Décret sur la prise en charge de la souffrance psychique des jeunes : On ferme la porte ou on discute ?

Suite à la publication du décret du 5/05/2017 relatif à l’expérimentation visant à organiser la prise en charge de la souffrance psychique des jeunes, bis repetita : comme en octobre 2016, les réseaux sociaux montent au créneau, haro sur la paramédicalisation, dénigrement de la profession…

Revenons aux textes : un décret et une circulaire signés sur le fil, par le Premier Ministre, le dernier jour « ouvré » de la mandature. Il s’agit d’expérimenter sur 4 ans et sur des territoires bien spécifiques un dispositif de prise en charge de la souffrance des jeunes par des psychologues installés en libéral.

Répondre à la souffrance psychique des jeunes est une priorité, elle était inscrite comme telle dans le mandat présidentiel de F. Hollande. Le nombre de suicides des adolescents est l’un des plus élevés d’Europe. Proposer une prise en charge ad hoc apparaît indispensable. Le temps d’attente en CMP (Centre Médico Psychologique) pour les plus jeunes ne correspond pas à leurs besoins, jusqu’à 6 mois pour un enfant de 6 ans! Bien sûr, les postes de psychologues restent insuffisants dans le service public et donc dans les CMP où majoritairement les usagers n’ont toujours pas d’accès direct aux psychologues. Il est du ressort des organisations syndicales de défendre les salariés et le service public, la FFPP s’est régulièrement engagée à leurs côtés pour soutenir la place des psychologues.

L’article 1 du décret précise :

« Les médecins généralistes, les pédiatres ou les médecins scolaires prescrivent, après évaluation, au maximum douze consultations psychologiques prises en charge dans la limite d’un forfait, au jeune entre 11 et 21 ans en situation de souffrance psychique ».


L’idée de départ préconisait également d’inclure les psychologues de l’Éducation Nationale dans l’orientation ce qui aurait été plus que judicieux, ainsi que les infirmières scolaires, en première ligne : a-t-on jamais vu un jeune aller consulter spontanément un médecin généraliste ou scolaire pour lui parler de son mal être ? Mais le lobbying médical reste en France majeur. Nous pouvons le déplorer.

 Il n’en demeure pas moins que le jeune pourra bénéficier d’une prise en charge de 12 séances, pour lesquelles les psychologues libéraux seront indemnisés, dans le cadre d’une charte élaborée avec les ARS (Agence Régionale de Santé) et les Maisons des Adolescents.

Procéder autrement aurait impliqué d’innover un système de remboursement qui n’entre pas dans le cadre médical actuel. Existe-t-il des remboursements d’actes qui ne relèvent pas du registre médical et qui soient remboursés ? Pas à notre connaissance… Dans le cadre des attentats de Nice, la Ministre de la Santé a mis en place la prise en charge de 10 consultations auprès d’un psychologue en libéral, sur prescription des structures d’accueil (CMP notamment), d’un montant de 50 euros.

La FFPP entend les revendications, la nécessaire prise en compte de la souffrance psychique des jeunes, la place des psychologues dans le dispositif et la reconnaissance de notre champ de compétences dans les sciences humaines, en dehors de toute paramédicalisation. Pour autant, il apparaît aujourd’hui nécessaire de faire le point avec les psychologues sur le terrain. Que veulent-ils ? Que pensent-ils de cette expérimentation ? Correspond-elle à une demande de la profession ? Dans ce sens, la FFPP lance un questionnaire auprès des psychologues pour connaître leur position.

Enquête FFPP Remboursement Consultation Psycho

Nous pouvons parier que cette expérimentation se révèlera positive pour la prise en charge des jeunes. Dans le contexte de l’expérimentation, il sera alors temps de s’inspirer du modèle des kinésithérapeutes pour réfléchir à de nouvelles modalités de prises en charge : le médecin formule le principe d’une demande mais ce sont les kinés qui évaluent le nombre de séances nécessaires.

Cet automne nous avons publié un communiqué intitulé : « Prise en charge des jeunes : ne nous trompons pas de combat » (Fédérer n°86, nov-déc 2016, p.9) : la formule reste d’actualité. Soyons optimistes et voyons là, dans le cadre de cette expérimentation, la possibilité du constat que le tout médical présente des limites et que les psychologues peuvent trouver leur place dans des prises en charge qui correspondent à leur niveau de compétences… qui reste encore trop méconnu des pouvoirs publics. Nous pouvons le regretter, mais lorsque la porte s’ouvre…

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