effets et conséquences auprès des personnes concernées et à son possible usage par des tiers. En cela, il s’inscrit dans l’esprit du Principe 6 du Code : Principe 6 : Respect du but assigné « Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. » Dans la présente situation, les documents dont le demandeur conteste la qualité et le contenu, sont une lettre et une attestation de témoin rédigées par la psychologue de son ex-compagne. La Commission a pu constater que le premier document comporte les indications attendues selon l’article 20 : Article 20 : « Les documents émanant d’un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l’identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l’objet de son écrit et sa signature… » Concernant le formulaire « attestation de témoin », dans la mesure où la psychologue se présente en faisant état son lien professionnel avec l’ex-compagne du demandeur, elle rédige ce document en sa qualité de psychologue. De fait, le document devait comporter le numéro ADELI. Par ailleurs, l’objet de la lettre rédigée par la psychologue et redirigée par l’avocate cite le nom et le prénom de la patiente mais ne mentionne pas de destinataire. S’agissant d’un écrit que l’intéressé peut transmettre à de plusieurs personnes s’il le souhaite, la Commission souligne l’importance de cette mention. Ainsi, sans le sceau apposé par l’avocat, la Commission n’aurait pu identifier que ce document a été produit dans le cadre d’un dossier judiciaire. Par ailleurs, si le psychologue a la faculté de choisir ses outils d’intervention en toute autonomie, il engage aussi sa responsabilité dans les avis qu’il formule, notamment par écrit, comme le Principe 3 du Code le rappelle : Principe 3 : Responsabilité et autonomie « […] Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l’application des méthodes et techniques qu’il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule […] » Il est alors essentiel de faire preuve de la plus grande rigueur, comme rappelé par le Principe 4, et ce dans toutes les circonstances : Principe 4 : Rigueur « Les modes d’intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l’objet d’une explicitation raisonnée et d’une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail. » A la lecture du contenu du document, il apparaît qu’il se rapproche davantage d’une note clinique rédigée sous la forme de courrier que d’une attestation. Il y a là une certaine ambiguïté quant à sa nature, ceci ayant pour conséquence d’affaiblir sa possible portée. A cet égard, l’article 25 invite le psychologue à rester prudent dans ses conclusions : Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes ». Dans le cas soumis par le demandeur, la lecture de cet écrit peut orienter celui-ci dans le sens d’une production à charge contre lui. Si la Commission n’a pas à statuer sur le bien-fondé des avis de la psychologue, elle ne peut que rappeler la nécessité pour chaque psychologue de se préserver du risque de partialité, comme l’énonce le Principe 2 : Principe 2 : Compétence « […] Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité ». Cette même attente de prudence est réitérée dans les articles 17 et 16 du code de déontologie qui invitent le psychologue à pondérer et rendre son propos accessible : Article 17 : « Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire ». Article 16 : « Le psychologue présente ses conclusions de façon claire et compréhensible aux intéressés. » Si le psychologue peut être amené à se positionner à propos d’une situation dont il n’a pas directement la charge, l’article 13 stipule aussi le fait qu’il ne peut rendre compte de ce qu’il n’aura pu constater par lui-même : Article 13 : « Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même. » La Commission rappelle l’importance de préserver au mieux l’espace psychique de chacun en s’appuyant sur les principes de rigueur et prudence, et en en délimitant le plus précisément possible son champ d’intervention et la nature de ses écrits. Pour la CNCDP, La Présidente Mélanie GAUCHÉ La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur. Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité. |
Avis CNCDP 2018-13
Année de la demande : 2018 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : – Formation des psychologues / Enseignement (Respect du code de déontologie, Respect de la personne dans les présentations de cas) |
AVIS AVERTISSEMENT : La CNCDP, instance consultative, rend ses avis à partir des informations portées à sa connaissance par le demandeur, et au vu de la situation qu’il décrit. La CNCDP n’a pas qualité pour vérifier, enquêter, interroger. Ses avis ne sont ni des arbitrages ni des jugements : ils visent à éclairer les pratiques en regard du cadre déontologique que les psychologues se sont donné. Les avis sont rendus par l’ensemble de la commission après étude approfondie du dossier par deux rapporteurs et débat en séance plénière. La Commission se propose de traiter le point suivant :
Cadre déontologique de l’introduction de « patients-enseignants » dans un cursus universitaire en psychologie La présentation de cas est une pratique récurrente qui émaille depuis longtemps l’enseignement de la psychologie. Ce choix pédagogique est motivé par le souci de transmettre aux étudiants un savoir-faire, un savoir être et des éléments cliniques, au-delà de l’acquisition de compétences théoriques. Il prévoit de garantir l’anonymat des personnes et peut se décliner sous forme d’études de cas sur dossiers ou de présentations in situ. L’introduction de « patients-experts » dans le cadre de la formation des psychologues est une innovation qui fait écho à l’intégration de « patients-formateurs » dans certains cursus universitaires des professions médicales. Cette innovation doit pouvoir s’inscrire dans le respect des règles déontologiques du Code de la profession énoncées dans les articles 39 et 40 : Article 39 : « Il est enseigné aux étudiants que les procédures psychologiques concernant l’évaluation des personnes et des groupes requièrent la plus grande rigueur scientifique et éthique dans le choix des outils, leur maniement – prudence, vérification – et leur utilisation – secret professionnel et confidentialité -. Les présentations de cas se font dans le respect de la liberté de consentir ou de refuser, de la dignité et de l’intégrité des personnes présentées. » Article 40 : « Les formateurs, tant universitaires que praticiens, veillent à ce que leurs pratiques, de même que les exigences universitaires – mémoires de recherche, stages, recrutement de participants, présentation de cas, jurys d’examens, etc. – soient conformes à la déontologie des psychologues. Les formateurs qui encadrent les stages, à l’Université et sur le terrain, veillent à ce que les stagiaires appliquent les dispositions du Code, notamment celles qui portent sur la confidentialité, le secret professionnel, le consentement éclairé. Les dispositions encadrant les stages et les modalités de la formation professionnelle (chartes, conventions) ne doivent pas contrevenir aux dispositions du présent Code. »
Les enseignants qui sollicitent la Commission sont parfaitement informés de ces dispositions. Leur démarche, visant à inclure la dimension déontologique dans leurs projets pédagogiques, témoigne de leur rigueur professionnelle. Ils cherchent à se démarquer des présentations de cas qualifiées de « classiques », en évitant soigneusement de nommer ces personnes des « malades » ou des « patients ». Les appellations choisies sont néanmoins surprenantes car au fur et à mesure de la lecture des deux projets, cet « usager » devient un « intervenant-usager », puis il est présenté « au même titre que n’importe quel formateur », puis considéré comme « binôme complémentaire de formateurs », et enfin en tant que « pair » de l’enseignant. Dans le second projet, il apparaît même porteur de son diagnostic psychiatrique. Ces personnes sont ainsi placées, voire déplacées, au gré de deux logiques sensiblement contradictoires : celle d’« usager »/bénéficiaire et celle de formateur/gratifié par une rétribution sous forme d’heures complémentaires. Le fait d’appuyer ladite « innovation pédagogique » sur l’article 30 du chapitre IV, intitulé « Devoirs envers ses pairs », en précisant que « l’intervenant-usager » est considéré « comme un pair » et en tant que tel pouvant être critiqué, ne fait que souligner l’ambiguïté de la place de chacun. Les « pairs » nommés dans le code de déontologie sont des professionnels, psychologues ou enseignants-chercheurs en psychologie et non des « usagers ». On ne peut que s’étonner alors de la mise en perspective par les demandeurs de l’article 9 du Code qui place structurellement les participants d’une recherche ou les consultants et le psychologue en position asymétrique. Article 9 : « Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités, des limites de son intervention et des éventuels destinataires de ses conclusions. »
Les deux projets invoquent explicitement les articles 9 et 39 en affirmant que « la liberté de consentir ou de refuser » et « la dignité et l’intégrité » des personnes présentées seront assurées. Examinant ces logiques, soit l’intervenant est considéré comme un « patient » ou « un (ex) usager des services de santé mentale » et alors son intervention requiert un consentement libre et éclairé, soit il est assimilé en tant qu’intervenant/formateur à part entière et intégré dans le dispositif pédagogique sous la forme d’un recrutement contractuel. La Commission préconiserait dans le premier cas de faire signer un consentement à l’intéressé, ce qui n’est pas prévu dans le dispositif. Dans le second cas, les critères de choix de l’intervenant devraient intégrer le souci de prévenir toute dimension à caractère potentiellement discriminatoire afin de rester en accord avec le Principe 1 du Code. Principe 1 : Respect des droits de la personne « Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il s’attache à respecter l’autonomie d’autrui et en particulier ses possibilités d’information, sa liberté de jugement et de décision. Il favorise l’accès direct et libre de toute personne au psychologue de son choix. Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Il préserve la vie privée et l’intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n’est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même. » Toutefois, si la personne invitée est avertie de façon claire et intelligible au départ, la question de la liberté de son consentement reste une question pendante eu égard à son degré de discernement. Dans le respect de la vulnérabilité psychique du sujet, il apparaît nécessaire de tenir compte, dans ces circonstances éventuelles, de l’article 12 : Article 12 : « Lorsque l’intervention se déroule dans un cadre de contrainte ou lorsque les capacités de discernement de la personne sont altérées, le psychologue s’efforce de réunir les conditions d’une relation respectueuse de la dimension psychique du sujet. » La Commission recommande cependant que les « intervenants-usagers » puissent informer, voire obtenir l’avis professionnel d’un praticien avant de se prêter à l’exercice qui leur est proposé dans le cadre universitaire. La question de la reprise des effets subjectifs sur les patients ou ex-patients, en après coup de la séquence à visée pédagogique, est en effet un point non explicité dans le dispositif et qui mérite une attention particulière. La Commission s’est également interrogée sur la manière dont les « intervenants-usagers » seraient contactés puis sélectionnés. L’évaluation du degré d’altération des sujets invités ne saurait en effet être supportée par les seuls enseignants-chercheurs qui, même s’ils sont psychologues praticiens par ailleurs, ne sauraient occuper en même temps les deux fonctions, ceci afin de respecter le Principe 1 déjà cité et de tenir compte du Principe 5 : Principe 5 : Intégrité et probité « Le psychologue a pour obligation de ne pas exploiter une relation professionnelle à des fins personnelles, religieuses, sectaires, politiques, ou en vue de tout autre intérêt idéologique ». En ce sens, la Commission attire l’attention sur l’obligation du secret professionnel mentionné dans le Principe 1 déjà cité et réaffirmé dans l’article 7, en particulier sur l’usage et la mention d’un diagnostic allégué par un « intervenant-usager » (cf. intitulé du 2nd projet : « témoignage d’une personne Asperger »), d’autant plus que ce diagnostic n’a pas, et pour cause, pu être confirmé à l’enseignant-chercheur. Article 7 : « Les obligations concernant le respect du secret professionnel s’imposent quel que soit le cadre d’exercice. »
Dans cette même perspective, l’évaluation des effets du dispositif nécessite prudence et discernement. Il est noté en effet que la préparation du public ayant assisté aux premières présentations a demandé aux enseignants une certaine vigilance, car les étudiants sont intervenus directement en posant des questions à l’intervenant-usager. L’expérience initiale qui a eu lieu devant un amphithéâtre de 200 personnes semble avoir été satisfaisante sur un plan pédagogique. La Commission s’est néanmoins interrogée sur la nécessité d’une évaluation plus approfondie de la séquence, en particulier quant aux contrecoups ultérieurs éventuels supportés par la patiente dite « usagère entendeuse de voix », mais aussi sur les étudiants eux-mêmes. L’évaluation de ces effets, nécessairement psychiques, aussi bien auprès de l’usager que des étudiants, n’est pas mentionnée dans les projets et pourrait utilement se référer au Principe 2 du Code. Principe 2 : Compétence « Le psychologue tient sa compétence : - de connaissances théoriques et méthodologiques acquises dans les conditions définies par la loi relative à l’usage professionnel du titre de psychologue; – de la réactualisation régulière de ses connaissances; – de sa formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. Il est de sa responsabilité éthique de refuser toute intervention lorsqu’il sait ne pas avoir les compétences requises. Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. »
Dans un des projets soumis à la Commission il s’agit d’un auditoire pouvant représenter à nouveau 200 étudiants en début de cursus et dans l’autre projet 50 étudiants, plus avertis. La Commission invite les enseignants à intégrer dans leur réflexion les recommandations de l’article 33 : Article 33 : « Le psychologue fait preuve de discernement, dans sa présentation au public, des méthodes et techniques psychologiques qu’il utilise. Il informe le public des dangers potentiels de leur utilisation et instrumentalisation par des non-psychologues. Il se montre vigilant quant aux conditions de sa participation à tout message diffusé publiquement. » Les demandeurs indiquent avoir comme objectifs la mise en perspective, la confrontation clinique et la critique argumentée de « la pluralité des cadres théoriques, méthodologiques et pratiques » en santé mentale. Ils citent en appui les articles 30 et 37 du Code qui traitent de ces sujets. Si cet objectif apparaît cohérent aux regards des missions d’enseignement, la Commission considère inopportune, voire dangereuse, l’utilisation de témoignages de patients ou d’ex-patients à cet effet. L’enseignant placerait alors la personne invitée dans une position critique et paradoxale de sujet et d’objet de son propre parcours de soins, ce qui, dans certaines formes de pathologies, risque de déstabiliser fortement son intégrité psychique. Si les présentations de cas sont et restent des temps où clinique et éthique continuent à s’articuler dans l’intérêt des praticiens en formation, mais sans préjudice pour les patients, la Commission estime nécessaire de maintenir la distinction de lieux et de fonctions entre l’espace universitaire et l’espace du soin ce qui implique de maintenir des liens étroits entre enseignants et praticiens, afin de renforcer la perspective du Frontispice du Code : « Le respect de la personne dans sa dimension psychique est un droit inaliénable. Sa reconnaissance fonde l’action des psychologues. » Les stages pratiques avec présentations de malades organisées et mises en scène dans le cadre hospitalier, en consultations publiques ou sous forme de vidéoconférences, sont par ailleurs multiples et variés. Les expérimentations qui ont lieu dans certaines facultés de médecine sont des initiatives dont le cadre reste à évaluer en fonction des contextes et de la spécialité du praticien qui anime ces séquences. En ce qui concerne la formation des psychologues l’article 40 du Code, déjà cité, doit rester la référence principale.
Conclusions La Commission soutient l’effort effectué par les enseignants-chercheurs pour réfléchir sur les limites déontologiques de leurs projets de formation. Si le dispositif devait être poursuivi, des ajustements dans le sens d’une clarification des objectifs attendus, intégrant prudence et respect de la dimension psychique de l’intervenant-usager semblent être nécessaires pour adapter la posture des différents acteurs. La garantie apportée par l’enseignant-chercheur quant à la confidentialité d’un vécu subjectif et son souci quant aux répercussions psychiques qui peuvent éventuellement être éprouvées par l’usager, par les étudiants, voire par lui-même, est un élément déterminant de la réussite des objectifs poursuivis dans ces expérimentations. Pour la CNCDP La Présidente Mélanie GAUCHÉ La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur. Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité. |
Avis CNCDP 2019-06
Année de la demande : 2019 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : – Autonomie professionnelle |
La Commission se propose de traiter le point suivant : – Rédaction d’un rapport ordonné par un Juge et démarche d’analyse et d’investigation du psychologue.
Rédaction d’un rapport ordonné par un Juge et démarche d’analyse et d’investigation du psychologue. Un psychologue peut être amené à rédiger des documents à la demande d’un patient ou d’un tiers, notamment d’une autorité judiciaire. Quel que soit son cadre d’exercice, ses écrits engagent sa responsabilité et son indépendance professionnelles dans le respect du but assigné à son intervention, comme l’indiquent les Principes 3 et 6 du code de déontologie : Principe 3 : Responsabilité et autonomie « Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l’application des méthodes et techniques qu’il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. » Principe 6 : Respect du but assigné « Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers ». Pour tout type d’intervention, le psychologue doit s’assurer de la rigueur de celle-ci, en veillant à répondre dans son écrit aux questions posées avec prudence et impartialité comme le rappellent le Principe 2 et l’article 17. Ceci vaut également dans le cadre d’un mandat formulé par un Juge pour assurer une démarche d’évaluation et/ou d’investigation familiale. Principe 2 : Compétence « Le psychologue tient sa compétence […] de sa formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. Il est de sa responsabilité éthique de refuser toute intervention lorsqu’il sait ne pas avoir les compétences requises. Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. » Article 17 : « Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire ». Dans le cadre d’une évaluation psychologique auprès de plusieurs membres d’une même famille, qui plus est dans un contexte de séparation parentale conflictuelle et lorsque celle-ci a pour finalité d’orienter une décision judiciaire, le psychologue tient compte aussi des recommandations énoncées dans les articles 12 et 14 : Article 12 : « Lorsque l’intervention se déroule dans un cadre de contrainte ou lorsque les capacités de discernement de la personne sont altérées, le psychologue s’efforce de réunir les conditions d’une relation respectueuse de la dimension psychique du sujet ». Article 14 : « Dans toutes les situations d’évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue informe les personnes concernées de leur droit à demander une contre évaluation ». Le psychologue s’assure ainsi d’agir dans le respect des droits de ceux qui le consultent et de leur dimension psychique, en cohérence avec le Principe 1 et l’article 2 du Code : Principe 1 : Respect des droits de la personne « Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il s’attache à respecter l’autonomie d’autrui et en particulier ses possibilités d’information, sa liberté de jugement et de décision. […] Il préserve la vie privée et l’intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n’est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même ». Article 2 : « La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique. Son activité porte sur les composantes psychologiques des individus considérés isolément ou collectivement et situés dans leur contexte. » Dans la situation présente, il est demandé au psychologue de procéder à l’examen psychologique des parents et des deux enfants afin de donner son avis sur les mesures à prendre dans l’intérêt de ces derniers (résidence habituelle, modalités d’hébergement, relations avec les parents). Au regard de ses compétences et du mandat qui lui a été confié, il apparaît que cette psychologue avait toute légitimité pour mener cette évaluation et porter un avis sur le fonctionnement psychologique des parents. Elle se devait également de transmettre ses préconisations sur les modalités de résidence et d’hébergement des enfants, dans l’intérêt supérieur de ces derniers et ce, quels que soient les motifs qui opposent les parents. En outre, comme cela est précisé dans le Principe 4, un psychologue répond du choix de ses méthodes et de ses outils en lien avec la spécificité et les limites propres à son intervention, tout en y apportant un regard critique. Principe 4 : Rigueur « Les modes d’intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l’objet d’une explicitation raisonnée et d’une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail ». S’il est amené à rédiger un rapport dans un contexte de litige parental, il ne peut ignorer les nécessaires limites de son travail en adoptant autant que faire se peut une approche pondérée et mesurée dans la rédaction et la transmission de ses avis et conclusions, comme l’y invitent les articles 23 et 25 : Article 23 : « La pratique du psychologue ne se réduit pas aux méthodes et aux techniques employées. Elle est indissociable d’une appréciation critique et d’une mise en perspective théorique de ces techniques ». Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes ». Le psychologue veille alors à transmettre ses conclusions de façon intelligible au commanditaire mais aussi aux intéressés en se référant notamment à l’article 16 du code de déontologie. Article 16 : « Le psychologue présente ses conclusions de façon claire et compréhensible aux intéressés ». Dans le rapport porté à la connaissance de la Commission, la psychologue introduit les questions du Juge qui précisent clairement le cadre de sa mission. Sur la base des entretiens menés, de ses observations et de son analyse, elle choisit de rendre compte de la dynamique individuelle, relationnelle et familiale. A ceci s’ajoute un avis en faveur du maintien des modalités de résidence et d’hébergement alternées chez les deux parents. Si la conclusion de cette psychologue corrobore pour l’essentiel celle proposée dans le rapport d’enquête sociale et si son écrit est avant tout destiné à éclairer une décision judiciaire, elle ne pouvait ignorer le caractère relatif de ses observations, l’effet de ses conclusions écrites sur les intéressés et les risques de s’exposer au reproche de partialité. La Commission s’est interrogée sur la possibilité, dans le cadre de cette procédure, que la psychologue puisse informer directement les parents de ses conclusions avant la transmission de son rapport au Juge. Ceci aurait notamment permis à cette professionnelle d’étayer ses observations et de répondre directement aux interrogations de chacun des parents tout en leur rappelant la possibilité de demander une contre-évaluation, comme le propose l’article 14 du Code. Article 14 : « Dans toutes les situations d’évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue informe les personnes concernées de leur droit à demander une contre évaluation ». Enfin, le code de déontologie précise que la rédaction d’un document par un psychologue doit tenir compte des règles énoncées dans l’article 20 : Article 20 : « Les documents émanant d’un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l’identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l’objet de son écrit et sa signature… » Dans la situation présente, le rapport est signé par le directeur du service qui emploie la psychologue. Le nom de la psychologue figure bien en fin de document (ce qui laisse supposer qu’elle en est bien l’auteur) mais il n’est accompagné d’aucune signature manuscrite, ni de son numéro ADELI. Or, la Commission souligne que le psychologue doit être garant du contenu qu’il décide de transmettre, en signant lui-même ses écrits. Il n’accepte alors aucune transmission d’un document dont il est l’auteur sans apporter ces éléments. Le demandeur soulève enfin la question de l’absence d’enregistrement de la psychologue au répertoire ADELI géré par l’ARS. La Commission rappelle à cet égard le Préambule du Code et les obligations du psychologue en la matière : Préambule : « L’usage professionnel du titre de psychologue est défini par l’article 44 de la loi n°85-772 du 25 juillet 1985 complété par l’article 57 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 qui fait obligation aux psychologues de s’inscrire sur les listes ADELI. » Pour la CNCDP La Présidente Mélanie GAUCHÉ La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur. Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité. |
Avis CNCDP 2018-14
Année de la demande : 2018 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : – Code de déontologie (Finalité) |
AVIS AVERTISSEMENT : La CNCDP, instance consultative, rend ses avis à partir des informations portées à sa connaissance par le demandeur, et au vu de la situation qu’il décrit. La CNCDP n’a pas qualité pour vérifier, enquêter, interroger. Ses avis ne sont ni des arbitrages ni des jugements : ils visent à éclairer les pratiques en regard du cadre déontologique que les psychologues se sont donné. Les avis sont rendus par l’ensemble de la commission après étude approfondie du dossier par deux rapporteurs et débat en séance plénière.
La Commission se propose de traiter des points suivants :
1- Nature des écrits rédigés par les psychologues, respect de la dimension psychique et confidentialité. Le psychologue peut être amené à rédiger divers textes tels que des « attestations », des « comptes rendus », des « courriers » voire des « expertises ». Quel que soit le cadre d’exercice, ces écrits engagent sa responsabilité professionnelle comme l’indique le Principe 3 du code de déontologie : Principe 3 : Responsabilité et autonomie « Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle ». Dans un contexte de divorce conflictuel, quand un psychologue reçoit un des membres du couple et qu’il accepte de rédiger un document à la demande de celui-ci, il doit veiller à la rigueur de sa rédaction et prendre en considération la diffusion potentielle de son texte comme le rappelle l’article 17 : Article 17 : « Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire ». La Commission, après examen des documents joints par la demandeuse, constate que la psychologue ne précise pas leur nature. Elle « certifie » qu’elle voit les enfants dans le cadre d’une thérapie et rapporte les conclusions d’une « passation de tests projectifs ». Par ailleurs, deux « certificats », qui ne mentionnent aucun destinataire, ont été produits dans le cadre de la procédure judiciaire, tandis qu’un autre est adressé directement au JAF et reprend le même type de contenu. Ce dernier document rapporte essentiellement les propos tenus par les deux garçons, soit seuls, soit en présence de leur père, soit dans le cadre d’un bilan de personnalité, mais dans tous les cas en l’absence de leur mère que la psychologue n’a, semble-t-il, jamais rencontrée. Le courrier adressé au JAF se conclut par « l’inquiétude » de la psychologue vis-à-vis des deux garçons. Un autre des courriers produits dans le cadre de la procédure judiciaire a pour objet « signalement d’une situation préoccupante » sans mention de destinataire et s’achève par l’évocation d’une « maltraitance psychique du côté maternel ». Ces écrits semblent explicitement motivés par la volonté de rapporter le verbatim des enfants directement au Juge. Selon toute vraisemblance, en l’absence d’objet pour l’un et de destinataire pour l’autre, ces écrits n’ont pas le caractère d’une expertise, même si le contenu pourrait pourtant s’en rapprocher. Tout ceci contrevient à l’article 20 du code de déontologie qui énonce nettement la nécessité de caractériser l’objet de tout écrit produit dans le cadre professionnel : Article 20 : « Les documents émanant d’un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l’identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l’objet de son écrit et sa signature […] ». Si ces documents peuvent s’apparenter à une attestation de propos rapportés, ces écrits ne peuvent pas non plus avoir le statut d’une « évaluation » qui serait professionnellement et méthodologiquement fondée, comme indiqué dans l’article 13 du code de déontologie : Article 13 : « Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même ». Par ailleurs, si le suivi est effectué au motif d’un travail thérapeutique auprès des mineurs, le psychologue doit respecter la vie privée des deux parents, ainsi que celle des enfants. D’une manière générale, les propos tenus lors des entretiens relèvent de la confidentialité comme le précisent le Principe 1 et l’article 7 du Code, à l’exception d’informations qui pourraient relever de la protection des personnes. Principe 1 : Respect des droits de la personne « Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il s’attache à respecter l’autonomie d’autrui et en particulier ses possibilités d’information, sa liberté de jugement et de décision. […] Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. […] » Article 7 : « Les obligations concernant le secret professionnel s’imposent quel que soit le cadre d’exercice ». Transmettre des propos entendus lors d’entretiens psychothérapeutiques à un tiers extérieur, quand bien même il s’agit de mineurs, remet en cause le secret professionnel qui est une obligation déontologique à laquelle tout psychologue est tenu. Le fait que ces entretiens aient donné lieu à un compte rendu de la situation familiale, avec des recommandations transmises à la justice les détourne donc de leur vocation confidentielle. Cela témoigne d’un certain manque de prudence et de discernement de la part de la psychologue et contrevient au Principe 2. Principe 2 : Compétence […] « Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il (le psychologue) fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité ». Il convient cependant de rappeler que le psychologue est parfois confronté à la possibilité voire à l’obligation de lever le secret professionnel dans des cas précis énoncés dans la loi commune. Ainsi, si le psychologue recueille des informations qu’il estime préoccupantes concernant la situation des enfants dans l’un ou l’autre des foyers, il n’a pas pour mission de vérifier les faits mais doit évaluer avec discernement s’il est nécessaire de transmettre ces informations aux autorités compétentes. Pour cela, il se réfère au Principe 1 – déjà cité – et à l’article 19 du Code, qui traitent spécifiquement de la protection des personnes : Article 19 : « Le psychologue ne peut se prévaloir de sa fonction pour cautionner un acte illégal et son titre ne le dispense pas des obligations de la loi commune. Dans le cas de situations susceptibles de porter atteintes à l’intégrité psychique ou physique de la personne qui le consulte ou celle d’un tiers, le psychologue évalue avec discernement la conduite à tenir en tenant compte des dispositions légales en matière de secret professionnel et d’assistance à personne en péril ». Dans ces situations, les signalements sont adressés aux autorités compétentes qui peuvent mandater les services à même d’instruire une évaluation voire une expertise. Par ailleurs, le psychologue doit veiller à instaurer une relation respectueuse avec les enfants reçus en consultation. L’expérience de cette relation doit concerner à la fois la vie psychique et la reconnaissance des besoins de l’enfant, mais aussi la manière dont est considéré chacun des parents par le psychologue. Ceci est rappelé dès le Préambule du Code ainsi que dans le Principe 1 et l’article 7 déjà cités. Préambule : « Le respect de la personne dans sa dimension psychique est un droit inaliénable. Sa reconnaissance fonde l’action des psychologues ». La non-observance de ces principes fait courir au psychologue le risque d’être pris dans des conflits parentaux et de ne pas en protéger les enfants qu’il reçoit. L’article 9 du code de déontologie est dans ce cas un point d’appui. En effet, c’est au préalable que le psychologue doit expliciter les limites de ses interventions aux personnes qu’il reçoit, dont leurs objectifs et leur finalité. Article 9 : « Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités et des limites de son intervention, et des éventuels destinataires de ses conclusions». Enfin, la question de l’accord parental s’agissant de mineurs est d’abord déterminée par la loi, en particulier dans le cadre de l’autorité parentale partagée. Le psychologue qui effectue un suivi thérapeutique avec des enfants doit s’assurer de l’accord de l’un et l’autre des parents. Le code de déontologie est précis à ce sujet en particulier dans l’article 11 : Article 11 : « L’évaluation, l’observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l’autorité parentale ou des représentants légaux ». 2- Respect du but assigné et traitement équitable des parties dans un contexte de séparation parentale. L’ambiguïté concernant la nature des écrits interroge la Commission quant à la position occupée par la psychologue. Selon le contexte évoqué, elle exercerait une fonction de psychothérapeute ce qui est en effet conforme à l’un des choix d’interventions du psychologue comme le rappelle l’article 3 du Code : Article 3 : « Ses interventions en situation individuelle, groupale ou institutionnelle relèvent d’une diversité de pratiques telles que l’accompagnement psychologique, le conseil, l’enseignement de la psychologie, l’évaluation, l’expertise, la formation, la psychothérapie, la recherche, le travail institutionnel. Ses méthodes sont diverses et adaptées à ses objectifs. Son principal outil est l’entretien ». Cependant selon le Principe 3, déjà cité, le psychologue se doit d’adapter ses méthodes à ses objectifs, ce qui lui demande de bien délimiter le but qu’il assigne à sa mission. Il y a lieu, dans cet exercice, de ne pas confondre les objectifs d’une psychothérapie et les fonctions auxquelles le patient tente d’assigner le psychologue. Principe 3 : Responsabilité et autonomie […] [Le psychologue] « peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer ». Le cadre posé par un psychologue pour une thérapie n’est pas le même que pour des entretiens visant à la production d’un écrit contenant des préconisations. Il en est de même pour les méthodes utilisées qui diffèrent selon l’objectif de la mission. Dans cette situation, la psychologue semble avoir utilisé une méthode d’entretiens psychothérapeutiques alors qu’elle aurait pu proposer une méthode d’entretiens à visée d’évaluation, en informant l’ensemble des protagonistes concernés y compris la mère. En outre, il convient de rappeler que le psychologue est tenu de respecter la cohérence entre le dispositif mis en place et le motif initial de sa mission. Le Principe 6 du Code précise que le psychologue ne saurait détourner un cadre d’intervention à d’autres fins que celles pour lesquelles il a été mis en place : Principe 6 : Respect du but assigné « Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers ». La demandeuse s’est vue écartée de toute rencontre avec la psychologue, sans aucune communication malgré ses différents courriers et prises de contact. Au regard du Principe 4 du code de déontologie, il était souhaitable et certainement possible de la recevoir pour lui expliquer la spécificité du cadre de la thérapie en cours : Principe 4 : Rigueur « Les modes d’intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l’objet d’une explicitation raisonnée et d’une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail ». Enfin, la mère est directement concernée par l’écrit de la psychologue puisqu’il y est question de ses relations avec ses enfants. Elle doit par conséquent être informée par la psychologue du devenir de ce document, tel que cela est précisé dans l’article 16 et dans l’article 17, déjà cité : Article 16 : « Le psychologue présente ses conclusions de façon claire et compréhensible aux intéressés ». En conclusion, la Commission recommande aux psychologues de faire usage de rigueur, prudence et impartialité dans la rédaction de leurs écrits. Pour la CNCDP La Présidente Mélanie GAUCHÉ La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur. Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité. |
Avis CNCDP 2019-01
Année de la demande : 2019 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : – Autonomie professionnelle |
AVIS AVERTISSEMENT : La CNCDP, instance consultative, rend ses avis à partir des informations portées à sa connaissance par le demandeur, et au vu de la situation qu’il décrit. La CNCDP n’a pas qualité pour vérifier, enquêter, interroger. Ses avis ne sont ni des arbitrages ni des jugements : ils visent à éclairer les pratiques en regard du cadre déontologique que les psychologues se sont donné. Les avis sont rendus par l’ensemble de la commission après étude approfondie du dossier par deux rapporteurs et débat en séance plénière.
La Commission se propose de traiter des points suivants :
Les six principes introductifs du Code orientent le positionnement du psychologue en toute circonstance professionnelle. Lorsqu’il reçoit en entretien un mineur à la demande d’un de ses parents, il est de sa responsabilité de le faire en observant un certain nombre de recommandations du Code de déontologie afin d’exercer en toute rigueur et compétence. En l’occurrence, après s’être assuré du consentement de l’enfant ou tout au moins de son accord, comme indiqué dans les articles 9 et 10, il prend en considération la demande du parent présent. Article 9 : « Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités, des limites de son intervention et des éventuels destinataires de ses conclusions. » Article 10 : « Le psychologue peut recevoir à leur demande, des mineurs ou des majeurs protégés par la loi en tenant compte de leur statut, de leur situation et des dispositions légales et réglementaires en vigueur. » Il cherche également à recueillir l’avis de l’autre parent, en lui proposant par exemple un entretien, se référant ainsi à l’article 11 du Code. Article 11 : « L’évaluation, l’observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l’autorité parentale ou des représentants légaux. » La situation est rendue délicate et parfois périlleuse lorsque les parents sont en désaccord voire en conflit. Dans cette circonstance, le psychologue veille à redoubler de prudence et de discernement pour construire son intervention en ayant soin de respecter les droits fondamentaux des personnes qu’il reçoit. Tout comme le secret professionnel qu’il leur doit, comme l’article 7 le rappelle, il saura garantir de ne pas nuire à l’intérêt de l’enfant qu’il écoute en s’appuyant sur les Principes 1 et 2 : Article 7 : « Les obligations concernant le respect du secret professionnel s’imposent quel que soit le cadre d’exercice. » Principe 1 : Respect des droits de la personne « Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il s’attache à respecter l’autonomie d’autrui et en particulier ses possibilités d’information, sa liberté de jugement et de décision. Il favorise l’accès direct et libre de toute personne au psychologue de son choix. Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Il préserve la vie privée et l’intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n’est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même. »
Principe 2 : Compétence « Le psychologue tient sa compétence : de connaissances théoriques et méthodologiques acquises dans les conditions définies par la loi relative à l’usage professionnel du titre de psychologue ; de la réactualisation régulière de ses connaissances ; de sa formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. Il est de sa responsabilité éthique de refuser toute intervention lorsqu’il sait ne pas avoir les compétences requises. Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. » Dans la situation décrite par le demandeur, aucun élément ne vient confirmer que ces conditions préalables n’ont pas été considérées par la psychologue signataire de l’attestation contestée. Son choix de différer l’entretien avec le père a pu cependant altérer sa capacité à analyser le contexte familial dans son ensemble. La Commission s’est interrogée sur la manière dont le contenu de l’attestation a été restitué aux enfants et à leur père, comme le préconise l’article 16. Elle s’est aussi intéressée à la façon dont a été explicité aux enfants l’usage qui allait en être fait au sens de l’article 17 : Article 16 : « Le psychologue présente ses conclusions de façon claire et compréhensible aux intéressés. » Article 17 : « Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l’assentiment de l’intéressé ou une information préalable de celui-ci. » Si les circonstances des rencontres entre la psychologue et les filles du demandeur sont imprécises, il semble par contre que son lien de proximité avec la mère – élément d’information qu’elle aurait elle-même confirmé au père – a introduit un doute sur sa neutralité. Cet élément aurait dû l’inviter à plus de prudence, voire à se récuser en prenant appui sur l’article 18 du Code : Article 18 : « Le psychologue n’engage pas d’intervention ou de traitement impliquant des personnes auxquelles il est personnellement lié. Dans une situation de conflits d’intérêts, le psychologue a l’obligation de se récuser. » Le positionnement de cette psychologue a amené la Commission à se demander jusqu’à quel point elle a agi en prenant en considération l’ensemble du contexte familial. La prise en compte des motifs de la demande de la mère et une analyse plus approfondie des paroles des filles auraient permis de mieux circonscrire l’intervention, d’en déterminer le but, tout en restant au plus près de l’intérêt des enfants, et dès lors se conformer au Principe 6 du Code : Principe 6 : Respect du but assigné « Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. » En outre, la Commission s’est interrogée sur le fait que la psychologue ait pu informer le père de la possibilité de demander une contre-évaluation, comme l’indique l’article 14 : Article 14 : « Dans toutes les situations d’évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue informe les personnes concernées de leur droit à demander une contre évaluation ».
Le psychologue peut être amené à rédiger un document relatif à une situation dont il a connaissance. Dans ce cas, cela doit pouvoir être fait en conformité avec l’article 13 et le Principe 2 du Code : Article 13 : « Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même. » Principe 2 : Compétence « […] Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. » Le document produit par la psychologue se présente sous la forme d’un « certificat établi à la demande de la mère », écrit qui a été produit en justice par cette dernière. De ce fait, s’agissant du contexte qui ne pouvait être ignoré par la psychologue, la Commission ne peut qu’interroger la nécessaire prudence et mesure dont cette dernière a fait preuve en accédant à la demande de la mère. En dénommant son écrit « attestation », elle avait néanmoins toute latitude pour le faire sans être mandatée par une quelconque autorité judiciaire comme l’indique le Principe 3 : Principe 3 : Responsabilité et autonomie « […] Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l’application des méthodes et techniques qu’il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule… » Dans le cas présent, l’ambiguïté de la démarche réside dans l’intitulé de cet écrit et non dans son caractère licite ou pas. En effet, si une « attestation » a pour objectif de confirmer qu’un patient a bien été reçu et d’en renseigner la temporalité il n’a pas pour objectif de faire un compte rendu des entretiens et encore moins de se prononcer sur une situation. Or l’« attestation » a bien été remise en main propre à la personne qui l’a demandée, à savoir la mère, et porte la mention : « pour faire valoir ce que de droit ». La Commission s’est cependant interrogée sur ce qui a motivé la psychologue à en transmettre le contenu au père par téléphone, comme celui-ci l’affirme. Par ailleurs, si le document est conforme aux règles énoncées dans l’article 20, son contenu est en revanche apparu contestable aux yeux de la Commission : Article 20 : « Les documents émanant d’un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l’identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l’objet de son écrit et sa signature… » En effet, il semble vouloir s’approcher d’une note clinique, mais, en ne citant que les énoncés des deux enfants au sujet de leur père, il rend compte d’un point de vue qui reste parcellaire et pouvant être entaché de partialité. Cela coïncide mal avec le souci de rigueur, énoncé par l’article 25 du Code, dont doivent faire preuve les psychologues lors de leurs interventions, en particulier lorsqu’ils rédigent un écrit : Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes ». En conclusion, si rien n’interdisait à la psychologue de se livrer à la rédaction d’un tel document, fut-il réalisé à l’issue d’un seul rendez-vous, la Commission s’est cependant interrogée sur les véritables motivations ayant conduit cette praticienne à s’exposer au reproche de n’avoir pas évalué en toute rigueur et impartialité la demande d’une mère et les propos de ses filles. Pour la CNCDP La Présidente Mélanie GAUCHÉ La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur. Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité. |
Avis CNCDP 2018-07
Année de la demande : 2018 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : – Respect du but assigné |
AVIS AVERTISSEMENT : La CNCDP, instance consultative, rend ses avis à partir des informations portées à sa connaissance par le demandeur, et au vu de la situation qu’il décrit. La CNCDP n’a pas qualité pour vérifier, enquêter, interroger. Ses avis ne sont ni des arbitrages ni des jugements : ils visent à éclairer les pratiques en regard du cadre déontologique que les psychologues se sont donné. Les avis sont rendus par l’ensemble de la commission après étude approfondie du dossier par deux rapporteurs et débat en séance plénière.
A la lecture du courrier et des pièces jointes, la Commission se propose de traiter des points suivants :
Rédiger un écrit afin de rendre compte de son intervention fait partie des fonctions du psychologue. Cela engage sa responsabilité professionnelle en référence au Principe 3 du code de déontologie. Principe 3 : Responsabilité et autonomie « […] Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l’application des méthodes et techniques qu’il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. » Lorsqu’une demande de disposer d’un écrit est formulée par un patient ou un tiers, la compréhension du contexte dans lequel celle-ci s’inscrit est un préalable nécessaire pour le psychologue afin que celui-ci puisse en déterminer la nature, l’objectif et le contenu, et ce, en cohérence avec le but assigné à son intervention, tel que précisé dans le Principe 6 du Code. Principe 6 : Respect du but assigné « Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. » En se référant au Principe 2, le psychologue mène ainsi sa réflexion afin de répondre avec discernement et mesure. Et, lorsqu’il a connaissance que son écrit peut être transmis à un tiers notamment dans un cadre judiciaire, il doit observer la plus grande prudence dans sa rédaction, comme le rappelle l’article 17. Principe 2 : Compétence « […] Il est de la responsabilité éthique (du psychologue) de refuser toute intervention lorsqu’il sait ne pas avoir les compétences requises. Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. » Article 17 : « Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. […] ». Dans le cas présent, la psychologue reçoit son patient dans le cadre d’une psychothérapie. Si son écrit semble être un certificat, induit par l’emploi du verbe « je certifie », la Commission n’a pu qualifier, sur la base de cet unique élément, la nature et le cadre précis du document. Par ailleurs, et selon toute vraisemblance, s’il a été rédigé à la demande de son patient, il est également noté l’absence d’éléments venant le confirmer. Afin d’éviter toute instrumentalisation d’un écrit, la Commission rappelle l’importance de mentionner clairement l’objet du document pour en circonscrire son cadre et sa diffusion, en considérant qu’un « certificat » ou une « attestation » est avant tout un écrit reprenant des éléments d’ordre factuel (ex. date des séances, contexte de prise en charge). Dans le cas présent, il s’agit plutôt d’une note d’observation, d’orientation ou d’un compte rendu de consultations, allant au-delà des éléments cités plus haut. Par ailleurs, et quel que soit le type de document écrit, le psychologue doit pouvoir rigoureusement distinguer ce qui relève des propos rapportés par son patient de ses propres analyses, avis ou conclusions comme l’article 13 du Code le souligne. Article 13 : « Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même. » Si le psychologue est tout à fait à même de formuler un avis, en rendant compte de la réalité psychique de son patient, le contenu rédigé doit être accompagné d’une mise en perspective critique de ses analyses et conclusions. Selon l’article 25, il doit savoir mesurer ses interprétations en rappelant que les éléments proposés, y compris diagnostiques, correspondent avant tout à des hypothèses de travail. Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes. » Dans le cas présent, si la psychologue fait référence aux propos de son patient dans certains passages, le reste du document peut révéler une certaine ambiguïté car s’y entremêlent ses propres appréciations et des éléments visiblement rapportés par son patient. Rendre compte d’éléments factuels sans préciser s’il s’agit ou non des dires de son patient, puis proposer des observations cliniques en les qualifiant de « spécifiques d’un tableau de maltraitance au travail », peut exposer la psychologue au reproche d’un manque de prudence à cet endroit. Enfin, tout psychologue se réfère à un socle théorique dans le cadre de ses interventions et est invité à réaliser une appréciation critique de celui-ci, comme précisé dans l’article 23 du Code. Article 23 : « La pratique du psychologue ne se réduit pas aux méthodes et aux techniques employées. Elle est indissociable d’une appréciation critique et d’une mise en perspective théorique de ces techniques. » L’article 16 rappelle aussi que le psychologue veille à ce que ses conclusions et ses avis soient formulés de façon claire aux intéressés. Article 16 : « Le psychologue présente ses conclusions de façon claire et compréhensible aux intéressés. » Dans le cas présent, la psychologue fait référence à des « publications scientifiques ». Il aurait été judicieux de préciser davantage les fondements sur lesquels reposent ses appréciations. Enfin, la Commission estime que si tout psychologue doit prendre en compte les enjeux d’une utilisation de son écrit dans un contexte judiciaire, le fait de mentionner ses qualifications dans un domaine particulier ne peut constituer un élément suffisant pour conclure que la psychologue concernée les a mis en avant afin d’influencer l’avis du lecteur de son écrit.
Le psychologue se réfère au principe fondamental énoncé dans le frontispice du code de déontologie des psychologues : « Le respect de la personne dans sa dimension psychique est un droit inaliénable. Sa reconnaissance fonde l’action des psychologues. » Le respect de la personne, dans le cadre d’un écrit professionnel, se traduit en premier lieu par un souci de clarté et de visibilité de son identité professionnelle, son numéro ADELI, le nom du destinataire, l’objet de la demande tels que mentionnés dans l’article 20. Article 20 : « Les documents émanant d’un psychologue sont datés portent son nom, son numéro ADELI, l’identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l’objet de son écrit et sa signature. » Le psychologue se doit également d’être vigilant, en vertu du Principe 1 du Code, quant à la confidentialité des informations qu’il diffuse. Il veille à ce que son action ne nuise à aucune personne (patient, tiers) et ce, d’autant plus lorsque son écrit est destiné à être transmis. Principe 1 : Respect des droits de la personne « […] Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Il préserve la vie privée et l’intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n’est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même. » En dehors des obligations légales rappelées dans l’article 19 du Code, le psychologue est tenu de respecter le secret professionnel tel que mentionné dans l’article 7 : Article 7 : « Les obligations concernant le respect du secret professionnel s’imposent quel que soit le cadre d’exercice. » Article 19 : « Le psychologue ne peut se prévaloir de sa fonction pour cautionner un acte illégal et son titre ne le dispense pas des obligations de la loi commune. Dans le cas de situations susceptibles de porter atteinte à l’intégrité psychique ou physique de la personne qui le consulte ou à celle d’un tiers, le psychologue évalue avec discernement la conduite à tenir en tenant compte des dispositions légales en matière de secret professionnel et d’assistance à personne en péril. Le psychologue peut éclairer sa décision en prenant conseil auprès de collègues expérimentés. » Dans le cas qui est soumis ici, il est difficile de dire si le numéro ADELI de la psychologue est mentionné sur le document car l’impression du tampon est illisible. L’écrit de la psychologue livre, selon la Commission, des éléments diagnostiques et des informations sur la situation professionnelle de son patient tout en livrant des conclusions et préconisations sur la situation présumée de « maltraitance au travail ». Or, en citant le nom d’un autre salarié qu’elle associe à la situation professionnelle conflictuelle, elle a manqué de mesure et de prudence. Ici, il appartenait à la psychologue de ne transmettre que les informations strictement nécessaires sans introduire d’éléments préjudiciables. En conclusion, la Commission invite les psychologues, qui acceptent de rédiger un écrit et, qui plus est, dans un contexte judiciaire en cours, à être particulièrement vigilants sur la forme, le contenu et l’adéquation de celui-ci avec le cadre de leur intervention.
Pour la CNCDP, La Présidente Mélanie GAUCHÉ La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur. Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité. |
Avis CNCDP 2018-09
Année de la demande : 2018 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : – Code de déontologie (Finalité) |
AVIS AVERTISSEMENT : La CNCDP, instance consultative, rend ses avis à partir des informations portées à sa connaissance par le demandeur, et au vu de la situation qu’il décrit. La CNCDP n’a pas qualité pour vérifier, enquêter, interroger. Ses avis ne sont ni des arbitrages ni des jugements : ils visent à éclairer les pratiques en regard du cadre déontologique que les psychologues se sont donné. Les avis sont rendus par l’ensemble de la commission après étude approfondie du dossier par deux rapporteurs et débat en séance plénière.
La Commission se propose de traiter le point suivant :
Principes déontologiques associés à la rédaction d’un écrit. Tout écrit rédigé par un psychologue entraîne inéluctablement sa responsabilité quant aux conséquences qu’il a sur les personnes concernées. Le choix des mots et la manière dont l’écrit sera rédigé doit donc être faire partie des préoccupations pour du psychologue. Tout psychologue doit avoir à l’esprit que dans un écrit, il a à transmettre des informations, et qu’une fois un document remis, il ne peut y revenir d’où l’importance de se référer au Code notamment en s’appuyant sur le Principe 3. Principe 3 : Responsabilité et autonomie. « Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix, des méthodes et techniques qu’il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. » La première démarche consiste donc à se poser la question de savoir quel type d’écrit est produit, en fonction des objectifs définis et de ses destinataires. Toute intervention du psychologue doit alors se faire en conformité avec ce que sa démarche tend à atteindre et la manière d’y parvenir comme le rappelle le Principe 6. Principe 6 : Respect du but assigné « Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. » Une attestation n’est pas rédigée comme un compte rendu ou une lettre à un professionnel. Une attestation ou un certificat est un écrit avec un minimum d’informations très factuelles visant à préciser que le patient a été reçu, que le suivi est encore en cours ou non. N’y figure pas le nom du destinataire car ils sont à remettre en main propre au patient qui dispose de l’usage de cet écrit sur lequel figure la mention : « Fait à la demande de l’intéressé(e) pour servir et faire valoir ce que de droit ». Certains psychologues ajoutent : « le demandeur a été informé que la divulgation de ce document peut avoir des conséquences notamment juridiques ». En conscience et discernement, le psychologue accepte de rédiger ou non les attestations qui lui sont demandées et de les remettre à l’intéressé. Dans la situation présente, il semble que la rédaction des documents communiqués par la psychologue n’ait pas été précédé d’une réflexion quant au fond et à la forme qu’ils devaient prendre. En effet, la psychologue désigne sous le terme « attestation » un document intitulé « compte rendu de suivi psychologique ». Cet écrit, qui retrace l’anamnèse de la patiente et le comportement de son enfant lors des entretiens, ne peut être reconnu sous le terme attestation. En ce qui concerne les courriels joints par la demandeuse, l’un à l’attention de sa patiente et l’autre de son conjoint, la psychologue les identifie en mettant en objet pour l’un : « psychologue » et pour l’autre « psychologue clinique D ». Il semble y avoir ici une confusion car l’objet des courriels ne peut être que la demande des destinataires. Pour ces échanges de courriels le code de déontologie rappelle la prudence que le psychologue doit avoir dans sa rédaction, y compris lorsque les modalités de communication reposent sur des médias comme Internet, comme le stipule l’article 27. Article 27 : « Le psychologue privilégie la rencontre effective sur toute autre forme de communication à distance et ce quelle que soit la technologie de communication employée … » Par ailleurs, à la lecture des documents, le manque de prudence est patent : La psychologue y avance des arguments sur des faits qu’elle n’a pas constatés. C’est le Principe 2 qui soulève la nécessaire vigilance dont le psychologue doit faire preuve. Principe 2 : Compétence « …Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. ». L’article 13 et l’article 17 viennent renforcer cette prudence, ce dernier en introduisant la question de l’assentiment et de l’information préalable de l’intéressé. Article 13 : « Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou de situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu lui-même examiner » Article 17 : « Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaires. La transmission à un tiers requiert l’assentiment de l’intéressé ou une information préalable de celui-ci. » Dans cette situation et au regard des pièces jointes à la demande, il aurait été utile que la psychologue fasse, par exemple, usage des guillemets pour retranscrire les paroles de sa patiente et éventuellement emploie le conditionnel. De plus, tout psychologue se réfère à l’article 9 du Code qui pose le principe fondamental du consentement libre et éclairé de la personne, ayant pour corollaire le respect des droits de la personne tels que défini dans le principe 1. Article 9 : « Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent…Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités et des limites de son intervention, et des éventuels destinataires de ses conclusions. » Principe 1 : Respect des droits de la personne « …Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Il préserve la vie privée et l’intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n’est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même. » Dans le cas présent, il est fait état par la psychologue, dans le courriel adressé au conjoint, de la nécessité du secret professionnel auquel elle est tenue vis-à-vis de sa patiente. La psychologue explicite donc de ses obligations de ne pas accéder à la demande du conjoint de révéler des informations qui concernent le suivi de sa patiente. Pourtant, celle-ci semble outrepasser ce principe en communiquant finalement au conjoint des éléments concernant le comportement maternel à l’égard de l’enfant (avait-elle accord de la mère ?) et en relatant à sa patiente des faits au sujet du comportement du conjoint. Enfin, si le document identifié sous les termes de « compte rendu de suivi psychologique » comporte le nom et les coordonnées de la psychologue, il y manque son numéro ADELI, l’objet de la demande, le nom du destinataire et sa signature. C’est l’article 20 qui précise cet impératif. On peut par ailleurs y noter que l’écrit est destiné à un correspondant professionnel, qu’il est confidentiel et que sa divulgation est de la responsabilité du destinataire. Article 20 : « Les documents émanant d’un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l’identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l’objet de son écrit et sa signature…Il refuse que ses comptes rendus soient transmis sans son accord explicite … » Pour la CNCDP La Présidente Mélanie GAUCHÉ La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur. Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité. |
Avis CNCDP 2017-12
Année de la demande : 2017 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : – Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale |
CNCDP, Avis N° 17 – 12 Avis rendu le 24 juillet 2017 Principes, Titres et Articles du code cités dans l’avis : Principes 1, 2 ,6 ; Articles 9, 10, 11, 13, 17. Le code de déontologie des psychologues concerne les personnes habilitées à porter le titre de psychologue conformément à la loi n°85-772 du 25 juillet 1985 (JO du 26 juillet 1985). Le code de déontologie des psychologues de 1996 a été actualisé en février 2012, et c’est sur la base de celui-ci que la Commission rend désormais ses avis. RÉSUME DE LA DEMANDELa demandeuse est psychologue et sollicite la Commission « à titre privé » avec l’accord d’un père confronté à une procédure de remise en cause du dispositif de résidence alternée de ses enfants âgés de 9 ans et 5 ans et demi. La nature du lien entre la demandeuse et ce père n’est pas précisée. Après leur séparation, les parents avaient mis en place une résidence alternée des enfants pendant environ deux ans. La mère souhaite à présent en obtenir l’exclusivité. Elle a transmis un courrier à son avocat, intitulé « compte rendu de suivi psychologique » de son fils ainé. La demandeuse estime que cet écrit, rédigé par une psychologue exerçant en libéral, est « choquant déontologiquement ». Elle met en cause l’impartialité, la compétence et l’exercice éthique de cette collègue et fait aussi part de son sentiment sur « le conflit de loyauté » qui rend, selon elle, difficile « l’utilisation » du discours d’un enfant dans un contexte conflictuel. La demandeuse rapporte que l’enfant est suivi depuis plusieurs mois par la psychologue mise en cause, sans que le père n’en ait été informé. Elle estime qu’ « il ne se serait pas opposé » à une telle démarche « chez un professionnel de confiance ». Dans son compte-rendu, la psychologue évoque des éléments de psychopathologie et de souffrance de l’enfant lorsqu’il est séparé de sa mère. Elle décrit également la relation qu’il entretient avec son père, sans jamais avoir rencontré ce dernier. Elle avance qu’il « lui parait nécessaire de revoir le mode de garde » soutenant que le maintien des accords actuels pourrait compromettre le développement et l’équilibre psychique de son jeune patient. Cet écrit a été largement repris dans les conclusions du Juge aux Affaires Familiales fixant la résidence des enfants au domicile de leur mère. En se référant à sa lecture du code de déontologie, la demandeuse interroge la Commission sur plusieurs points :
Documents joints :
AVIS AVERTISSEMENT : La CNCDP, instance consultative, rend ses avis à partir des informations portées à sa connaissance par le demandeur, et au vu de la situation qu’il décrit. La CNCDP n’a pas qualité pour vérifier, enquêter, interroger. Ses avis ne sont ni des arbitrages ni des jugements : ils visent à éclairer les pratiques en regard du cadre déontologique que les psychologues se sont donnés. Compte tenu de la demande et des documents joints, la commission se propose de traiter les points suivants :
1. Consentement éclairé et information aux détenteurs de l’autorité parentale dans le cadre de suivis psychologiques d’enfantsLes psychologues recevant des enfants en consultation sont régulièrement confrontés à la question du consentement et des informations à délivrer à leurs jeunes patients d’une part et aux détenteurs de l’autorité parentale d’autre part. Ceci est rappelé dès le premier Principe du code de déontologie des psychologues ainsi que dans l’article 9 dans lequel est précisée la nécessité de les informer. Principe 1 : Respect des droits de la personne « Le psychologue […] n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Il préserve la vie privée et l’intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n’est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même ». Article 9: « Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités et des limites de son intervention, et des éventuels destinataires de ses conclusions. » Dans la situation présente, il semble que le père n’ait pas été informé du suivi psychologique de son fils. La Commission rappelle que l’article 10 du Code prévoit que les psychologues se réfèrent aux dispositions légales sur la question de l’information des détenteurs de l’autorité parentale. Article 10 : « Le psychologue peut recevoir à leur demande, des mineurs ou des majeurs protégés par la loi en tenant compte de leur statut, de leur situation et des dispositions légales et réglementaires en vigueur ». Même si un psychologue peut recevoir un mineur sur la base du consentement de ce dernier et de celui d’un de ses parents seulement, l’article 11 rappelle qu’un suivi au long cours, comme cela semble être le cas ici, requiert l’assentiment des deux parents. Article 11 : « L’évaluation, l’observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l’autorité parentale ou des représentants légaux ». Il semble que dans la situation présentée, la psychologue ait fait l’économie de cette démarche. La Commission considère que, dans l’intérêt de l’enfant, l’inscription du père dans le dispositif thérapeutique aurait pu être recherchée par la psychologue.
Les psychologues sont régulièrement interpellés par l’un des parents dans le contexte des procédures de divorce, le plus souvent sur les conseils de leur avocat. Dans des situations conflictuelles où l’enjeu est aussi important, le principe 2 appelle à la plus grande prudence quant à la réponse à apporter à ces demandes. Principe 2 : Compétence […] Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. Le psychologue, dans la rédaction de son écrit, aura donc soin de rester dans le cadre déontologique qui lui impose prudence et discernement, en tenant compte des préconisations de l’article 17 : Article 17 : Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l’assentiment de l’intéressé ou une information préalable de celui-ci. Par ailleurs, les psychologues ont à construire leurs interventions dans le respect du but assigné comme le rappelle le Principe 6. Principe 6 : Respect du but assigné Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. Dans la situation présente, la psychologue adresse son écrit à l’avocat de la mère. Ce courrier, dont le texte est très court, présenté comme un « compte-rendu de suivi psychologique », formule des préconisations sur le mode d’hébergement de l’enfant. En ce sens, la psychologue a pu manquer de prudence. En effet, des passages en sont cités dans l’ordonnance du magistrat et sont évoqués aux motifs de ses conclusions. La Commission rappelle également les dispositions de l’article 13 du Code au sujet des avis émis par les psychologues. Article 13 : Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu lui-même examiner. Lorsque la psychologue évoque le repli émotionnel de l’enfant lorsqu’il vit chez son père sans avoir pu observer leurs interactions, elle se situe à la limite des dispositions de cet article. Par ailleurs, il semble que la souffrance de l’enfant soit mise en lien avec le manque de permanence des figures parentales. L’introduction du père dans la prise en charge de son fils aurait sans doute permis d’aider cet enfant à poursuivre son développement. La psychologue aurait ainsi également évité le reproche de partialité en faveur de la mère. Pour la CNCDP La Présidente Mélanie GAUCHÉ La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur. Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité. CNCDP, Avis N° 17-12 Avis rendu le : 24 juillet 2017 Principes, Titres et articles du code cités dans l’avis : Principes 1, 2, 6 ; Articles 9, 10, 11, 13, 17 Indexation du résumé : Type de demandeur : Psychologue TA Secteur non précisé Contexte de la demande : Procédure judiciaire entre époux Objet de la demande d’avis : Ecrit d’un psychologue TA Compte rendu TA Transmission/communication des écrits psychologiques à l’extérieur du service ou de l’institution Indexation du contenu de l’avis : Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale Discernement Evaluation TA Evaluation de personnes que le psychologue n’a pas rencontré TA relativité des évaluations Impartialité Responsabilité professionnelle Transmission de données psychologiques TA Compte rendu à un service administratif avec accord et/ou information à de l’intéressé. |
Avis CNCDP 2018-30
Année de la demande : 2018 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : – Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels) |
AVIS AVERTISSEMENT : La CNCDP, instance consultative, rend ses avis à partir des informations portées à sa connaissance par le demandeur, et au vu de la situation qu’il décrit. La CNCDP n’a pas qualité pour vérifier, enquêter, interroger. Ses avis ne sont ni des arbitrages ni des jugements : ils visent à éclairer les pratiques en regard du cadre déontologique que les psychologues se sont donné. Les avis sont rendus par l’ensemble de la commission après étude approfondie du dossier par deux rapporteurs et débat en séance plénière.
La Commission se propose de traiter le point suivant :
Les écrits du psychologue dans un contexte de divorce conflictuel : consentement, prudence et impartialité. Le psychologue peut être amené à rédiger des documents divers, tels que ceux dénommés « attestations », « comptes rendus », « courriers » ou bien encore « expertises ». Quel que soit le cadre d’exercice, ces écrits engagent sa responsabilité professionnelle, comme l’indique le Principe 3 du code de déontologie : Principe 3 : Responsabilité et autonomie « Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l’application des méthodes et techniques qu’il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. » Quelle qu’en soit la dénomination, la rédaction d’un document par un psychologue doit par ailleurs répondre à des règles énoncées dans l’article 20. Article 20 : « Les documents émanant d’un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l’identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l’objet de son écrit et sa signature… » A l’examen des documents joints, la Commission constate que ces éléments d’identification sont bien mentionnés sur le compte-rendu psychologique. En outre, dans un contexte de divorce, quand un psychologue reçoit un des membres du couple et qu’il accepte de rédiger un écrit à la demande de celui-ci, il doit veiller à la rigueur de sa rédaction et prendre en considération la diffusion potentielle de son texte comme le rappelle l’article 17. Article 17 : « Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire ». Dans le cas présent, il semble que le consentement du père n’ait pas été recherché avant la réalisation du bilan psychologique de l’adolescent, ce qui peut contrevenir à l’article 11 du Code. En outre, le document rédigé semble ne pas tenir compte des recommandations de l’article 13 dans la mesure où la psychologue met en cause le comportement du père à l’encontre de son fils en s’appuyant exclusivement sur les propos de l’adolescent. Article 11 : « L’évaluation, l’observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l’autorité parentale ou des représentants légaux ». Article 13 : « Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu lui-même examiner ». La rédaction du « compte rendu psychologique » parait également ne pas tenir compte des articles 23 et 25 du Code dans la mesure où en écrivant que « l’obligation dans laquelle se trouve » l’adolescent « de se présenter chez son père est délétère pour son équilibre personnel », la psychologue manque de prudence et de mise en perspective critique de ses appréciations concernant le père qu’elle n’a pas rencontré. Article 23 : « La pratique du psychologue ne se réduit pas aux méthodes et aux techniques employées. Elle est indissociable d’une appréciation critique et d’une mise en perspective théorique de ces techniques ». Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes ». La Commission a estimé que la psychologue aurait dû faire preuve de davantage de mesure, de discernement et d’impartialité comme l’y invite le Principe 2. Principe 2 : Compétence « … Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité ». Un an après la rédaction du compte rendu, le père demande un rendez-vous à la psychologue pour lui-même, semble-t-il avec pour objectif de « pouvoir renouer le dialogue avec son fils ». Elle lui signale qu’elle a quitté le département et lui propose de s’adresser à un autre psychologue. Cette réponse s’appuie sur une partie de l’article 6 : Article 6 : « …il oriente les personnes vers les professionnels susceptibles de répondre aux questions ou aux situations qui lui ont été soumises. » En conclusion, la Commission invite les psychologues à la plus grande prudence dans leurs interventions et dans la rédaction de leurs écrits, notamment dans un cadre conflictuel. Pour la CNCDP La Présidente, Mélanie GAUCHÉ La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur. Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité. |
Avis CNCDP 2017-12
Année de la demande : 2017 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : – Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale |
CNCDP, Avis N° 17 – 12 Avis rendu le 24 juillet 2017 Principes, Titres et Articles du code cités dans l’avis : Principes 1, 2 ,6 ; Articles 9, 10, 11, 13, 17. Le code de déontologie des psychologues concerne les personnes habilitées à porter le titre de psychologue conformément à la loi n°85-772 du 25 juillet 1985 (JO du 26 juillet 1985). Le code de déontologie des psychologues de 1996 a été actualisé en février 2012, et c’est sur la base de celui-ci que la Commission rend désormais ses avis. RÉSUME DE LA DEMANDELa demandeuse est psychologue et sollicite la Commission « à titre privé » avec l’accord d’un père confronté à une procédure de remise en cause du dispositif de résidence alternée de ses enfants âgés de 9 ans et 5 ans et demi. La nature du lien entre la demandeuse et ce père n’est pas précisée. Après leur séparation, les parents avaient mis en place une résidence alternée des enfants pendant environ deux ans. La mère souhaite à présent en obtenir l’exclusivité. Elle a transmis un courrier à son avocat, intitulé « compte rendu de suivi psychologique » de son fils ainé. La demandeuse estime que cet écrit, rédigé par une psychologue exerçant en libéral, est « choquant déontologiquement ». Elle met en cause l’impartialité, la compétence et l’exercice éthique de cette collègue et fait aussi part de son sentiment sur « le conflit de loyauté » qui rend, selon elle, difficile « l’utilisation » du discours d’un enfant dans un contexte conflictuel. La demandeuse rapporte que l’enfant est suivi depuis plusieurs mois par la psychologue mise en cause, sans que le père n’en ait été informé. Elle estime qu’ « il ne se serait pas opposé » à une telle démarche « chez un professionnel de confiance ». Dans son compte-rendu, la psychologue évoque des éléments de psychopathologie et de souffrance de l’enfant lorsqu’il est séparé de sa mère. Elle décrit également la relation qu’il entretient avec son père, sans jamais avoir rencontré ce dernier. Elle avance qu’il « lui parait nécessaire de revoir le mode de garde » soutenant que le maintien des accords actuels pourrait compromettre le développement et l’équilibre psychique de son jeune patient. Cet écrit a été largement repris dans les conclusions du Juge aux Affaires Familiales fixant la résidence des enfants au domicile de leur mère. En se référant à sa lecture du code de déontologie, la demandeuse interroge la Commission sur plusieurs points :
Documents joints :
AVIS AVERTISSEMENT : La CNCDP, instance consultative, rend ses avis à partir des informations portées à sa connaissance par le demandeur, et au vu de la situation qu’il décrit. La CNCDP n’a pas qualité pour vérifier, enquêter, interroger. Ses avis ne sont ni des arbitrages ni des jugements : ils visent à éclairer les pratiques en regard du cadre déontologique que les psychologues se sont donnés. Compte tenu de la demande et des documents joints, la commission se propose de traiter les points suivants :
1. Consentement éclairé et information aux détenteurs de l’autorité parentale dans le cadre de suivis psychologiques d’enfantsLes psychologues recevant des enfants en consultation sont régulièrement confrontés à la question du consentement et des informations à délivrer à leurs jeunes patients d’une part et aux détenteurs de l’autorité parentale d’autre part. Ceci est rappelé dès le premier Principe du code de déontologie des psychologues ainsi que dans l’article 9 dans lequel est précisée la nécessité de les informer. Principe 1 : Respect des droits de la personne « Le psychologue […] n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Il préserve la vie privée et l’intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n’est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même ». Article 9: « Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités et des limites de son intervention, et des éventuels destinataires de ses conclusions. » Dans la situation présente, il semble que le père n’ait pas été informé du suivi psychologique de son fils. La Commission rappelle que l’article 10 du Code prévoit que les psychologues se réfèrent aux dispositions légales sur la question de l’information des détenteurs de l’autorité parentale. Article 10 : « Le psychologue peut recevoir à leur demande, des mineurs ou des majeurs protégés par la loi en tenant compte de leur statut, de leur situation et des dispositions légales et réglementaires en vigueur ». Même si un psychologue peut recevoir un mineur sur la base du consentement de ce dernier et de celui d’un de ses parents seulement, l’article 11 rappelle qu’un suivi au long cours, comme cela semble être le cas ici, requiert l’assentiment des deux parents. Article 11 : « L’évaluation, l’observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l’autorité parentale ou des représentants légaux ». Il semble que dans la situation présentée, la psychologue ait fait l’économie de cette démarche. La Commission considère que, dans l’intérêt de l’enfant, l’inscription du père dans le dispositif thérapeutique aurait pu être recherchée par la psychologue.
Les psychologues sont régulièrement interpellés par l’un des parents dans le contexte des procédures de divorce, le plus souvent sur les conseils de leur avocat. Dans des situations conflictuelles où l’enjeu est aussi important, le principe 2 appelle à la plus grande prudence quant à la réponse à apporter à ces demandes. Principe 2 : Compétence […] Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. Le psychologue, dans la rédaction de son écrit, aura donc soin de rester dans le cadre déontologique qui lui impose prudence et discernement, en tenant compte des préconisations de l’article 17 : Article 17 : Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l’assentiment de l’intéressé ou une information préalable de celui-ci. Par ailleurs, les psychologues ont à construire leurs interventions dans le respect du but assigné comme le rappelle le Principe 6. Principe 6 : Respect du but assigné Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. Dans la situation présente, la psychologue adresse son écrit à l’avocat de la mère. Ce courrier, dont le texte est très court, présenté comme un « compte-rendu de suivi psychologique », formule des préconisations sur le mode d’hébergement de l’enfant. En ce sens, la psychologue a pu manquer de prudence. En effet, des passages en sont cités dans l’ordonnance du magistrat et sont évoqués aux motifs de ses conclusions. La Commission rappelle également les dispositions de l’article 13 du Code au sujet des avis émis par les psychologues. Article 13 : Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu lui-même examiner. Lorsque la psychologue évoque le repli émotionnel de l’enfant lorsqu’il vit chez son père sans avoir pu observer leurs interactions, elle se situe à la limite des dispositions de cet article. Par ailleurs, il semble que la souffrance de l’enfant soit mise en lien avec le manque de permanence des figures parentales. L’introduction du père dans la prise en charge de son fils aurait sans doute permis d’aider cet enfant à poursuivre son développement. La psychologue aurait ainsi également évité le reproche de partialité en faveur de la mère. Pour la CNCDP La Présidente Mélanie GAUCHÉ La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur. Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité. CNCDP, Avis N° 17-12 Avis rendu le : 24 juillet 2017 Principes, Titres et articles du code cités dans l’avis : Principes 1, 2, 6 ; Articles 9, 10, 11, 13, 17 Indexation du résumé : Type de demandeur : Psychologue TA Secteur non précisé Contexte de la demande : Procédure judiciaire entre époux Objet de la demande d’avis : Ecrit d’un psychologue TA Compte rendu TA Transmission/communication des écrits psychologiques à l’extérieur du service ou de l’institution Indexation du contenu de l’avis : Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale Discernement Evaluation TA Evaluation de personnes que le psychologue n’a pas rencontré TA relativité des évaluations Impartialité Responsabilité professionnelle Transmission de données psychologiques TA Compte rendu à un service administratif avec accord et/ou information à de l’intéressé. |