Avis CNCDP 2003-34

Année de la demande : 2003

Demandeur :
Professionnel Non Pyschologue (Professionnel des équipes institutionnelles)

Contexte :
Question sur l’exercice d’un psychologue

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Compte rendu

Questions déontologiques associées :

– Reconnaissance de la dimension psychique des personnes
– Mission (Distinction des missions)
– Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels (identification du psychologue, du destinataire))
– Écrits psychologiques (Protection des écrits psychologiques (pas de modification ou de transmission sans accord du psychologue))

La présence d’une écriture d’adulte dans les témoignages des jeunes et d’un certain nombre de raturages sur les documents joints incite la Commission à une grande prudence dans l’élaboration de son avis. Si ces modifications ont été apportées par le requérant pour rendre les documents anonymes, il aurait dû le préciser dans son courrier. En effet, en leur état, les pièces jointes restent assez ambiguës.

Il n’entre pas dans les missions de la CNCDP d’établir la matérialité des faits qui lui sont soumis. Comme le requérant l’écrit lui-même, « seule la justice est habilitée à établir la vraisemblance des faits ». Par contre, il est de la compétence de la Commission d’apporter les éléments de réponses quant à la conformité du travail de psychologue à la déontologie de sa profession.

Elle traitera deux points :
– la spécificité du travail d’un psychologue
– la fiabilité des écrits de la psychologue.

La spécificité du travail d’un psychologue

Il entre tout à fait dans le cadre des missions du psychologue d’apprécier le degré de fragilité émotionnelle d’un jeune vu pour la première voire l’unique fois, en lui offrant un espace d’écoute et de parole suffisamment neutre et confidentiel. Ce type d’entretien répond à la définition du travail du psychologue tel que le précise l’Article 3 du Code de Déontologie des Psychologues : « la mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique. Son activité porte sur la composante psychique des individus considérés isolément ou collectivement ».

Il semble que cette psychologue ait été attentive à la dimension psychique des enfants et n’ait en rien trahi le secret professionnel. En effet, sans nommer quiconque, elle note que les jeunes « évoquent à nouveau la violence subie, les cauchemars qui hantent encore les nuits de certains d’entre eux », concluant que « ce camp a indéniablement laissé des traces douloureuses dans l’esprit des enfants ». Elle évoque dans le premier compte-rendu la crainte qu’éprouvaient les enfants à l’idée de rencontrer l’éducateur impliqué, lequel « aurait fait subir au groupe d’enfants une pression psychologique » : « ce qui se passe ici ne regarde personne et si vous parlez… ». Sans doute doit-on s’interroger sur l’opportunité de la présence du directeur – représentant l’autorité qui a sanctionné les éducateurs concernés – pendant les entretiens avec les quatre jeunes. Il est important que la psychologue, dans un souci de rigueur et de clarté ait bien « distingué et fait distinguer sa mission », comme le stipule l’Article 4. En effet, au vu des documents, on peut s’interroger sur l’objet de son intervention. Il était de la responsabilité de la psychologue de préciser quelle était sa mission auprès des jeunes.

Les écrits de la psychologue

Sur le plan formel, tels qu’ils ont été fournis à la Commission, aucun des comptes-rendus rédigés par la psychologue ne respecte l’Article 14 du Code : « les documents émanant d’un psychologue (attestation, bilan, certificat, courrier, rapport, etc) portent son nom, l’identification de sa fonction ainsi que ses coordonnées professionnelles, sa signature et la mention précise du destinataire. Le psychologue n’accepte pas que d’autres que lui-même modifient, signent ou annulent les documents relevant de son activité professionnelle. Il n’accepte pas que ses comptes-rendus soient transmis sans son accord explicite, et il fait respecter la confidentialité de son courrier ». En effet, ils ne portent ni en tête, ni mention du destinataire ni signature.

Par ailleurs, l’un des comptes-rendus est intitulé « note de la psychologue sur la rencontre avec quatre des enfants présents au camp équestre ». Si la psychologue avait volontairement fait parvenir ses notes au requérant, alors elle aurait dû respecter l’Article 14 ci-dessus. Dans le cas contraire, elle a probablement manqué de prudence en ne les protégeant pas.

Sur le plan du contenu, le secret professionnel est respecté : la psychologue relate les faits au conditionnel, ne nomme personne et apporte une réponse claire à la question posée : « Je ne peux pas certifier si ce qui m’a été rapporté est vrai ; par contre, ce que je peux affirmer, c’est que ces quatre jeunes ont certainement vécu des choses difficiles durant ce camp, éléments qui ont réactivé des souvenirs parfois personnels et les ont fragilisés ».

Fait à Paris, le 12 juin 2004
Pour la CNCDP
Vincent Rogard, Président

Avis CNCDP 2009-15

Année de la demande : 2009

Demandeur :
Psychologue (Secteur non précisé)

Contexte :
Questionnement professionnel personnel

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Cyberpsychologie

Questions déontologiques associées :

– Discernement
– Consentement éclairé
– Transmission de données psychologiques (Données informatisées)
– Confidentialité (Confidentialité du courrier professionnel)
– Confidentialité (Confidentialité du contenu des entretiens/ des échanges)
– Écrits psychologiques (Archivage (conservation des documents psychologiques au sein des institutions : dossiers, notes personnelles, etc.))
– Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels (identification du psychologue, du destinataire))
– Écrits psychologiques (Protection des écrits psychologiques (pas de modification ou de transmission sans accord du psychologue))
– Respect du but assigné
– Confraternité entre psychologues
– Compétence professionnelle (Elaboration des données , mise en perspective théorique)
– Code de déontologie (Référence au Code dans l’exercice professionnel, le contrat de travail)

En préambule, la commission souhaite souligner le caractère d’actualité de cette demande qui n’a jamais été traitée auparavant. D’autre part, elle pense important de préciser qu’aucun article du code ne fait directement référence à l’usage de l’Internet ; c’est donc une dimension qu’il sera nécessaire de prendre en compte lors de la future révision du code.
Appelée à donner des avis consultatifs sur l’unique base du code de déontologie des psychologues, la CNCDP tentera d’élargir sa réflexion, par un processus « d’extrapolation », au regard des récentes évolutions des pratiques professionnelles et de la législation. Elle ne se prononcera toutefois pas sur les modalités concrètes du dispositif de contrôle, cette question n’étant pas de son ressort. Elle invite l’Association responsable de ce site à s’inspirer des recommandations proposées.
A partir des interrogations soulevées, la commission se propose de traiter des points suivants :
La confidentialité, le secret professionnel et ce que propose le code pour les préserver au mieux

  • L’anonymat et la responsabilité professionnelle du psychologue
  • La communication orale et écrite du psychologue avec ses pairs/collègues
  • Le statut nouveau des écrits produits par des psychologues sur l’Internet
  • Les possibles limites éthiques et déontologiques à l’utilisation de l’Internet par les psychologues.

La confidentialité, le secret professionnel et ce que propose le code pour les préserver au mieux

En premier lieu, le forum constituant un espace « professionnel » (défini comme tel), la commission considère que les règles du code de déontologie des psychologues s’appliquent à celui-ci.
Echanger, discuter, converser, digresser, discourir… sur un forum professionnel destiné à des psychologues en titre ou à de futurs psychologues (étudiants en master) fait tout d’abord écho au code de déontologie à travers les notions fondamentales de respect des droits de la personne, de confidentialité et de secret professionnel.
Il apparaît en effet qu’il existe de multiples modalités d’échange sur des questions professionnelles, pouvant aller par exemple de l’indication de textes législatifs, de formations, de conseils en matière de recherche de stage ou d’emploi, en passant par des considérations sur la difficulté d’une mission, d’un champ d’exercice, jusqu’à des réflexions plus précises et impliquantes sur la prise en charge particulière de patients, d’usagers, de groupes de personnes, la gestion de situations conflictuelles etc.
Cette infinité de possibles montre bien que l’on peut passer d’un registre purement informatif et au caractère très général à un autre plus délicat, individuel, confidentiel voire intime, donnant accès à des observations, des pensées, jugements et valeurs très personnels et/ou révélateurs de la sphère privée d’autres personnes, dont le psychologue se trouve l’interlocuteur, le confident, le témoin, le collègue. C’est précisément au moment de ce « passage » d’un registre à l’autre que se posent les questions déontologiques évoquées par les demandeurs.
L’introduction du Titre I, met ainsi tout particulièrement l’accent sur la complexité des situations psychologiques qui s’oppose aux approches réductionnistes et rappelle l’importance de la capacité de discernement dont le psychologue doit faire preuve d’une façon générale, c’est-à-dire également lorsqu’il échange avec des pairs sur sa pratique, que cela soit oralement, par courrier, par courriel ou sur la « toile » :
Introduction au Titre 1. La complexité des situations psychologiques s’oppose à la simple application systématique de règles pratiques. Le respect des règles du présent Code de Déontologie repose sur une réflexion éthique et une capacité de discernement, dans l’observance des grands principes suivants.
Le premier principe du Titre I, concernant le respect des droits de la personne, est essentiel en ce qu’il énonce, tant à propos des droits des personnes, de leur nécessaire consentement éclairé avant toute intervention qu’à propos de la préservation de la vie privée et du secret professionnel.
Titre 1, 1/ Respect des droits de la personne : « Le psychologue (…) n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. (…) Le psychologue préserve la vie privée des personnes en garantissant le respect du secret professionnel, y compris entre collègues. Il respecte le principe fondamental que nul n’est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même.

L’article 9, rappelle aussi la notion de consentement éclairé, et en fait le pivot, le préalable de toute intervention :
Article 9. Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement de ceux qui le consultent ou participent à une évaluation, une recherche ou une expertise (…).
La question se pose alors de savoir si parler/écrire au sujet d’une personne sur internet est une forme « d’intervention », car si tel était le cas, les usagers devraient préalablement donner leur consentement à l’évocation de leur situation sur un forum. L’on perçoit bien que la sollicitation de cet accord serait d’une extrême complexité et impossible à vérifier.
Or, au regard des principes fondamentaux évoqués précédemment, respect, confidentialité, secret, la condition essentielle à tout échange sur le forum est la mise sous anonymat des données.
Après réflexion approfondie, la commission estime donc, à la condition expresse d’un anonymat strict, que les écrits d’un psychologue sur internet, a fortiori sur un forum professionnel, ne constituent pas des interventions. La sollicitation de l’accord de personnes que l’on ne peut identifier n’a donc pas de sens ni de justification.
Pour ces raisons, il semble indispensable à la commission de n’évoquer sur internet que des situations générales, absolument exemptes d’éléments identifiants.
Ce n’est qu’à cette condition qu’elles peuvent être utiles, paradigmatiques de configurations fréquemment retrouvées et revêtir un intérêt pédagogique pour la communauté professionnelle. Les personnes, situations, deviennent alors en quelque sorte des « objets épistémiques », permettant une élaboration professionnelle.
Par ailleurs, un forum d’échange ne peut avoir de légitimité, d’intérêt et « d’épaisseur » que si ses utilisateurs consentent à quelque chose d’une transmission de leur savoir et expérience. La transmission est d’ailleurs un aspect consubstantiel de l’activité du psychologue : il travaille en faisant constamment référence aux situations de terrain qui nourrissent sa pratique.
La confidentialité et le secret professionnel sont des aspects étroitement liés à celui du respect des droits de la personne et que l’usage d’internet soulève inévitablement, particulièrement sur un forum de discussion, en l’occurrence d’échanges professionnels.
Ce sont également deux obligations que le psychologue internaute doit avoir constamment à l’esprit lorsqu’il devise avec des pairs sur sa pratique professionnelle.
Outre le principe I.1 déjà cité, l’article 12 aborde aussi la question du secret et du « comment le préserver » :
Article 12 – Le psychologue est seul responsable de ses conclusions… [ ] … il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver le secret professionnel.

Enfin l’article 20 explicite très clairement les conditions du recueil, du traitement et de l’archivage de données ainsi que d’utilisation de ces données à des fins de communication, ce qui correspond bien au cadre d’échanges par voie écrite sur un site internet :
Article 20 – Le psychologue connaît les dispositions légales et réglementaires issues de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. En conséquence, il recueille, traite, classe, archive et conserve les informations et données afférentes à son activité selon les dispositions en vigueur. Lorsque ces données sont utilisées à des fins d’enseignement, de recherche, de publication, ou de communication, elles sont impérativement traitées dans le respect absolu de l’anonymat, par la suppression de tout élément permettant l’identification directe ou indirecte des personnes concernées, ceci toujours en conformité avec les dispositions légales concernant les informations nominatives.
Il pose en substance, la question de la conservation et l’archivage des messages écrits dans le cadre de forums internet et de leur devenir à moyen terme. Un délai raisonnable d’effacement des messages pourrait à cet égard être indiqué aux utilisateurs du forum. Les psychologues modérateurs, chargés d’une régulation des échanges, ont à réfléchir cette question délicate, sachant que tout écrit sur support informatique peut être aisément copié et modifié.

L’anonymat et la responsabilité professionnelle du psychologue en ce qui concerne ses propos et ses avis

L’anonymat est une condition essentielle des échanges par internet sur un forum professionnel. Il doit concerner tant les personnes que les situations évoquées et être soigneusement préservé en sorte qu’aucune identification ne soit possible :
Article 20. Lorsque ces données sont utilisées à des fins […] de communication, elles sont impérativement traitées dans le respect absolu de l’anonymat, par la suppression de tout élément permettant l’identification directe ou indirecte des personnes concernées.
Ce point soulève aussi la question de la formation et la réflexion quant au travail de mise sous anonymat de données. Abordée au cours de la formation initiale du psychologue, elle doit pouvoir être complétée et approfondie dans le cadre de formations ultérieures.
Pour ce qui concerne la personne qui s’exprime, en l’occurrence le psychologue, la commission estime intéressant qu’il se fasse connaître et se nomme, autant que possible, dans la mesure où il échange sur un espace professionnel. L’anonymat concerne l’usager mais pas le psychologue qui évoque une situation, dont sa communication est l’objet.
Le psychologue est investi d’une responsabilité professionnelle. Le fait qu’il fasse part de son opinion, d’un avis, d’une analyse sur un forum professionnel, ne le dédouane pas de cette responsabilité, même s’il estime intervenir à titre privé et non professionnel.
Plusieurs passages du code de déontologie éclairent diversement cette notion :
Titre I, 3/ Responsabilité : Outre les responsabilités définies par la loi commune, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Il s’attache à ce que ses interventions se conforment aux règles du présent Code… [  ]… Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels.
Titre I, 6/ Respect du but assigné : (…) Tout en construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue doit donc prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent éventuellement en être faites par des tiers.
Article 13 – Le psychologue ne peut se prévaloir de sa fonction pour cautionner un acte illégal, et son titre ne le dispense pas des obligations de la loi commune (…).
(La loi commune renvoie ici à la loi informatique et liberté de 1978 ainsi qu’aux différentes lois complémentaires parues depuis).
Bien sûr, intervenir à titre personnel peut donner l’impression au locuteur d’une plus grande latitude pour s’exprimer librement, sans précautions particulières.
La communication par l’Internet est en effet tout à fait singulière en ce sens qu’elle se fait à travers des écrits souvent spontanés, la plupart du temps sans véritable construction réfléchie, anticipée, corrigée. Le niveau de langage y est généralement courant, parfois familier. La modalité de communication par internet peut ainsi être propice aux dérapages dans l’expression de la pensée, un certain laisser aller verbal, la formulation de jugements, de préjugés, justement sous-couvert de l’anonymat ou d’un pseudonyme.
Un autre aspect important est la majoration d’un risque de diffusion d’informations (donc d’interprétation, d’appropriation…), de nombreuses personnes ayant accès à celles-ci dans le même laps de temps : il peut s’agir de milliers de personnes voire davantage…

La communication du psychologue avec ses pairs/collègues

Cette communication, quelles qu’en soit les modalités, c’est-à-dire orale, écrite, informatique, doit répondre à quelques critères, notamment de solidarité professionnelle, de respect des pratiques d’autrui, d’ouverture à d’autres modèles, approches et champs d’exercice.
Trois articles peuvent aider à garantir la qualité des échanges, l’article 13 du chapitre II relatif aux conditions d’exercice de la profession et les articles 21 et 22 du chapitre IV concernant les devoirs du psychologue envers ses collègues :
Article 13 – (…) Le psychologue peut éclairer sa décision en prenant conseil auprès de collègues expérimentés.
Article 21 – Le psychologue soutient ses collègues dans l’exercice de leur profession et dans l’application et la défense du présent Code. Il répond favorablement à leurs demandes de conseil et les aide dans les situations difficiles, notamment en contribuant à la résolution des problèmes déontologiques.
Article 22 – Le psychologue respecte les conceptions et les pratiques de ses collègues pour autant qu’elles ne contreviennent pas aux principes généraux du présent Code ; ceci n’exclut pas la critique fondée.
S’il est en mesure de renforcer un sentiment d’appartenance professionnelle, des liens de solidarité, une entraide, notamment de jeunes professionnels par de plus expérimentés, un forum ne peut cependant se substituer à un travail de supervision ou d’analyse de la pratique. Il ne présente en effet pas du tout les mêmes garanties qu’apporte la supervision classique par un intervenant identifié et que l’on devrait pourtant retrouver (règles de travail préalables, méthodologie « scientifique », garantie du cadre par le superviseur).
Ainsi, après avoir initié un échange avec un pair à propos d’une prise en charge, en ayant veillé à rendre les informations rigoureusement anonymes, il serait souhaitable de ne l’approfondir que dans le cadre d’une communication directe avec ce collègue et donc hors forum.
Un forum d’échanges professionnels garde cependant tout son intérêt dans un contexte de développement accéléré de la communication par internet, à laquelle les nouvelles générations sont bien formées. Il peut avoir une visée de cohérence, d’unité professionnelle ainsi que d’ouverture à d’autres approches, savoir-faire, cultures (communication interrégionales, avec des collègues d’autres pays d’Europe, francophones…). En outre, un certain nombre de psychologues ne disposent pas toujours d’autre espace pour discuter avec des pairs, réfléchir à leur pratique, partager des points de vue.
Enfin, il est important de garder à l’esprit que la communication via l’Internet comporte une dimension très informelle dans la mesure où les participants ne se connaissent pas ; cela devrait inviter à une certaine prudence dans l’expression de la pensée.

Le statut nouveau des écrits produits par les psychologues sur internet

Comme cela a déjà été évoqué, les écrits produits sur Internet ont un statut particulier et nouveau en ce sens qu’il s’agit de la trace écrite de pensées plutôt destinées à l’expression orale ; les termes forum de « discussion », « d’échanges », sont à ce titre éloquents : il s’agit bien de discussions avec leur caractère spontané, d’ajustement au fur et à mesure à l’interlocuteur, sans réflexion préalable, véritable prise de recul, mise à distance de l’objet de pensée.
En outre la rapidité de transmission de l’information implique d’une part que les messages se trouvent rapidement noyés dans la masse d’autres messages et d’autre part que cette information disparaisse parfois quasi-instantanément, chassée par celle qui la suit, et cela même si elle est archivée et récupérable.
Il peut être ainsi bien difficile de suivre le fil d’un débat et de s’y associer, quant bien même le sujet initial en serait indiqué. C’est pourquoi la commission recommande qu’il n’y ait pas prolongation indéfinie d’un échange sur un thème donné, puisque le débat ne peut être maîtrisé du fait même de l’outil de communication constitué par Internet.
L’article 14 du code traite de la question des écrits « classiques » du psychologue, mais ne peut s’appliquer complètement en l’état, en raison de l’impossibilité totale de regard sur le devenir des messages postés et sur leur conservation sans modification. Il est néanmoins utile de le garder en mémoire :
Article 14 – Les documents émanant d’un psychologue (attestation, bilan, certificat, courrier, rapport, etc.) portent son nom, l’identification de sa fonction ainsi que ses coordonnées professionnelles, sa signature et la mention précise du destinataire. Le psychologue n’accepte pas que d’autres que lui-même modifient, signent ou annulent les documents relevant de son activité professionnelle. Il n’accepte pas que ses comptes rendus soient transmis sans son accord explicite, et il fait respecter la confidentialité de son courrier.
La question des écrits de psychologues sur Internet pose aussi celle, connexe (non posée par les demandeurs), d’un éventuel traitement psychothérapeutique sous forme « écrite » par ce seul vecteur. Il apparaît à la commission que cette modalité ne peut être actuellement envisageable que pour « initier » une démarche. Si un site Internet constitue un lieu où des questions peuvent être posées, il ne peut permettre de les traiter conformément aux règles déontologiques de la profession : la communication y demeure en effet virtuelle, sans représentation visuelle ou auditive de la personne (sauf dispositif complémentaire qui permettrait d’entendre et/ou de voir le sujet à distance, par exemple webcam). Cela ouvre un champ clinique nouveau qui reste à construire et réfléchir.
Il semble enfin important que la (ou les) personne(s) en charge de sites internet à destination des psychologues dispose de la double compétence « informatique » et de psychologue, afin qu’une appréciation et une vigilance professionnelles puissent être garanties.

Les possibles limites éthiques et déontologiques à l’utilisation d’internet par les psychologues

A partir des éléments de réflexion précédents, la commission propose quelques pistes susceptibles d’aider à mieux définir et situer ces limites :
Une bonne connaissance du code de déontologie et de la Charte européenne des psychologues,
La référence aux forums semblables déjà existants et à leurs modalités de fonctionnement,
La connaissance de la législation récente applicable à tous les sites internet d’information et d’échanges (cf. lois citées en annexe),
L’exigence de rendre anonymes des propos quel que soit leur objet (identité des personnes évoquées, des situations,)
La mise en place et la communication préalable à toute inscription d’une charte de fonctionnement propre au forum d’échange…
Sans vouloir entrer dans une explicitation de ces limites, elle invite également les psychologues responsables de forums sur l’Internet à réfléchir et définir un cadre pour les échanges professionnels, avec une finalité et des règles claires, même s’il est probable que celui-ci soit à moyen terme partiellement obsolète, compte tenu des avancées constantes de la discipline informatique.

Avis rendu le 23 octobre 2009
Pour la CNCDP
La Présidente
Anne Andronikof

 

Articles du code cités dans l’avis : Titre I-1 – Titre I-3 –  Titre I-6 – Art. 9 – Art. 12 – Art. 13 – Art. 14 – Art. 20 – Art. 21 – Art. 22

 

Annexe

Diverses lois réglementant l’utilisation d’internet (liste non exhaustive, devant être régulièrement actualisée) :

  • Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 « informatique, fichiers et libertés »,
  • Loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 sur la protection des logiciels,
  • Loi n° 88-19 du 5 janvier 1988 relative à la fraude informatique,
  • Loi n° 95-597 du 1er juillet 1992 « code de la propriété intellectuelle »,
  • Loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, dite loi HADOPI ou loi « création et Internet ».

 

Organismes concernés par l’Internet (liste non exhaustive) :

Comité du service public de la diffusion du droit par l’Internet (CSPDDI), Conseil consultatif de l’Internet, Délégation aux usages de l’Internet, Fournisseur d’accès à Internet (FAI), Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et pour la protection des droits sur Internet (HADOPI), Institut des applications avancées de l’Internet (IAAI), Mission interministérielle pour l’accès public à la micro-informatique, à l’Internet et aux multimédia (MAPI), Service public de la diffusion du droit par l’Internet (SPDDI).

Avis CNCDP 2003-33

Année de la demande : 2003

Demandeur :
Psychologue (Secteur non précisé)

Contexte :
Relations/conflit avec la hiérarchie, l’employeur, les responsables administratifs

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Dossier institutionnel

Questions déontologiques associées :

– Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels (identification du psychologue, du destinataire))
– Compétence professionnelle (Elaboration des données , mise en perspective théorique)
– Écrits psychologiques (Archivage (conservation des documents psychologiques au sein des institutions : dossiers, notes personnelles, etc.))
– Secret professionnel (Notes cliniques personnelles)
– Secret professionnel (Données psychologiques non élaborées (protocole de test, QI))
– Code de déontologie (Référence au Code dans l’exercice professionnel, le contrat de travail)
– Continuité de l’action professionnelle /d’un traitement psychologique
– Confraternité entre psychologues
– Spécificité professionnelle
– Respect de la personne

Les avis rendus par la Commission ne concernent que des situations dans lesquelles sont impliquées des personnes habilitées à porter le titre de psychologues. Ce rappel paraît nécessaire car la requérante ne précise pas clairement son identité professionnelle. A ce propos, l’Article 14 du Code de déontologie des psychologues précise : « Les documents émanant d’un psychologue (attestation, bilan, certificat, courrier, rapport, etc.) portent son nom, l’identification de sa fonction ».

Les demandes de la requérante concernent explicitement les pratiques professionnelles des psychologues. La Commission juge important d’en préciser trois aspects :

1. la constitution du dossier psychologique et sa conservation;
2. la transmission des données;
3. les obligations du psychologue dans le cadre d’un travail d’équipe.

Pour ce qui relève des « droits » de la requérante, la Commission estime qu’il revient à d’autres instances de se prononcer dans ce domaine.

1. La constitution du dossier psychologique et sa conservation

En faisant référence à des notes, des dessins, des tests la requérante définit le contenu d’un dossier psychologique. Comme le précise l’Article 17 du Code de déontologie des psychologues, le choix des techniques, des méthodes, leur mise en perspective, les élaborations et les avis participent d’une démarche professionnelle singulière : « La pratique du psychologue ne se réduit pas aux méthodes et aux techniques qu‚il met en œuvre. Elle est indissociable d’une appréciation critique et d’une mise en perspective théorique de ces techniques ». Ainsi, il s’agit là d’une activité professionnelle personnelle propre au psychologue et à nul autre.

Concernant la conservation des dossiers constitués par le psychologue, l’Article 20 précise : « Le psychologue connaît les dispositions légales et réglementaires issues de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. En conséquence, il recueille, traite, classe, archive, et conserve les informations et données afférentes à son activité selon les dispositions en vigueur ». Ces notes sont souvent en rapport avec la vie privée des personnes : « Le psychologue préserve la vie privée des personnes en garantissant le respect du secret professionnel, y compris entre collègues. Il respecte le principe fondamental que nul n’est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même.» (Titre 1-1). Le psychologue garanti ainsi le respect des personnes qui lui accordent confiance en le consultant.

Il est à préciser que ces garanties sont indépendantes des conditions de l’exercice professionnel comme le précise l’Article 8 : « Le fait pour un psychologue d’être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou un statut à toute entreprise privée ou tout organisme public, ne modifie pas ses devoirs professionnels, et en particulier ses obligations concernant le secret professionnel et l’indépendance du choix de ses méthodes et de ses décisions.»

2 – La transmission des données

«Dans le cas où le psychologue est empêché de poursuivre son intervention, il prend les mesures appropriées pour que la continuité de son action professionnelle soit assurée par un collègue avec l’accord des personnes concernées, et sous réserve que cette nouvelle intervention soit fondée et déontologiquement posssible.» (Article16). Il revient donc au psychologue et non à son employeur d’évaluer quels éléments du dossier psychologiques doivent être transmis au collègue chargé de maintenir la continuité de son service. Il doit s’assurer alors de l’accord des personnes concernées. Cette disposition implique le respect de la confraternité entre psychologues telle que la précise le Chapitre 4 du Code dont on citera ici l’Article 21 : « Le psychologue soutient ses collègues dans l’exercice de leur profession et dans l’application et la défense du présent Code. Il répond favorablement à leurs demandes de conseil et les aide dans les situations difficiles, notamment en contribuant à la résolution des problèmes déontologiques. »

3 – Les obligations du psychologue dans le cadre d’un travail d’équipe

« Le psychologue fait respecter la spécificité de son exercice et son autonomie technique. Il respecte celle des autres professionnels.» (Article 6). Dans sa participation aux réunions de synthèse, mais aussi à l’aide de comptes-rendus écrits, le psychologue répond aux demandes des autres professionnels d’une équipe dans « le respect des droits fondamentaux de la personne et spécialement de leur dignité, de leur protection » (Titre I-1).

 

Conclusion

Le Code de déontologie ne différencie pas ce qui relève des données brutes et ce qui relève des notes personnelles, des réflexions, des élaborations. Il n’en demeure pas moins que l’ensemble constitue un dossier psychologique propre à l’activité singulière d’un psychologue et non d’un collègue.

La requérante s’est conformée aux exigences du code de déontologie des psychologues en refusant de communiquer ses notes personnelles et ses dossiers. Si son ancien employeur venait à exiger leur restitution, directement ou par un moyen de pression détourné, cela constituerait un abus de pouvoir.

D’autre part, en rencontrant sa « remplaçante au sujet des différentes prises en charge…[en laissant] des comptes-rendus dans les dossiers accessibles à l’ensemble de l’équipe », elle a agi en respectant le code de déontologie des psychologues.
Par contre, face à une demande de sa remplaçante, il lui revient d’observer si de nouveaux éléments d’un dossier doivent être transmis, sous réserve de l’accord des personnes concernées, et suivant les règles de confraternité que se doivent les psychologues.

Fait à Paris , le 8 mai 2004
Pour la CNCDP
Vincent Rogard, Président

Avis CNCDP 2009-13

Année de la demande : 2009

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Compte rendu

Questions déontologiques associées :

– Compétence professionnelle (Qualité scientifique des actes psychologiques)
– Responsabilité professionnelle
– Information sur la démarche professionnelle
– Consentement éclairé
– Évaluation (Évaluation de personnes que le psychologue n’a pas rencontrées)
– Évaluation (Relativité des évaluations)
– Mission (Distinction des missions)
– Traitement équitable des parties
– Respect du but assigné

Au regard des questions posées, la Commission se propose de traiter des points suivants :

  1. La qualification du psychologue
  2. La prise en compte du contexte
  3. La différence entre avis sur une situation et évaluation des personnes
  4. La distinction des missions

La qualification du psychologue

Comme il est écrit à l’article 5 du Code de Déontologie des Psychologues, la qualification d’un psychologue "s’apprécie notamment par sa formation universitaire fondamentale et appliquée de haut niveau en psychologie, par des formations spécifiques, par son expérience pratique et ses travaux de recherche." C’est en fonction de sa qualification que le psychologue "détermine l’indication et procède à la réalisation d’actes qui relèvent de sa compétence."

Œuvrant dans le cadre des ses compétences, le psychologue peut tirer de ses observations les conclusions qui lui semblent pertinentes, à condition qu’il puisse les argumenter, et en discuter éventuellement avec ses pairs. C’est un principe fondamental exposé au Titre I-5 :

Titre I-5. Qualité scientifique. Les modes d’intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l’objet d’une explicitation raisonnée de leurs fondements théoriques et de leur construction. Toute évaluation ou tout résultat doit pouvoir faire l’objet d’un débat contradictoire des professionnels entre eux.

En tout état de cause, le Code rappelle aux psychologues qu’ils sont responsables des avis qu’ils émettent et qu’ils doivent tenir compte de leur impact prévisible :

Titre I-3. Responsabilité. Outre les responsabilités définies par la loi commune, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Il s’attache à ce que ses interventions se conforment aux règles du présent Code. Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l’application des méthodes et techniques psychologiques qu’il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels.

La prise en compte du contexte

Un bilan, une évaluation, ne se font jamais "hors contexte". En effet, la personne qui vient consulter le fait pour un motif et dans un but que le psychologue va apprécier avant de procéder à l’examen psychologique.
Dans certaines circonstances, cette première analyse du contexte amènera le psychologue à surseoir à son examen psychologique ou à orienter la personne vers un autre professionnel.
Dans tout les cas de figure, l’évaluation initiale du contexte de la consultation va permettre au psychologue de définir ses objectifs relativement à la situation donnée, de se déterminer quant à la mission qu’il doit ou peut accomplir et d’en présenter les objectifs, les moyens et la portée (étendue et limite) à la personne qui consulte.
Celle-ci, alors bien informée sur le sens de sa propre démarche, sur la nature de l’examen envisagé et ses procédures, sera libre de consentir ou non à l’examen, de poursuivre ou non le travail que lui propose le psychologue.

Il s’agit là d’un principe fondamental de l’exercice professionnel tel qu’il est affirmé au titre I-1 du code, et explicité à l’article 9 :

Titre I-1. Respect des droits de la personne. (…) [Le psychologue] n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. (…)

Article 9 – Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement de ceux qui le consultent ou participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il les informe des modalités, des objectifs et des limites de son intervention (…).

La différence entre avis sur une situation et évaluation des personnes

Le psychologue qui se prononce sur la psychologie d’une personne (un trait de personnalité, une caractéristique de fonctionnement, une aptitude ou inaptitude etc.) fait de facto un acte d’évaluation de cette personne. Or, comme l’établit l’article 9, on ne peut évaluer une personne que si on l’a rencontrée dans un cadre professionnel et, comme nous venons de le voir, après consentement de ladite personne.

Article 9 – (…) Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées, mais son évaluation ne peut porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même. (…)

En revanche, comme on le voit dans cet article, le psychologue a toute latitude pour donner un avis sur un dossier ou une situation, mais seulement si cet avis n’engage pas directement une appréciation sur des personnes.

C’est en rédigeant son compte rendu que le psychologue va indiquer clairement quels sont les éléments qu’il a pu constater lui-même, et lesquels lui ont été rapportés, ce qui permet au lecteur du rapport de situer la nature et la portée des différents aspects du compte rendu.

La distinction des missions

Outre l’analyse du contexte de la consultation, il est essentiel que le psychologue connaisse les contours de la mission qui lui a été confiée ou qu’il s’est donné, et qu’il se maintienne à tout moment dans le cadre strict de cette mission :

Article 4 – Le psychologue (…) peut remplir différentes missions, qu’il distingue et fait distinguer, comme le conseil, l’enseignement de la psychologie, l’évaluation, l’expertise, la formation, la psychothérapie, la recherche, etc. (…)

Dans le contexte de cet avis, la commission portera tout particulièrement sa réflexion sur la phrase subordonnée : "qu’il distingue et fait distinguer".

Elle implique en effet qu’une mission doit être clairement définie tant dans l’esprit du psychologue lui-même que dans celui du commanditaire et/ou du client, et c’est précisément la définition de la mission qui fera l’objet d’un consentement réciproque et qui servira de cadre à l’intervention du psychologue.

Cet aspect est d’autant plus important qu’il existe beaucoup de situations ou la mission n’est pas claire au premier abord. Elle sera alors à construire et expliciter en préalable à l’intervention. Par exemple, bien des consultations, des demandes de bilan, d’attestation, sont faites dans des contextes conflictuels (qui sont d’ailleurs plus ou moins exprimés à la première consultation) et sous-tendues par des passions et des souffrances auxquelles le psychologue doit répondre avec bienveillance sans se départir de sa neutralité.
C’est le cas par exemple des contextes de conflit conjugal, des procédures de divorce et de répartition des droits de garde et d’hébergement des enfants.

a) S’il est commis comme expert par un juge (juge aux affaires familiales, juge des enfants), le psychologue devra faire le tour du problème, recevoir les différentes personnes concernées, et établir un rapport qui répondra avec prudence aux questions que le juge aura posées.
Cette façon de procéder permet au psychologue de se conformer aux règles énoncées dans les articles 9 et 19 du code :

Article 9 – (…) Dans les situations d’expertise, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties et sait que sa mission a pour but d’éclairer la justice sur la question qui lui est posée et non d’apporter des preuves.

Article 19 – Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence.

b) Si la consultation ou la demande de bilan ne se situe pas dans le cadre d’une expertise judiciaire, le psychologue prendra soin de ne pas déborder de sa mission d’évaluation. En effet, ne pouvant rencontrer et évaluer tous les protagonistes, il ne pourra pas les traiter "de façon équitable" et se faire une opinion informée sur l’ensemble de la situation.

En conclusion, la commission estime essentiel qu’un psychologue en charge d’une mission puisse la définir, la délimiter clairement dès le départ et la respecter jusqu’à son terme, dans ce cas la réalisation d’un compte rendu. C’est tout le sens du sixième principe énoncé au titre I du code de déontologie des psychologues :

Titre I – 6. Respect du but assigné. Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions et à eux seulement. Tout en construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue doit donc prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent éventuellement en être faites par des tiers.

Avis rendu le 12 février 2010
Pour la CNCDP
Le Président
Patrick Cohen

 

Articles du code cités dans l’avis : Titres I-1, I-3, I-5, I-6 ; Articles 4, 5, 9, 19.

Avis CNCDP 2001-06

Année de la demande : 2001

Demandeur :
Psychologue (Secteur Santé)

Contexte :
Questionnement professionnel personnel

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Transmission/ communication des écrits psychologiques à l’extérieur du service ou de l’institution

Questions déontologiques associées :

– Secret professionnel (Travail d’équipe et partage d’information)
– Respect de la personne
– Responsabilité professionnelle
– Écrits psychologiques (Protection des écrits psychologiques (pas de modification ou de transmission sans accord du psychologue))
– Transmission de données psychologiques (Compte rendu à des partenaires professionnels)

Voir le document joint.

Avis CNCDP 2001-05

Année de la demande : 2001

Demandeur :
Psychologue (Secteur Travail)

Contexte :
Questionnement professionnel personnel

Objet de la demande :
Titre / qualification de psychologue
Précisions :

Questions déontologiques associées :

– Titre de psychologue
– Compétence professionnelle (Formation (formation initiale, continue, spécialisation))
– Mission (Compatibilité des missions avec la fonction, la compétence, le Code de déontologie, dans un contexte professionnel donné)
– Respect de la personne

Voir le document joint.

Avis CNCDP 2010-02

Année de la demande : 2010

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Expertise judiciaire

Questions déontologiques associées :

– Compétence professionnelle (Formation (formation initiale, continue, spécialisation))
– Compétence professionnelle (Qualité scientifique des actes psychologiques)
– Responsabilité professionnelle
– Autonomie professionnelle
– Diffusion de la psychologie
– Traitement équitable des parties
– Évaluation (Droit à contre-évaluation)
– Évaluation (Relativité des évaluations)
– Probité
– Respect du but assigné
– Discernement

Comme le rappelle l’avertissement précédent, la commission n’a ni vocation ni mandat pour juger de la pratique d’un psychologue et en l’occurrence apprécier le contenu ou l’organisation d’une expertise psychologique. Elle ne peut que tenter d’éclairer cette pratique à la lumière du code de déontologie et proposer notamment une réflexion sur les conditions optimales de la réalisation des différentes missions du psychologue.

Au regard des questions soulevées par la demandeuse, la commission traitera des points suivants :
Compétence, responsabilité et indépendance professionnelle du psychologue
Diffusion de la psychologie auprès du public
Traitement équitable des parties et critères présidant au travail d’expertise psychologique.

Compétence, responsabilité et indépendance professionnelle du psychologue

Une expertise psychologique constitue un important travail de réalisation d’entretiens avec une ou des personnes, de recueil et d’analyse de données à partir de ces rencontres, d’élaboration de celles-ci puis enfin, de rédaction d’un ensemble d’observations et de conclusions.
Pour ce faire, le psychologue expert planifie et programme les entretiens, examens psychologiques, tests qu’il estime nécessaires à la compréhension d’une situation de manière à l’appréhender au mieux dans toute sa complexité et avec le maximum d’objectivité.
Lors d’un examen psychologique familial, c’est à lui qu’incombe de déterminer quels membres de la famille il va rencontrer, et dans quel contexte, c’est à dire seuls, en couple, en groupe. Il peut ainsi lui apparaître nécessaire de rencontrer plusieurs fois l’enfant (ou les enfants) seul, avec chacun de ses parents ou encore avec ses deux parents ou d’autres membres de la famille pour tenter de saisir de manière fine et la plus exhaustive possible les interactions et enjeux familiaux.
Outre une formation initiale universitaire, le psychologue a en principe été formé à ce travail d’expertise et/ou dispose d’une expérience conséquente en la matière, ce qui lui permet de produire un rapport écrit de qualité, solidement étayé et documenté.
Pour l’organisation de son travail, le psychologue expert a toute latitude, le seul fil conducteur de sa démarche étant la réponse à la ou aux questions pour lesquelles il a été missionné. Il est d’ailleurs essentiel, pour la conduite de son examen, qu’il agisse en toute indépendance, sans se laisser influencer par des pressions d’aucune sorte.
Dans ce cadre, il peut juger approprié de s’abstenir de rencontrer d’autres collègues psychologues ou professionnels (de santé, sociaux…) qui ont eu à connaître les personnes faisant l’objet de l’expertise ou assurent encore leur suivi.
Travailler de manière indépendante permet aussi de porter un regard neuf sur une situation, et de prendre le recul nécessaire.
Plusieurs passages du code, principes généraux du titre I ou articles, évoquent ces notions de compétence, de responsabilité mais aussi d’indépendance propres à l’exercice du psychologue et qui lui permettent de s’acquitter d’une mission avec rigueur et sérénité :

Titre I-2 Compétence : Le psychologue tient ses compétences de connaissances théoriques régulièrement mises à jour, d’une formation continue et d’une formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières et définit ses limites propres, compte tenu de sa formation et de son expérience. Il refuse toute intervention lorsqu’il sait ne pas avoir les compétences requises.
Titre I-3 Responsabilité : Outre les responsabilités définies par la loi commune, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Il s’attache à ce que ses interventions se conforment aux règles du présent Code. Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l’application des méthodes et techniques psychologiques qu’il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels.
Titre I-7 Indépendance professionnelle : Le psychologue ne peut aliéner l’indépendance nécessaire à l’exercice de sa profession sous quelque forme que ce soit.
Article 12 : Le psychologue est seul responsable de ses conclusions. Il fait état des méthodes et outils sur lesquels il les fonde, et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver le secret professionnel. (…)

Diffusion de la psychologie auprès du public

Un psychologue a la possibilité s’il le souhaite, de témoigner de son savoir, de sa pratique et de son expérience, soit à travers une forme d’enseignement ou de transmission auprès d’étudiants ou de pairs, soit auprès d’un public plus large, à travers des publications et interventions audiovisuelles (conférences, radio, télévision, internet). Son témoignage peut être précieux pour la communauté professionnelle et permet d’informer également des personnes non psychologues sur une thématique précise.
Dans ce dernier cas, il doit être vigilant d’une part à ce que ses propos ne contreviennent pas aux règles du code de déontologie de sa profession et d’autre part à ne pas faire état dans le détail des méthodes et techniques qu’il emploie.
En ce qui concerne d’éventuelles hypothèses explicatives ou développements théoriques à propos d’une pathologie ou problématique, il doit veiller à être pédagogue, clair, prudent dans leur énonciation et à bien préciser le contexte de leur élaboration.

Les articles 25 et 26 explicitent les conditions de cette diffusion :

Article 25 : Le psychologue a une responsabilité dans la diffusion de la psychologie, auprès du public et des médias. Il fait de la psychologie et de ses applications une présentation en accord avec les règles déontologiques de la profession. Il use de son droit de rectification pour contribuer au sérieux des informations communiquées au public.
Article 26 : Le psychologue n’entre pas dans le détail des méthodes et techniques psychologiques qu’il présente au public, et il l’informe des dangers potentiels d’une utilisation incontrôlée de ces techniques.
Dans la situation de présentation de cas, le psychologue doit veiller à l’anonymat des personnes et à la préservation de leur dignité et bien-être :

Article 32 : (…) les présentations de cas se font dans le respect de la liberté de consentir ou de refuser, de la dignité et du bien-être des personnes présentées.

Traitement équitable des parties et critères présidant au travail d’expertise psychologique.

Ainsi qu’il a été dit précédemment, une expertise psychologique est un travail complexe et rigoureux d’analyse et compréhension d’une ou de personnalités singulières, de dynamiques personnelles et familiales, de mise à jour d’éléments explicatifs de symptômes, mises en actes, dysfonctionnements, conflits, dissensions.
Il requiert par conséquent la garantie d’un certain nombre de critères et règles parmi lesquels, en premier lieu, le traitement équitable des parties.

Le psychologue expert doit en effet veiller au traitement équitable des différentes personnes rencontrées, afin que chacun puisse être entendu, reconnu dans ses arguments et choix et que la synthèse produite soit la plus exhaustive et objective possible.
C’est précisément pour éviter toute forme de parti pris que le psychologue sera particulièrement attentif à cette règle et aura le souci d’accorder autant d’attention à chaque protagoniste. Les psychologues experts notent d’ailleurs en préalable de leur écrit les dates des rencontres réalisées et l’identité des personnes concernées par chacune d’elles.

Article 9 : (…) Dans les situations d’expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties et sait que sa mission a pour but d’éclairer la justice sur la question qui lui est posée et non d’apporter des preuves.
Il pourra également rappeler aux personnes concernées, autant que de besoin, la possibilité de solliciter auprès du juge une contre-évaluation :

Article 9 : (…) Dans toutes les situations d’évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue rappelle aux personnes concernées leur droit à demander une contre-évaluation. (…).
D’autres critères sont importants et notamment la probité et la qualité scientifique du psychologue. Deux principes du titre I déclinent ces notions : 

Titre I-4 Probité : Le psychologue a un devoir de probité dans toutes ses relations professionnelles. Ce devoir fonde l’observance des règles déontologiques et son effort continu pour affiner ses interventions, préciser ses méthodes et définir ses buts.
Titre I-5 Qualité scientifique : Les modes d’intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l’objet d’une explicitation raisonnée de leurs fondements théoriques et de leur construction. (…)
Le psychologue, dans l’accomplissement de sa tâche d’expertise répond en outre à un "but assigné", c’est-à-dire à une ou des questions ou demandes précises formulées par le juge qui l’a missionné. Dans le cas présent, l’expertise est réalisée "aux fins de statuer sur l’exercice de l’autorité parentale et le droit de visite et d’hébergement". A cet effet, le psychologue est libre de choisir les méthodes et modalités qui lui paraissent le plus appropriées, dans la mesure où il apporte une réponse effective à la question posée. Le principe I-6 illustre ce point :

Titre I-6 Respect du but assigné : Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. Tout en construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue doit donc prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent éventuellement en être faites par des tiers.
Dans le cadre d’une expertise, le rapport écrit est prioritairement destiné au juge et a pour vocation d’éclairer sa décision. Il est également important de rappeler qu’in fine, c’est bien sûr toujours le juge et seulement lui qui rend cette décision.

Enfin, le psychologue en charge d’une expertise doit faire preuve de discernement et de prudence dans ses analyses, ce qui ne signifie pas qu’il ne doit pas se positionner et formuler des préconisations dûment argumentées. Deux articles éclairent cette attitude professionnelle, si précieuse au psychologue : 

Article 17 : La pratique du psychologue ne se réduit pas aux méthodes et aux techniques qu’il met en œuvre. Elle est indissociable d’une appréciation critique et d’une mise en perspective théorique de ces techniques.
Article 19 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence.
Dans ces situations très sensibles, où l’enfant se retrouve souvent "au milieu" du conflit parental, l’expertise psychologique peut révéler des enjeux affectifs complexes. Pour la conduire, le psychologue doit donc à la fois répondre à la question posée par le juge et veiller à son impartialité dans un contexte rendu difficile par les attentes très fortes et contradictoires des parents et le mal être de l’enfant, pris dans ce conflit.
Ainsi la préservation de la neutralité psychologique dans le cadre d’une expertise judiciaire est un réel enjeu déontologique, dont le code peut être un garant solide.

 

Avis rendu le 21 Avril 2010
Pour la CNCDP
Le Président
Patrick COHEN

 

Articles du code cités dans l’avis : Titres I-2, I-3, I-4, I-5, I-6, I-7, Articles 9, 12, 17, 19, 25, 26, 32.

Avis CNCDP 2010-14

Année de la demande : 2010

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Rapport d’expertise judiciaire

Questions déontologiques associées :

– Traitement équitable des parties
– Évaluation (Évaluation de personnes que le psychologue n’a pas rencontrées)
– Évaluation (Droit à contre-évaluation)
– Responsabilité professionnelle
– Autonomie professionnelle

Eu égard à la situation présentée, la Commission portera sa réflexion sur la notion de traitement équitable.
En seconde partie, la Commission se penchera sur la notion de « neutralité », qui est évoquée de manière très intéressante dans cette demande.

1. Le traitement équitable des parties

Le Code de déontologie des psychologues ne comporte qu’une référence directe à la situation spécifique de l’expertise judiciaire, insérée dans l’article 9 :
Article 9 : […] Dans les situations d’expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties et sait que sa mission a pour but d’éclairer la justice sur la question qui lui est posée et non d’apporter des preuves.
La première partie de la phrase (« traite de façon équitable ») concerne essentiellement les expertises effectuées à la demande du juge aux affaires familiales lorsqu’il y a litige sur le droit de garde et d’hébergement des enfants d’un couple séparé. La seconde partie (éclairer la justice et non apporter des preuves) concerne plutôt les expertises réalisées dans un contexte pénal.
Dans le cas d’un conflit entre des personnes, le psychologue procède à des entretiens où chacune des parties est convoquée, afin de se forger ensuite, en connaissance de cause, son opinion, et répondre aux questions posées dans la mission qui lui a été confiée. Plus précisément, dans le cas d’un conflit parental, les parents  sont reçus, ensemble ou séparément,  ainsi que les enfants.
Ainsi, sur le plan déontologique, recevoir tous les protagonistes concernés est fondamental dans la mesure où cela permet au psychologue de ne pas tirer de conclusions à partir des seuls dires d’une autre personne, et d’évaluer le plus objectivement possible une situation donnée, comme l’établit l’article 9 dans un autre passage:
Article 9 : […] Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées, mais son évaluation ne peut porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même. […].
Le psychologue est toutefois libre d’organiser son examen comme il l’estime approprié :
Titre I-3 Responsabilité : […] Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l’application des méthodes et techniques psychologiques qu’il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels.
Dans cet esprit, il est libre de recueillir ou non toute information supplémentaire, ou de prendre contact avec un autre membre de l’entourage.
Il est libre de recevoir les parents et les enfants ensemble ou séparément, de les voir plusieurs fois si nécessaire, libre de choisir ses méthodes (entretiens ou tests).

2. La neutralité du psychologue

Dans le Code, on ne trouve aucune mention du terme « neutralité ». Ce terme fait pourtant partie de la représentation que les gens se font communément de l’exercice de la psychologie et il est généralement associé à l’adjectif « bienveillante ».
La « neutralité bienveillante » est une expression issue de la psychologie humaniste qui s’applique généralement aussi  au travail du psychanalyste dans sa relation à l’analysant.
Si neutralité veut dire qu’on ne porte pas de jugement moral et qu’on ne prend pas partie, alors il est évident que le psychologue se doit de rester neutre. Si en revanche la notion de neutralité devait s’entendre comme interdiction d’évaluer une situation ou un fonctionnement psychologique, alors elle ne peut s’appliquer à l’exercice de la psychologie, hormis peut-être dans une relation psychothérapeutique.
En effet, il est demandé aux psychologues de donner un avis d’expert (au sens général du terme) sur une personnalité ou une situation. Cela veut dire que, une fois qu’ils ont examiné la situation (de manière équitable) et par les méthodes qu’ils ont choisi d’appliquer, les psychologues doivent donner leur avis. C’est le cas par exemple d’une recherche de diagnostic, d’un conseil d’orientation, d’un recrutement, de recommandations de traitement, etc.
C’est le cas aussi dans une mission d’expertise : le juge demande à être éclairé par le point de vue du psychologue, et reste libre de prendre la décision qui lui paraît la plus juste et/ou la plus appropriée.
Soulignons que dans les situations de conflit entre parents, c’est l’intérêt de l’enfant qui reste au premier plan de la réflexion du psychologue, comme de la décision du juge.

Conclusion

La Commission est consciente que son avis, de portée générale, risque de ne pas répondre précisément aux attentes du demandeur, qui conteste les décisions du juge et voit un rapport direct entre celles-ci et les conclusions de l’expertise psychologique.
En outre, le demandeur dénonce l’utilisation du rapport d’expertise qui serait faite par son ex-conjoint. A ce sujet le titre I-6 du code énonce, dans sa deuxième partie, que d’une manière générale :
Titre I-6 : […] Tout en construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue doit donc prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent éventuellement en être faites par des tiers.
Mais, sur ce dernier point, la Commission rappelle qu’une expertise est faite à la demande d’un juge, qui en est l’unique destinataire. Dans ce cas, le psychologue ne peut être tenu pour responsable des utilisations ultérieures qui seront faites de son rapport.
Concernant la contestation des conclusions d’un rapport d’expertise (ou d’un examen psychologique), la Commission reconnaît la légitimité de telles démarches : toute personne ayant été évaluée doit se sentir libre de solliciter un autre avis, et dans le cas d’une expertise, de demander une contre-expertise.
Cette notion est aussi abordée dans l’article 9 :
Article 9 : […] Dans toutes les situations d’évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue rappelle aux personnes concernées leur droit à demander une contre-évaluation. […].

Avis rendu le 10/01/2011
Pour la CNCDP
Le Président
Patrick COHEN

 

Articles du code cités dans l’avis : Titres I-3, I-6 ; Article 9

Avis CNCDP 2010-13

Année de la demande : 2010

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Rapport d’expertise judiciaire

Questions déontologiques associées :

– Abus de pouvoir (Abus de position)
– Mission (Compatibilité des missions avec la fonction, la compétence, le Code de déontologie, dans un contexte professionnel donné)
– Mission (Distinction des missions)
– Consentement éclairé
– Évaluation (Droit à contre-évaluation)
– Traitement équitable des parties
– Compétence professionnelle (Qualité scientifique des actes psychologiques)
– Responsabilité professionnelle
– Respect de la loi commune

Préambule

A plusieurs reprises, la CNCDP a examiné des situations similaires et l’on pourra utilement se référer aux  avis qui ont traité la problématique de la situation judiciaire de garde pour un couple.
Il importe toutefois de rappeler que la CNCDP, instance consultative, ne peut donner de suite à une plainte et à fortiori ne peut prendre des sanctions à l’égard de psychologues.
En effet, en l’absence de débat contradictoire et n’établissant ses avis que sur le témoignage du demandeur, elle oriente ses réponses sur une réflexion éthique à partir d’une situation présentée par le demandeur. Elle n’a donc aucun rôle d’arbitrage.
Dans ce contexte, la CNCDP se propose de traiter les questions suivantes :

  • L’abus de position du psychologue.
  • La discrimination religieuse
  • L’abus de pouvoir
  • L’abus de position

La notion de position dominante ou d’abus de position est généralement utilisée au plan économique.
Il s’agit d’une exploitation abusive de sa position qui est soit exclusive, soit dominante, pour fixer des prix, des conditions de vente ou de distribution.
En résumé, l’entreprise en position dominante fixe les règles et fait en quelque sorte la loi sur le marché.
La notion de position dominante appliquée aux conflits familiaux ou aux individus n’existe pas, semble-t-il, en droit français. Nous pouvons néanmoins nous interroger sur la transposition de ce concept appliqué à la profession de psychologue.
Que serait donc un abus de position d’un psychologue ?
Nous retenons deux déclinaisons possibles :

  • Un abus lié à une position dominante du psychologue.
  • Il convient au préalable de préciser qu’en soi, une position dominante n’est pas nécessairement répréhensible. Ainsi, un psychologue exerçant en milieu rural où il serait le seul, ne fait pas obligatoirement preuve d’abus. Dans ce cas particulier, l’abus proviendrait par exemple d’application de tarifs prohibitifs en raison de l’absence de psychologue « 50 km à la ronde ».
  • Un abus lié à l’autorité morale que représenterait le psychologue.
  • Entre le fait que le psychologue est plus généralement considéré comme un spécialiste du comportement humain, plutôt qu’une autorité morale, cette notion d’autorité ne serait valide que si le psychologue ne fondait ses interventions que sur sa propre initiative. 

Le Code sur ces deux plans nous apporte des éléments de réflexion :
Article 23 – Le psychologue ne concurrence pas abusivement ses collègues et fait appel à eux s’il estime qu’ils sont plus à même que lui de répondre à une demande.
Les tarifs pratiqués par les psychologues ne doivent donc pas êtres disproportionnés par rapport au service rendu et par rapport aux honoraires appliqués par des confrères y compris lorsque le psychologue détient un monopole géographique ou thématique.
Que ce soit en tant que salarié où il est missionné par l’institution ou que ce soit en libéral où il est mandaté par le client qui sollicite son intervention, le psychologue n’intervient pas de sa propre initiative.
L’Article 7 confirme ce cadre d’intervention et précise le degré d’autonomie du psychologue dans l’acceptation des missions qui lui sont confiées :
Article 7 – Le psychologue accepte les missions qu’il estime compatibles avec ses compétences, sa technique, ses fonctions, et qui ne contreviennent ni aux dispositions du présent Code, ni aux dispositions légales en vigueur.
Enfin, l’article 4 énonce que le psychologue peut exercer différente fonctions :
Article 4 – Le psychologue peut exercer différentes fonctions à titre libéral, salarié ou d’agent public. Il peut remplir différentes missions, qu’il distingue et fait distinguer, comme le conseil, l’enseignement de la psychologie, l’évaluation, l’expertise, la formation, la psychothérapie, la recherche, etc. […].

L’abus de pouvoir

Le pouvoir réside dans l’ensemble des moyens dont dispose un individu en vue d’une action ou mission déterminée. En soi, il n’est pas répréhensible.
L’abus de pouvoir est constitué par une utilisation de ces moyens qui serait excessive, inadaptée ou détournée. Le caractère arbitraire de cette utilisation signe le plus souvent la dimension abusive.
Pour un psychologue, abuser de son pouvoir serait de l’utiliser à des fins autres que celles pour lesquelles il serait missionné ou alors d’utiliser ces moyens pour servir ses intérêts privés.
Plusieurs titres et un article du Code définissent le périmètre de cette question :
Article 9 – Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement de ceux qui le consultent ou participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il les informe des modalités, des objectifs et des limites de son intervention. […].
L’intervention du psychologue est donc soumise à l’accord du bénéficiaire qui doit en connaître par avance le champ, l’étendue et les moyens. Ainsi toute modification du cadre préalable pourra donner droit à contestation. De ce point de vue, un dépassement de ce cadre pourrait être signifié au psychologue. Ce même article ajoute :
[…] Dans toutes les situations d’évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue rappelle aux personnes concernées leur droit à demander une contre-évaluation. […] Dans les situations d’expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties et sait que sa mission a pour but d’éclairer la justice sur la question qui lui est posée et non d’apporter des preuves. 
L’avis du psychologue peut être contredit ou relativisé ce qui limite conséquemment l’étendue de son pouvoir.
Enfin, si le psychologue dispose d’une certaine autonomie technique celle-ci n’est pas arbitraire et engage sa responsabilité comme le définissent les Titre 1-3 et 1-5 des Principes Généraux du Code de Déontologie :
Titre I-5 Qualité scientifique : Les modes d’intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l’objet d’une explicitation raisonnée de leurs fondements théoriques et de leur construction. […].
Titre I-3 Responsabilité : Outre les responsabilités définies par la loi commune, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Il s’attache à ce que ses interventions se conforment aux règles du présent Code. Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l’application des méthodes et techniques psychologiques qu’il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels.

La discrimination religieuse

L’interdiction de toute discrimination religieuse fait partie des droits fondamentaux de tout citoyen. De multiples textes nationaux et internationaux y font référence. A cet égard, les Nations Unies ont défini (Haut Commissariat aux Droits de l’Homme) trois types d’obligations pour les Etats :

  • Obligation de respect (des religions),
  • Obligation de protection notamment envers toute forme de discrimination,
  • Obligation d’accomplissement c’est-à-dire faire en sorte que chacun puisse exercer ses droits.

Comme le précise l’Article 13, « (…) [Le] titre [de psychologue] ne le dispense pas des obligations de la loi commune. […]. »
Cet impératif ne s’oppose cependant pas au fait que le psychologue ait à tenir compte des convictions  religieuses des personnes qu’il a à examiner, si l’expression spontanée de ces convictions fait partie de l’ensemble du matériel recueilli et s’il estime que leur incidence sur la dynamique relationnelle des personnes examinées doit être prise en compte
En effet, le travail du psychologue est généralement d’interpréter l’ensemble des matériaux recueillis quelle que soit leur nature.
Bien évidemment, l’utilisation de ces matériaux n’a pas pour objet d’apporter une appréciation sur les opinions ou croyances des sujets qui le consultent, mais plutôt de donner du sens sur le plan psychologique à l’utilisation qui en est faite par ces mêmes sujets et de réfléchir à l’incidence que ces croyances ou ces convictions peuvent avoir sur la situation à propos de laquelle l’expertise du psychologue a été sollicitée.

Avis rendu le 06/12/2010
Pour la CNCDP
Le Président,  Patrick COHEN

 

Articles du code cités dans l’avis : Titres I-3, I-5 ; Articles 4, 7, 9, 13, 23.

Avis CNCDP 2010-12

Année de la demande : 2010

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Attestation

Questions déontologiques associées :

– Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels (identification du psychologue, du destinataire))
– Compétence professionnelle (Qualité scientifique des actes psychologiques)
– Évaluation (Évaluation de personnes que le psychologue n’a pas rencontrées)
– Évaluation (Relativité des évaluations)
– Évaluation (Droit à contre-évaluation)
– Traitement équitable des parties
– Responsabilité professionnelle
– Transmission de données psychologiques (Compte rendu aux parents)

La CNCDP n’étant pas une instance d’arbitrage fondée à juger la qualité du travail réalisé par un psychologue, elle éclairera uniquement la demandeuse sur les éléments déontologiques concernant les situations qui mettent en jeu des écrits émanant de psychologues. Très souvent sollicitée à propos de questions similaires, relatives à des écrits de psychologues réalisés dans un contexte de conflit parental, la commission fera porter sa réflexion sur les trois points suivants :

  • La forme et la qualité scientifique des écrits professionnels
  • Le caractère relatif des évaluations et le droit à une contre-évaluation
  • Le traitement équitable des parties et la responsabilité du psychologue

1. La forme et la qualité scientifique des écrits professionnels

La commission rappellera tout d’abord, au regard de l’article 14, que tout écrit établi par un psychologue doit préciser son nom, sa fonction, son adresse professionnelle, la date et le contexte de la demande, le ou les destinataire(s) du document ainsi que les méthodes éventuellement utilisées pour étayer ses conclusions (tests, entretiens…).
Article 14 : Les documents émanant d’un psychologue (attestation. bilan, certificat, courrier, rapport, etc.) portent son nom, l’identification de sa fonction ainsi que ses coordonnées professionnelles, sa signature et la mention précise du destinataire. […].
Elle rappelle également que la qualité scientifique des écrits du psychologue peut faire l’objet de débats, tel que cela est stipulé dans l’un des principes généraux du code de déontologie des psychologues :
Titre I-5 : les modes d’intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l’objet d’une explicitation raisonnée de leurs fondements théoriques et de leur construction. Toute évaluation ou tout résultat doit pouvoir faire l’objet d’un débat contradictoire des professionnels entre eux.
Le code indique par ailleurs qu’un psychologue ne peut évaluer une personne s’il ne l’a pas rencontrée :
Article 9 : […] les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Mais son évaluation ne peut porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même. […].

2. Le caractère relatif des évaluations et le droit à une contre-évaluation

L’article 19 du code de déontologie des psychologues met en avant l’idée essentielle que le psychologue est conscient de la relativité des évaluations qu’il réalise dans le cadre d’une mission confiée :

Article 19 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices et définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment ses conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence.
En outre, toute personne faisant l’objet d’une évaluation doit être informée des conclusions de cette évaluation. En cas de contestation, l’article 9 du code de déontologie rappelle que le psychologue doit informer l’intéressé de son droit à solliciter une contre-évaluation :
Article 9 : […] Dans toutes les situations d’évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue rappelle aux personnes concernées leur droit à demander une contre-évaluation. […].

3. Le traitement équitable des parties et la responsabilité du psychologue

Dans l’exercice de sa profession le psychologue doit pouvoir bénéficier d’une autonomie suffisante pour que puisse prendre place une distanciation nécessaire avec les deux parties en présence, en particulier dans les cas de conflits parentaux mettant en jeu la garde d’un enfant.
La commission recommande ainsi au psychologue la rigueur, la prudence et un effort constant de discernement pour garantir la qualité et l’équité de ses conclusions, notamment dans les situations où il est appelé à rencontrer divers interlocuteurs, pris dans un processus conflictuel souvent générateur de souffrance et de difficulté à communiquer.
A ce propos,  une autre partie de l’article 9 stipule :
Article 9 : […] Dans les situations d’expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable les parties […].
Dans tous les cas, le psychologue est investi d’une responsabilité professionnelle. Le titre I-3 explicite les modalités de cette responsabilité :
Titre I-3 : Outre les responsabilités définies par la loi commune, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Il s’attache à ce que ses interventions se conforment aux règles du présent code. […]. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels.
Par ailleurs, ses conclusions reposent sur des méthodes et des outils dont il doit pouvoir rendre compte comme le précise 1’article 12 :
Article 12 : le psychologue est seul responsable de ses conclusions. Il fait état des méthodes et outils sur lesquels il les fonde, et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver le secret professionnel. […].
En définitive, lorsqu’il évalue les aptitudes et la personnalité d’un patient, le psychologue engage sa responsabilité, même et surtout lorsqu’il s’agit d’enfants.

Avis rendu le 15/12/2010
Pour la CNCDP
Le Président
Patrick COHEN

 

Articles du code cités dans l’avis : Titres I-3, I-5 ; Articles 9, 12, 9, 19.