Avis CNCDP 2008-21

Année de la demande : 2008

Demandeur :
Psychologue (Secteur non précisé)

Contexte :
Procédure judiciaire entre psycho et patient/ tiers/ professionnel non psy

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Attestation

Questions déontologiques associées :

– Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels (identification du psychologue, du destinataire))
– Responsabilité professionnelle
– Secret professionnel (Compte rendu, écrit professionnel)
– Respect du but assigné

Dans la lettre du demandeur, il convient de distinguer les éléments qui relèvent du Code de Déontologie des Psychologues, de ceux qui relèvent de la procédure judiciaire.
Deux questions peuvent être ici traitées :
A)      Quelle forme doivent prendre les attestations produites par les psychologues ?
B)     Qu’en est-il du secret dans les écrits destinés à une procédure judiciaire ?

A)   La forme que doivent prendre les attestations produites par les psychologues

Tout professionnel peut établir une attestation à la demande d’une personne qui le consulte, attestation qui fait état d’une constatation établie dans le cadre de son exercice professionnel. L’article 14 du code précise : "Les documents émanant d’un psychologue (attestation, bilan, certificat, courrier, rapport, etc.) portent son nom, l’identification de sa fonction ainsi que ses coordonnées professionnelles, sa signature et la mention précise du destinataire. (…)"
Quant au contenu de cette attestation l’article 12 rappelle que : "le psychologue est seul responsable de ses conclusions."
Dans ce type d’attestation, le psychologue engage sa responsabilité professionnelle et sa probité. Ce type d’attestation porte généralement la mention « attestation remise à l’intéressé pour dire et faire valoir ce que de droit.

B) Qu’en est-il du secret dans les écrits communiqués lors d’une procédure judiciaire ?

Le code de déontologie dans son article 12 nous donne des indications quant à la façon dont un psychologue doit gérer ses comptes rendus notamment sur le plan de la confidentialité des données. La Commission estime que cet article s’applique à tous les écrits des psychologues, a fortiori aux attestations.
Article 12 : Le psychologue est seul responsable de ses conclusions. Il fait état des méthodes et outils sur lesquels il les fonde, et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver le secret professionnel. (…) Lorsque ces conclusions sont présentées à des tiers, elles ne répondent qu’à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire.

Enfin, le Titre 1/6 souligne à quel point le psychologue doit rester vigilant quant à l’utilisation qui peut être faite de ses écrits et ceci d’autant plus qu’il ne peut pas maîtriser cette utilisation : « Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions et à eux seulement. Tout en construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue doit donc prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent éventuellement en être faites par des tiers. »

 

Avis rendu le 10 janvier 2009
Pour la CNCDP
La Présidente
Anne Andronikof

 

Articles du code cités dans l’avis : articles 12, 14, Titre I,6.

Avis CNCDP 2007-13

Année de la demande : 2007

Demandeur :
Psychologue (Secteur Médico-Social)

Contexte :
Relations/conflit avec les partenaires des équipes institutionnelles

Objet de la demande :
Code de déontologie
Précisions :

Questions déontologiques associées :

– Secret professionnel (Définition du secret professionnel/réglementation)
– Secret professionnel (Travail d’équipe et partage d’information)
– Respect de la loi commune
– Reconnaissance de la dimension psychique des personnes
– Discernement

La commission développera deux questions :

  • Le psychologue est il soumis au secret professionnel ?
  • Respect de la loi ou  des règles déontologiques : quel choix pour le psychologue ?

Le psychologue est il soumis au secret professionnel ?

 

Le Code de déontologie des Psychologues est formel sur ce point :
Article 8 – « Le fait pour un psychologue d’être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou un statut à toute entreprise privée ou tout organisme public, ne modifie pas ses devoirs professionnels, et en particulier ses obligations concernant le secret professionnel et l’indépendance du choix de ses méthodes et de ses décisions. Il fait état du Code de Déontologie dans l’établissement de ses contrats et s’y réfère dans ses liens professionnels. »

Par ailleurs, la Commission rappelle que le secret professionnel est un élément d’ordre public, défini par la loi pénale, obligeant à son respect sous peine de sanction. Il vise à protéger les personnes et garantir la confiance des professionnels.

La violation du secret constitue une infraction pénale (article 226-13 du Code pénal ) : « La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui est dépositaire soit par état, soit par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15000 € d’amende. » On le voit bien, cet article ne dresse pas une liste limitative des personnes qui sont tenues au respect du  secret et les psychologues, ne serait-ce que par leurs fonctions, sont nécessairement concernés par cet article (voir annexe au présent avis).

Respect de la loi ou des exigences déontologiques : quel choix pour le psychologue ?

 

Le psychologue, comme tout citoyen, est soumis à la loi, comme il est rappelé à l’article 13 :
Article 13.  « Le psychologue ne peut se prévaloir de sa fonction pour cautionner un acte illégal, et son titre ne le dispense pas des obligations de la loi commune. »
Dans le cas présent la loi et le Code de déontologie imposent la même règle aux psychologues : le respect du secret professionnel. La loi s’impose d’ailleurs toujours au psychologue au delà de la seule question du secret professionnel, comme le précise cet article.

Cependant si le psychologue ne peut-être en deçà de la loi, ses positions éthiques peuvent le conduire au-delà de la loi et lui permettre d’offrir, aux personnes qu’il reçoit, des garanties supérieures à celles qu’elle prévoit.
Notre mission de reconnaître et de promouvoir la dimension psychique (article 3 : « La mission fondamentale du psychologue est de reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique »)  doit nécessairement aller au-delà de la loi, puisque celle-ci ne protège pas cette même dimension psychique.

Le cadre de cet « au-delà » auquel nous pouvons nous référer est le code de déontologie.
L’accès à l’intime nous oblige à la prudence et à la circonspection quant à l’utilisation des informations que nous recueillons et, dans tout les cas, à définir le cadre de nos restitutions.

Le psychologue doit mettre en œuvre sa capacité de discernement afin d’assurer le bien être maximal de l’usager. Ainsi est-il inscrit dans le préambule des Principes Généraux du Code au Titre 1 :
Préambule du Titre 1 La complexité des situations psychologiques s’oppose à la simple application systématique de règles pratiques. Le respect des règles du présent Code de Déontologie repose sur une réflexion éthique et une capacité de discernement, dans l’observance des grands principes [du Code]. 
Le travail en équipe entre professionnels doit conduire le psychologue à une réflexion éthique sur les informations qu’il est nécessaire de  partager avec ceux-ci, notamment en relation avec le caractère confidentiel de ces dites informations, et dans le respect des droits des usagers.

 Ainsi, il faut distinguer le point de vue du psychologue sur l’usager et les propos que celui-ci a tenu. Sauf cas particulier, ces propos sont soumis au secret professionnel.

 

Avis rendu le 6 mai 2008
Pour la CNCDP
La Présidente
Anne Andronikof

 

Articles du code cités dans l’avis : Titre I-1, articles 3, 8 et 13

 

ANNEXE

 

Il y aura violation du secret professionnel si les éléments suivants, fixés par la jurisprudence, sont réunis :

  • l’information divulguée de façon répréhensible doit être : « un secret confié » (ancien art. 378), une « information à caractère secret » selon l’art. 226-13 nouveau. Un secret, c’est donc un savoir protégé.

 

  • Le secret doit être professionnel ce qui signifie que l’agent doit être, de par son état ou sa profession, dépositaire de secret d’autrui qui lui ont été confiés en raison de sa qualité.

 

  • La révélation : Il doit y avoir eu révélation effective du secret dans un cas non prévu par la loi. La forme même de la révélation importe peu : orale, écrite, publique ou réalisée à l’égard d’une seule personne. Pour être punissable, elle doit être volontaire, peu importe la motivation de son auteur et le préjudice ressenti par la victime.

Avis CNCDP 2007-14

Année de la demande : 2007

Demandeur :
Psychologue (Secteur Santé)

Contexte :
Relations/conflit avec les médecins

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Saisie informatique de données psychologiques

Questions déontologiques associées :

– Respect de la personne
– Transmission de données psychologiques (Données informatisées)
– Compétence professionnelle (Formation (formation initiale, continue, spécialisation))
– Respect du but assigné
– Responsabilité professionnelle

La demande peut se décliner en deux points dont la Commission traitera :

  1. Le psychologue est-il tenu de (doit-il, peut-il) participer à l’établissement de diagnostics à l’aide d’une classification (CIM 10 ou autre) ?
  2. Le code correspondant au diagnostic peut-il être saisi sur une fiche informatique?

Le psychologue est-il tenu de (doit-il, peut-il) participer à l’établissement de diagnostics à l’aide d’une classification (CIM 10 ou autre)?

La règle déontologique à respecter ici est celle énoncée à l’article 5 du Code de déontologie des psychologues, qui leur fait obligation de n’intervenir professionnellement que dans leur domaine de compétence, et qui définit celle-ci comme étant liée à leur formation initiale et continue et leur expérience pratique.

Article 5 – Le psychologue exerce dans les domaines liés à sa qualification, laquelle s’apprécie notamment par sa formation universitaire fondamentale et appliquée de haut niveau en psychologie, par des formations spécifiques, par son expérience pratique et ses travaux de recherche. Il détermine l’indication et procède à la réalisation d’actes qui relèvent de sa compétence.

Ainsi, un psychologue peut s’estimer compétent et poser un diagnostic psychopathologique sous réserve qu’il ait reçu une formation clinique et acquis de l’expérience dans ce champ, suivant en cela l’un des principes généraux affirmé au Titre I, 2 du Code :
Titre I, 2 – Compétence.
(…) Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières et définit ses limites propres, compte tenu de sa formation et de son expérience. Il refuse toute intervention lorsqu’il sait ne pas avoir les compétences requises.
Il incombe donc à chaque psychologue de se déterminer quant à ses propres compétences.
Cela établi, la question se pose de savoir de quel type de diagnostic il s’agit, et sur quelles méthodes il s’appuie. Il est essentiel en effet que le psychologue reconnaisse comme valides les outils et concepts qu’il emploie, comme le prescrit l’article 18 du Code :
Article 18 – Les techniques utilisées par le psychologue pour l’évaluation, à des fins directes de diagnostic, d’orientation ou de sélection, doivent avoir été scientifiquement validées.

A noter que dans la situation présentée ici par le demandeur, il ne s’agit pas à proprement parler d’établir des diagnostics nosographiques puisque la demande de l’institution porte uniquement sur les codes « Z » et « R » de la nomenclature CIM 10 de l’Organisation Mondiale de la Santé (1). Bien que les codes Z et R ne soient pas centraux pour l’établissement d’un diagnostic par les psychologues, la Commission s’est saisie de la question plus générale du diagnostic suivant en cela la préoccupation du psychologue qui s’interroge sur les éventuelles demandes à venir.

En conclusion : l’attribution d’un ou plusieurs codes « Z » à un patient peut entrer dans les compétences d’un psychologue. Concernant l’attribution d’un code diagnostic proprement dit, la réponse du psychologue s’appuie d’une part sur sa compétence propre et d’autre part sur le caractère scientifiquement reconnu ou non de la classification et des méthodes utilisées.

Le code correspondant au diagnostic peut-il être saisi sur une fiche informatique ?

La Commission se placera ici au niveau hypothétique d’une demande qui porterait effectivement sur un diagnostic psychopathologique nosographique. Dans ce cas de figure, la question comporte plusieurs aspects qui touchent à des niveaux différents : (a) la question de l’informatisation de données concernant une personne ; (b) la question du contrôle de l’usage qui peut être fait de ces informations et (c) la responsabilité du psychologue.

a) L’informatisation de données concernant une personne.

Sur ce point, le Code rappelle dans son article 20 que toute informatisation concernant des renseignements personnels est soumise à la loi Informatique et Libertés.
Article 20 – Le psychologue connaît les dispositions légales et réglementaires issues de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. En conséquence, il recueille, traite, classe, archive et conserve les informations et données afférentes à son activité selon les dispositions en vigueur. Lorsque ces données sont utilisées à des fins d’enseignement, de recherche, de publication, ou de communication, elles sont impérativement traitées dans le respect absolu de l’anonymat, par la suppression de tout élément permettant l’identification directe ou indirecte des personnes concernées, ceci toujours en conformité avec les dispositions légales concernant les informations nominatives.

Il est nécessaire et important que le psychologue puisse rendre compte de son activité, cependant le fait de rendre compte peut être dissocié de la codification. L’introduction de dossiers-patients informatisés au sein des hôpitaux engage d’abord et avant tout la responsabilité du directeur de l’hôpital et de l’administration quant à la garantie de la confidentialité des fichiers. Le psychologue aurait tout intérêt à se renseigner sur ces garanties.

b) Contrôle de l’usage qui peut être fait de ces informations

Cette question concerne très directement le psychologue qui ne peut se dispenser de réfléchir à l’usage direct ou indirect, mais prévisible, qui peut être fait de ses avis et évaluations. C’est un principe général formulé au Titre I, 6 du Code.
Titre I, 6 – Respect du but assigné.
Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. Tout en construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue doit donc prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent éventuellement en être faites par des tiers.

Cet aspect est évidemment lié à la question de l’informatisation, mais il engage aussi le psychologue à réfléchir sur l’impact éventuel sur le sujet lui-même (le patient) d’un diagnostic, qu’il soit « codé » ou non, et d’autant plus si celui-ci est posé à l’insu du sujet. L’article 12 établit le droit de l’intéressé à prendre connaissance des résultats de l’évaluation dont il a fait l’objet.
Article 12 -Le psychologue est seul responsable de ses conclusions. Il fait état des méthodes et outils sur lesquels il les fonde, et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver le secret professionnel. Les intéressés ont le droit d’obtenir un compte-rendu compréhensible des évaluations les concernant, quels qu’en soient les destinataires. Lorsque ces conclusions sont présentées à des tiers, elles ne répondent qu’à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire.

c) La responsabilité du psychologue

La Commission rappelle que le psychologue a l’entière responsabilité de ses actes. Ainsi, tout professionnel, quel que soit son lieu d’exercice et le contrat qui le lie à son employeur ou à son client, est seul juge du choix de ses méthodes et de la manière dont il va retranscrire ses observations. Suivant ce principe, il peut s’abstenir d’utiliser un mode de saisie qu’il estimerait en désaccord avec la déontologie de sa profession, l’éthique ou la loi, comme le rappelle le Code, dans le Titre I, 3 et l’article 8 :
Titre I, 3 – Responsabilité
Outre les responsabilités définies par la loi commune, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Il s’attache à ce que ses interventions se conforment aux règles du présent Code. Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l’application des méthodes et techniques psychologiques qu’il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels.
Article 8 -Le fait pour un psychologue d’être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou un statut à toute entreprise privée ou tout organisme public, ne modifie pas ses devoirs professionnels, et en particulier ses obligations concernant le secret professionnel et l’indépendance du choix de ses méthodes et de ses décisions…
En réponse à cette seconde question de la saisie sur une fiche informatique, rien ne s’oppose donc à ce qu’un psychologue puisse enregistrer des codes correspondant à des diagnostics sur un support informatique, sous réserve expresse du respect des droits de la personne et d’une garantie de la confidentialité des données. Si ces conditions sont remplies et qu’il refuse cette tâche, il doit être prêt à en assumer les éventuelles conséquences (mise à l’index, réprobation, licenciement…).

La Commission estime enfin que, pourvu que l’ensemble des règles rappelées ci-dessus soient respectées, l’établissement d’un diagnostic psychopathologique fait partie des missions d’un psychologue qualifié et compétent dans ce domaine.
Avis rendu le 8 mars 2008

Pour la CNCDP
La Présidente
Anne Andronikof

Articles du code cités dans l’avis : Titre I, 2 ; I, 3 ; I, 6 ;  Articles 5, 8, 12, 18, 20

 

1 Les codes « R » répertorient les « Symptômes, signes et résultats anormaux d’examens cliniques et de laboratoire, non classés ailleurs (R00 – R99) ». Les codes « Z » concernent les « Facteurs influant sur l’état de santé et autres motifs de recours aux services de santé (Z00 – Z99) » tels que « risques d’ordre socio-psycho-économique », « difficultés liées au mode de vie », « surmenage, manque de repos », « difficultés liées à la dépendance » ou encore « besoin d’assistance ».

Avis CNCDP 2008-01

Année de la demande : 2008

Demandeur :
Psychologue (Secteur Libéral)

Contexte :
Questionnement professionnel personnel

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Transmission/ communication des écrits psychologiques à l’extérieur du service ou de l’institution

Questions déontologiques associées :

– Transmission de données psychologiques (Compte rendu aux parents)
– Transmission de données psychologiques (Compte rendu à des partenaires professionnels)
– Continuité de l’action professionnelle /d’un traitement psychologique
– Respect de la loi commune

Qu’en est-il de la transmission d’informations entre psychologues, notamment ceux situés à l’étranger

 

Le code de déontologie des psychologues français  dans son article 12 nous donne des indications quant à la façon dont un psychologue doit gérer ses comptes rendus notamment sur le plan de la confidentialité des données :

Article 12 : Le psychologue est seul responsable de ses conclusions. Il fait état des méthodes et outils sur lesquels il les fonde, et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver le secret professionnel. Les intéressés ont le droit d’obtenir un compte-rendu compréhensible des évaluations les concernant, quels qu’en soient les destinataires. Lorsque ces conclusions sont présentées à des tiers, elles ne répondent qu’à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. En l’occurrence aucune question n’est posée seule la transmission d’un résumé de la thérapie est sollicitée. Ainsi donc, le psychologue n’est pas fondé à transmettre les documents, puisque aucune question n’est posée.

Deux cas de figure se déclinent généralement autour de la transmission d’informations sur un patient ici supposé mineur.

  • Permettre aux parents d’accéder aux informations relatives à leur enfant.
  • Assurer entre pairs ou au sein d’une équipe la continuité d’une prise en charge

 

1. Permettre aux parents d’accéder aux informations relatives à leur enfant.

L’article 12 confirme que « Les intéressés ont le droit d’obtenir un compte rendu compréhensible des évaluations les concernant, quels qu’en soient les destinataires ».

Ainsi les parents représentants légaux ont le droit d’obtenir un compte rendu concernant leur enfant. Si ce principe général est intemporel il doit toutefois être nuancé par le contexte de la demande dont nous n’avons aucun élément (s’agit-il de parents séparés, ont-ils tous deux l’autorité parentale, y avait-il un accord des deux parents quant à la prise en charge thérapeutique etc.).

2. Assurer entre pairs ou au sein d’une équipe la continuité d’une prise en charge

L’éloignement géographique autorise à penser qu’un contact direct ne puisse être possible et qu’en conséquence la communication écrite soit une voie valide d’échange entre les parties.

  • Si ce résumé s’inscrit dans la perspective de la continuité de la prise en charge, le psychologue étranger doit poser une question précise à son collègue français.

Dans cette hypothèse la demande devrait être motivée et formulée directement par le psychologue étranger pour que, en conscience, le psychologue français décide du niveau d’information qu’il est susceptible de communiquer sans enfreindre le secret professionnel et dans l’intérêt du sujet.

  • S’il s’agit d’accéder au dossier de l’enfant, le psychologue doit demander le compte rendu à l’intéressé (le parent dans le cas d’un mineur), libre à lui de le transmettre au psychologue.

 

Quelles sont les lois françaises régissant la transmission de leur dossier aux usagers ?

En France, du fait qu’il n’existe pas d’instance légale de régulation interne pour les psychologues, on se réfère à la Loi en général.

La loi du 2 février 2002 prévoit la transmission du dossier à l’usager sur sa demande (Cf. documentation jointe en annexe) :
Cette loi cependant s’applique dans les établissements sanitaires et médico-sociaux et ne concerne pas l’exercice libéral qui, de ce point de vue, n’est pas réglementé. Le seul recours est du registre du Droit commun auprès des Tribunaux.
S’il s’agit d’un psychologue exerçant dans un établissement médico-social une demande peut être formulée et en cas d’échec un recours peut être instruit auprès du médiateur tel que le prévoit la loi 2002.2.

Avis rendu le 8 mars 2008
Pour la CNCDP
La Présidente
Anne Andronikof

Articles du code cités dans l’avis : Article 12

 

ANNEXE : Références légales relatives à la transmission de dossiers aux usagers

Références légales

  • Loi du 17 juillet 1978.
  • Loi du 12 avril 2000, art.19, alinéa 1.
  • Article 1187 du nouveau Code de procédure civile.
  • Loi du 4 mars 2002, code santé publique, art.L1 111-7, alinéa 1CR.
  • Code de la santé publique, article L. 1111-7, alinéa 4 (décret du 29 avril 2002, article 5).

Dossier administratif

Les conditions d’accès (p.37)
La loi du 17 juillet 1978reconnaît à toute personne qui le demande un droit d’accès aux informations détenues par l’administration. Ce droit à communication s’applique à des documents achevés. Le droit d’accès aux données personnelles est réservée aux seules personnes concernées (notion d’informations nominatives, d’où l’importance d’expurger des dossiers des informations concernant d’autres personnes).

Minoration de ce principe :

> Les mineurs n’ont accès au dossier qu’avec l’accord des détenteurs de l’autorité parentale.
> Les majeurs protégés ont accès au dossier et, s’ils sont sous tutelle, leur tuteur aussi.

Des préconisations
Les documents produits ou détenus par les associations financées par l’État ou les collectivités publiques qui n’ont pas délégation de service public n’ont pas le caractère de documents administratifs.
On peut cependant préconiser qu’ils soient traités conformément à la loi du 17 juillet 1978, en ce qui concerne les dossiers des personnes et leur droit d’accès, dans le double souci de cohérence du secteur et d’égalité de traitement de la personne accueillie ou accompagnée.

Les modalités d’accès (p.38)
La loi n’impose pas une procédure particulière mais conseille de présenter une demande écrite par lettre recommandée (loi du 12 avril 2000, art.19, alinéa 1).

> La consultation peut se faire sur place gratuitement, des copies peuvent être obtenues ou adressées.
> La loi ne prévoit pas qu’un accompagnement particulier soit réalisé lors de la communication du dossier personnel.

Des préconisations

Le fait qu’une personne formule sa demande de consultation par écrit limite les contestations et recours éventuels. Cette modalité incite les services à s’assurer qu’aucune information concernant un tiers n’est contenue dans le dossier.

Des préconisations

Un accompagnement est souhaitable. Du fait de la nature du contenu, ce type d’écrits peut être difficile à lire pour celui qui en est le sujet. L’accès au dossier dépasse le simple exercice d’un droit et ce n’est pas une démarche anodine.
L’accompagnement permet d’une part, de resituer l’écrit dans son contexte, d’expliciter des sigles, du vocabulaire, d’autre part de proposer à la personne un espace d’écoute et de parole pour discuter, contester, exprimer des affects ; le dossier est le support à l’échange avec le professionnel autour du projet.
Dans de nombreux services, les échanges et les discussions sur les écrits réalisés par le professionnel, sur le contenu du dossier personnel, font partie intégrante de l’accompagnement de la personne. Chaque fois que cela est possible, il est préférable que le dossier personnel soit une construction conjointe de la personne accueillie et des professionnels.

Dossier (documents) judiciaire

Les conditions d’accès (p.44)

Le cas particulier du dossier d’assistance Educative

Depuis le 1er septembre 2002, les familles(parents et mineurs dotés de la capacitéde discernement) peuvent accéder directementau dossier d’assistance éducative,et donc aux écrits des travailleurs sociaux,les concernant sans l’intermédiaire d’un avocat (cf. art. 1187 du nouveau Code de procédure civile) ceci dans le but de préparer leurdéfense.
Il s’agit là des dossiers qui sontmatériellement déposés dans les greffes des tribunaux.

Les modalités d’accès (p.45)
Les documents élaborés dans le cadred’une procédure judiciaire n’entrent pasdans le cadre de la loi du 17 juillet 1978 et ne sont communicables que par l’autoritéjudiciaire selon ses règles propres.

Avis CNCDP 2008-04

Année de la demande : 2008

Demandeur :
Psychologue (Secteur Social)

Contexte :
Relations/conflit avec la hiérarchie, l’employeur, les responsables administratifs

Objet de la demande :
Organisation de l’exercice professionnel
Précisions :
Dispositif institutionnel

Questions déontologiques associées :

– Respect de la loi commune
– Reconnaissance de la dimension psychique des personnes
– Autonomie professionnelle
– Responsabilité professionnelle
– Secret professionnel (Travail d’équipe et partage d’information)
– Information sur la démarche professionnelle
– Consentement éclairé
– Respect du but assigné
– Spécificité professionnelle

La Commission ne peut se prononcer sur l’existence d’une faute professionnelle, sa mission étant de ne considérer la pratique d’un psychologue que sous l’angle déontologique. Le Code de déontologie rappelle toutefois (article 13) que le titre de psychologue ne « le dispense pas des obligations de la loi commune ». Le psychologue doit donc tenir compte des liens de subordination inhérents au cadre de travail dans lequel il s’inscrit. Lorsqu’il est salarié, il peut se référer à son contrat de travail, ou aux textes qui définissent son cadre d’exercice, pour préciser les rapports hiérarchiques auxquels il est soumis. Il peut chercher conseil auprès des organisations professionnelles de psychologues.

En regard de la situation présentée, la commission  traitera des points suivants :
– L’autonomie et la responsabilité professionnelle des psychologues
– Le  travail en équipe
– L’information et le consentement éclairé des usagers

1- L’autonomie et la responsabilité professionnelles des psychologues

 Le Code de déontologie rappelle très clairement la mission fondamentale des psychologues ainsi que leur autonomie et leur responsabilité professionnelles pour la mettre en œuvre, quel que soit leur cadre de travail :

Article 3 «  La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique. Son activité porte sur la composante psychique des individus, considérés individuellement ou collectivement »

Titre I-3  – « … Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l’application des méthodes et techniques psychologiques qu’il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels »

Article 8 « le fait pour un psychologue d’être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou un statut à toute entreprise privée ou tout organisme public ne modifie pas ses devoirs professionnels, et en particulier ses obligations concernant le secret professionnels et l’indépendance du choix de ses méthodes et de ses décisions. Il fait état du Code de Déontologie dans l’établissement de ses contrats et s’y réfère dans ses liens professionnels »

La formation du psychologue lui permet de comprendre la dynamique et les enjeux psychiques des situations relationnelles dans lesquelles il est appelé à intervenir, elle lui permet également de comprendre la portée pratique et symbolique de ses interventions. Il lui incombe donc de décider de leur pertinence et de leur opportunité, dans les limites de son cadre d’intervention.

 2- Le travail en équipe

Si le psychologue est indépendant quant au choix de ses méthodes et de ses conclusions, il  doit toutefois tenir compte du fait que ses interlocuteurs, patients ou collaborateurs, n’ont pas les éléments d’analyse et de compréhension dont il dispose, il doit donc tenir compte des points d’incompréhension et des malentendus qui peuvent en résulter.
Lorsque l’analyse que fait un psychologue le conduit à formuler des conclusions sur une situation, il lui revient de les transmettre aux intéressés et aux autres membres du réseau professionnel de la façon la plus adaptée pour qu’elles soient comprises.

Article 12 : « le psychologue est responsable de ses conclusions. Il fait état des méthodes et des outils sur lesquels il les fonde, et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs de manière à préserver le secret professionnel. Les intéressés on le droit d’obtenir un compte rendu compréhensible des évaluations les concernant, quels qu’en soit le destinataires. Lorsque ces conclusions sont présentées à des tiers, elles ne répondent qu’à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. »

De plus, il ne peut négliger, lorsqu’il travaille en équipe, d’analyser le processus de groupe auquel il participe nécessairement. Le Code n’aborde pas directement cet aspect parfois conflictuel de l’activité des psychologues, si ce n’est dans l’article 6 :

Article 6 « Le psychologue fait respecter la spécificité de son exercice et son autonomie technique. Il respecte celles des autres professionnels ».

Lorsqu’il travaille en équipe, le psychologue doit pouvoir analyser et prendre en compte la dynamique des relations au sein du réseau de travail pour ne pas s’isoler et se trouver pris dans un conflit de groupe.
Le titre I-2 rappelle  que le psychologue doit se former en permanence tout au long de son parcours professionnel :
Titre I,2 «  Le psychologue tient ses compétences de connaissances théoriques régulièrement mises à jour, d’une formation continue et d’une formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui…»

 

3-  L’information et le consentement éclairé des usagers

D’après la psychologue, la  famille n’est encore pas prête à reconnaître les problèmes de l’enfant, or l’orientation de celui-ci en service spécialisé est déjà  évoquée sur un document qui circule entre  tous les partenaires du réseau. La psychologue ne précise pas exactement  pourquoi elle a demandé à voir le document avant sa diffusion. On peut supposer que c’est pour vérifier en quels termes les évaluations portant sur l’enfant seront transmises éventuellement à la famille.
Le Code rappelle qu’un psychologue doit  effectivement se préoccuper de la manière dont ses interventions ou ses conclusions peuvent être utilisées  :
Titre I,6 : « …Tout en construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue doit donc prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent éventuellement en être faites par des tiers »Le Code rappelle aussi l’importance pour un psychologue, de s’assurer du consentement des personnes qui le consultent
Article 9 : « Avant toute intervention le psychologue s’assure du consentement de ceux qui le consultent ou participent à une évaluation… »

Cela peut-être un argument pour la psychologue, afin de convaincre ses collègues que l’efficacité d’une mesure psychologique ou éducative dépend beaucoup de la compréhension et du consentement de ceux qu’elles concernent.

Avis rendu le  9 mai 2008
Pour la Commission,
La Présidente,
Anne Andronikof


Articles du Code cités dans l’avis : Titre I-2, I-3, I-6, articles 3 , 6,  8, 9, 12, 13

Avis CNCDP 2008-07

Année de la demande : 2008

Demandeur :
Psychologue (Secteur Médico-Social)

Contexte :
Relations/conflit avec la hiérarchie, l’employeur, les responsables administratifs

Objet de la demande :
Organisation de l’exercice professionnel
Précisions :
Dispositif institutionnel

Questions déontologiques associées :

– Responsabilité professionnelle
– Confidentialité (Confidentialité du contenu des entretiens/ des échanges)
– Transmission de données psychologiques (Compte rendu à un service administratif)
– Écrits psychologiques (Archivage (conservation des documents psychologiques au sein des institutions : dossiers, notes personnelles, etc.))
– Secret professionnel (Obligation du secret professionnel)
– Respect de la personne

Par rapport aux questions posées, la CNCDP se propose d’examiner les deux points suivants :

  • Transmission et traçabilité des actes du psychologue
  • Transmission d’informations relatives au suivi des usagers

En effet, la Commission estime nécessaire de distinguer ce qui relève de l’activité du psychologue de ce qui relève du suivi de chaque usager. Une chose est de faire état du travail effectué dans le temps imparti à son institution, une autre est de transmettre des données sur le contenu de ce même travail.

1-  Transmission et traçabilité des actes du psychologue
En effet, la Commission estime nécessaire de distinguer ce qui relève de l’activité du psychologue de ce qui relève du suivi de chaque usager. Une chose est de faire état du travail effectué dans le temps imparti à son institution, une autre est de transmettre des données sur le contenu de ce même travail.
Le psychologue, dans l’exercice de sa profession, ne peut se soustraire aux obligations qui le lient à son employeur, à savoir, rendre compte de son activité dans le cadre de son temps de travail.
Ainsi, la Commission considère que faire le point sur les objectifs fixés concernant les patients et indiquer le nombre de rendez-vous sur l’année fait partie du contrat dans lequel le psychologue est engagé avec son établissement (public ou privé) ; prévoir les objectifs à venir également.
Ce qui n’amène en rien le psychologue à transgresser le secret professionnel auquel il est tenu, comme l’indique l’article 8 du Code :
Article 8.  «  Le fait pour un psychologue d’être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou un statut à toute entreprise privée ou tout organisme public, ne modifie pas ses devoirs professionnels et en particulier ses obligations concernant le secret professionnel et l’indépendance du choix de ses méthodes et de ses décisions. Il fait état du Code de Déontologie dans ses contrats et s’y réfère dans ses liens professionnels ».

 Il est important de distinguer le contenu des entretiens, qui doit rester confidentiel, des éléments que le psychologue peut transmettre sans déroger à ce principe, dans le cadre de la demande d’une « traçabilité ».  A cet effet, concernant la fiche à remplir sur demande de l’administration, il semblerait plus approprié de parler de « bilan d’intervention du psychologue » que de « bilan psychologique ». 

  • Transmission d’informations relatives au suivi des usagers

 

La garantie du secret professionnel, évoquée dans l’article 8, est mentionnée dès le Titre I-1 (Respect des droits de la personne) :
Titre I-1. « Le psychologue préserve la vie privée des personnes en garantissant le respect du secret professionnel, y compris entre collègues. Il respecte le principe fondamental que nul n’est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même ».

En ce qui concerne la transmission d’informations, l’article 12  donne quelques indications :
Article 12. « Le psychologue est seul responsable de ses conclusions. [ …] Lorsque ces conclusions sont présentées à des tiers, elles ne répondent qu’à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire ».

Ainsi par exemple, des échanges entre professionnels sont, le plus souvent, indispensables dans l’intérêt de la personne suivie, afin de définir des priorités, préciser des modalités d’intervention, coordonner les actions.
Ces échanges ou leur trace écrite doivent toujours se faire en ne transmettant que ce qui est strictement nécessaire à la compréhension de la situation et à la bonne coordination des interventions, dans le respect et la confidentialité du contenu du suivi psychologique.
Un autre point est à considérer, celui de l’avenir et de l’utilisation des écrits concernant chaque usager, en référence à la protection de la confidentialité des informations nominatives. Il s’agit ici de considérer plutôt la protection de l’usager face aux demandes croissantes d’une « traçabilité » de toutes les activités. L’article 20 rappelle les dispositions légales en matière d’anonymisation des données pour leur utilisation ultérieure et leur archivage.
Article 20. « Le psychologue connaît les dispositions légales et règlementaires issues de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. En conséquence, il recueille, traite, classe, archive et conserve les informations et données afférentes à son activité selon les dispositions en vigueur. Lorsque ces données sont utilisées à des fins d’enseignement, de recherche, de publication ou de communication, elles sont impérativement traitées dans le respect absolu de l’anonymat par la suppression de tout élément permettant l’identification directe ou indirecte des personnes concernées, ceci toujours en conformité avec les dispositions légales concernant les informations nominatives ».

En conclusion,  la Commission estime que les psychologues sont en mesure de répondre à la demande de leur service, tout en restant vigilants à ne communiquer que les éléments strictement nécessaires à la continuité des actions entreprises auprès de chaque usager. Il est de la responsabilité du psychologue de discerner ce qui peut être transmis de manière à préserver le secret professionnel.

 

Avis rendu le 6 septembre 2008

Pour la CNCDP
La Présidente
Anne Andronikof

 

Articles du code cités dans l’avis : Titre I, 1 ; articles 8, 12, 20.

Avis CNCDP 2008-10

Année de la demande : 2008

Demandeur :
Psychologue (Secteur Santé)

Contexte :
Procédure judiciaire entre un psychologue et son employeur

Objet de la demande :
Organisation de l’exercice professionnel
Précisions :
Fonctions du psychologue/ Fiche de poste

Questions déontologiques associées :

– Abus de pouvoir (Abus de position)
– Spécificité professionnelle
– Secret professionnel (Obligation du secret professionnel)
– Code de déontologie (Statut du Code, finalité, légalisation, limites)
– Autonomie professionnelle
– Reconnaissance de la dimension psychique des personnes
– Responsabilité professionnelle
– Mission (Compatibilité des missions avec la fonction, la compétence, le Code de déontologie, dans un contexte professionnel donné)
– Confidentialité (Confidentialité des locaux)
– Évaluation (Évaluation de personnes liées au psychologue (personnellement ou professionnellement))
– Consentement éclairé

La Commission ne peut être saisie que de questions portant sur la déontologie des psychologues, celles relevant du droit du travail devant être traitées par d’autres instances. La différenciation de ces deux plans, dont la demandeuse a conscience, n’est pas toujours aisée pour les psychologues en situation conflictuelle avec leur hiérarchie.
En réponse aux questions posées, la commission traitera des points suivants

  1. La validité légale du Code de déontologie des psychologues
  2. Les missions et les conditions d’exercice des psychologues
  3. Le positionnement d’un psychologue lors d’une action  en justice

 

 

  1. La validité  légale du Code de déontologie des psychologues

Le Code de déontologie des psychologues a été adopté en 1996 par la grande majorité des organisations de psychologues. Comme le précise son préambule :
Préambule – « (…) Le présent code de déontologie est destiné à servir de règle professionnelle aux hommes et aux femmes qui ont le titre de psychologue, quels que soient leur mode d’exercice et leur cadre professionnel. Sa finalité est avant tout de protéger le public et les psychologues contre les mésusages de la psychologie. Les organisations professionnelles signataires du présent Code s’emploient à le faire connaître et respecter. Elles apportent dans cette perspective, soutien et assistance à leurs membres (…) »

L’article 8 du Code demande à chaque psychologue  de faire explicitement état du Code de déontologie dans l’établissement de ses contrats et de ses relations professionnelles.
Article 8. « Le fait pour un psychologue d’être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou un statut à toute entreprise privée ou tout organisme public, ne modifie pas ses devoirs professionnels, et en particulier ses obligations concernant le secret professionnel et l’indépendance du choix de ses méthodes. Il fait état du Code de déontologie dans l’établissement de ses contrats et s’y réfère dans ses liens professionnels »

Il est donc tout à fait légitime et nécessaire qu’un psychologue fasse référence à son Code de déontologie dans l’exercice de ses fonctions
Le Code de déontologie des psychologues n’a pas encore de reconnaissance légale, toutefois il fait référence depuis maintenant douze ans au sein de la profession et  commence à faire jurisprudence au sein des tribunaux.

 

 

 

  1. Les missions et les conditions d’exercice des psychologues

Les psychologues ont une formation universitaire et professionnelle spécifique. Leur statut professionnel n’est pas celui d’auxiliaires médicaux, mais celui de cadres techniques dans les différents services où ils exercent. Ce sont des professionnels autonomes et responsables.
Article 5 : « Le  psychologue exerce dans les domaines liés à sa qualification, laquelle s’apprécie notamment par sa formation universitaire fondamentale et appliquée de haut niveau en psychologie, par des formations spécifiques, par son expérience pratique et ses travaux de recherche. Il détermine l’indication et procède à la réalisation d’actes qui relèvent de  sa compétence »

De nombreux articles du Code précisent les missions et les conditions d’exercice de leur profession. En référence à la lettre de la demandeuse, nous citerons en particulier :
– La mission fondamentale des psychologues
Article 3 : « la mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique. Son activité porte sur la composante psychique des individus considérés isolément ou collectivement »
Au sein d’une équipe de soins pluridisciplinaire, la mission du psychologue est  donc de soutenir et de faire reconnaître la personne  qui se trouve derrière le patient, quels que soient les problématiques ou les handicaps dont il souffre.
L’autonomie et la responsabilité professionnelle des psychologues
Lorsqu’un  psychologue estime que son autonomie professionnelle n’est pas suffisamment reconnue par sa hiérarchie, il doit faire la part de ce qui relève de l’organisation du service (les dates de réunion, les plannings, par exemple…) et de ce qui relève du contenu spécifique de son travail  et de sa fiche de poste (groupes de parole, courrier, contenu des entretiens…). Le Code précise en effet :
Titre I-3 : « Outre les responsabilités définies par la loi commune, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Il s’attache à ce que ses interventions se conforment aux règles du présent Code. Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l’application des méthodes et techniques psychologiques qu’il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels »
Si un psychologue se trouve dans la situation où ses indications thérapeutiques ne sont pas prises en compte dans les projets de soin des malades, il faut qu’il en fasse clairement état lors des réunions de service en prévenant des risques encourus par les patients, afin que la direction prenne ses responsabilités en tout état de cause.
Face au risque de rupture du contrat de travail, le Code précise, dans le titre I-7, que «  Le psychologue ne peut aliéner l’indépendance nécessaire à l’exercice de sa profession sous quelque forme que ce soit ».

– La spécificité du travail des psychologues
Article 6 : « Le psychologue fait respecter la spécificité de son exercice et son autonomie technique. Il respecte celle des autres professionnels »
Article 7 : «  Le psychologue accepte les missions qu’il estime compatible  avec ses compétences, sa technique, ses fonctions … »

Le remplacement de certains professionnels d’une institution en faisant appel au psychologue  peut se justifier dans certains cas, mais il doit être précisé par la direction que c’est à titre dérogatoire et non permanent, et sur justification (par exemple pour assurer la sécurité des patients).
Du point de vue du psychologue, la distinction entre son rôle spécifique et la participation à la vie de l’institution doit faire l’objet d’une réflexion. Assurer ponctuellement des tâches utiles à la collectivité (surveillance du ménage ou organisation de la tournée du minibus) n’a pas la même incidence sur l’accompagnement des patients que  remplacer les AMP auprès d’eux, avec la confusion des rôles qui peut en résulter. C’est à chaque psychologue d’analyser la situation, d’une part en tenant compte des obligations de son contrat  de travail et des relations professionnelles qu’il implique, et d’autre part en faisant respecter sa fonction  sans se désolidariser de la vie de l’institution.
Autrement dit, le psychologue apporte à un service des compétences spécifiques  qu’il met en œuvre en toute autonomie dans le cadre du projet d’établissement et en collaboration avec les autres professionnels.

– Les conditions de travail qui permettent au psychologue de respecter et faire respecter le secret professionnel
Le Code est très clair sur la nécessité pour un psychologue de disposer d’un bureau où il puisse recevoir les personnes en toute confidentialité et entreposer  des documents de travail qui sont sous sa responsabilité personnelle et relèvent du secret professionnel ( notes personnelles, protocoles de tests non élaborés, etc.)
Article 15 : «  Le psychologue dispose sur le lieu de son exercice professionnel d’une installation convenable, de locaux adéquats pour permettre le respect du secret professionnel, et de moyens techniques suffisants en rapport avec la nature de ses actes professionnels et des personnes qui le consultent »

3- Le positionnement d’un psychologue lors d’une action en justice
La commission traitera la question qui lui est posée par la demandeuse au sujet de ce qu’elle peut dire ou écrire sur la directrice de l’établissement lors du procès aux  prud’hommes sous deux angles : a) La différenciation des places  lors d’une action en justice et b) Les règles concernant les évaluations faites par un psychologue

a) La différenciation des places  lors d’une action en justice
Se jugeant victime de préjudices du fait de son employeur, un psychologue, en tant que salarié,  peut porter plainte et témoigner devant un tribunal des faits qu’il reproche à son employeur.
Il ne peut, dans le même temps, se positionner dans un  rôle de psychologue qui lui permettrait  d’émettre un diagnostic d’ordre professionnel, ce qu’il peut faire dans des attestations professionnelles lorsqu’il est sollicité par des tiers ou mandaté comme expert par un tribunal.
Le début de l’article 11, d’application plus générale, peut cependant servir de guide à propos de cette question : «  Le psychologue n’use pas de sa position à des fins personnelles (…) »

b) Les règles concernant les évaluations faites par un psychologue

Le psychologue ne peut évaluer une personne à laquelle il serait personnellement lié. La fin de l’article 11 précise en effet : « Le psychologue n’engage pas d’évaluation ou de traitement impliquant des personnes auxquelles il serait déjà personnellement lié. »
En l’occurrence, le lien entre la demandeuse et la directrice de l’établissement est d’ordre professionnel et non privé, mais tout lien personnel d’un psychologue avec la personne qu’il évalue est susceptible de biaiser l’évaluation.
En tout état de cause, le psychologue doit toujours s’assurer du consentement de la personne évaluée  :
Article 9 : « Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement de ceux qui le consultent ou participent à une évaluation… Il les informe des modalités, des objectifs et des limites de son intervention (…) »

Un psychologue, engagé à titre personnel dans une action auprès d’un tribunal, peut  donc s’exprimer librement à titre privé, mais ne peut en aucun cas faire état d’une évaluation  psychologique diagnostique de la personne à laquelle il est opposé, que ce soit par écrit ou oralement.

Avis rendu le 6 septembre 2008
Pour la CNCDP
La Présidente
Anne Andronikof

Articles du code cités dans l’avis : Préambule du Code, Titre I-3, I-7, articles 3, 5, 6, 7, 8 9, 11, 15

Avis CNCDP 2007-08

Année de la demande : 2007

Demandeur :
Psychologue (Secteur Médico-Social)

Contexte :
Questionnement professionnel personnel

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Témoignage en justice

Questions déontologiques associées :

– Secret professionnel (Levée du secret professionnel)
– Compétence professionnelle (Formation (formation initiale, continue, spécialisation))
– Respect de la loi commune
– Mission (Distinction des missions)
– Mission (Compatibilité des missions avec la fonction, la compétence, le Code de déontologie, dans un contexte professionnel donné)
– Traitement équitable des parties
– Respect de la personne

La commission répondra aux questions de la demandeuse en les regroupant en trois points :

  • la  levée du secret professionnel
  • l’intime conviction
  • la distinction des missions

La levée du secret professionnel

 

L’article 13 du Code de Déontologie donne réponse à cette question : « Le psychologue ne peut se prévaloir de sa fonction pour cautionner un acte illégal, et son titre ne le dispense pas des obligations de la loi commune. Conformément aux dispositions de la loi pénale en matière de non assistance à personne en danger, il lui est donc fait obligation de signaler aux autorités judiciaires chargées de l’application de la Loi toute situation qu’il sait mettre en danger l’intégrité des personnes. Dans le cas particulier où ce sont des informations à caractère confidentiel qui lui indiquent des situations susceptibles de porter atteinte à l’intégrité psychique ou physique de la personne qui le consulte ou a celle d’un tiers, le psychologue évalue en conscience la conduite à tenir, en tenant compte des prescriptions légales en matière de secret professionnel et d’assistance à personne en danger. Le psychologue peut éclairer sa décision en prenant conseil auprès de collègues expérimentés. »

Or, la loi commune, en la matière, s’énonce dans les  articles 226-13 et 226-14 du Code Pénal :

 

CP Article 226-13
La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

CP Article 226-14
L’article 226-13 n’est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n’est pas applicable :
1º À celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique. (…)

La Commission estime que, dans cette situation, même si le danger imminent est écarté du fait de la mise sous protection de la personne concernée, un danger potentiel existe toujours.
De plus, conformément au Titre I-1 du Code de Déontologie, concernant le respect des droits des personnes : « Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. »

En conséquence, la Commission considère que la psychologue, placée devant une telle situation, peut et même doit lever le secret professionnel.

L’intime conviction

Dans l’audition que sollicite le juge, il appartiendra à la psychologue de discerner ce qui relève de l’analyse psychologique issue d’une position professionnelle, et ce qui relève de l’intime conviction issue d’un témoignage éclairé mais liée par la subjectivité de sa relation à sa patiente. La commission fera référence ici au Titre I-2 du Code de Déontologie : « Le psychologue tient ses compétences de connaissances théoriques régulièrement mises à jour, d’une formation continue et d’une formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui. »


La distinction des missions

Si le juge sollicite les résultats d’un bilan psychologique, la commission estime que la psychologue est alors confrontée à une mission d’expertise.
Or, la Commission considère que la relation thérapeutique établie par la psychologue avec cette patiente ne lui permet pas d’accepter une telle mission, en référence à l’article 4 du Code : « Il (le psychologue) peut remplir différentes missions qu’il distingue et fait distinguer », d’autant que, comme le précise l’article 9 : « dans les situations d’expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties ».

Toutefois, si un expert est nommé, la commission estime que la psychologue peut lui communiquer, sous réserve de l’accord de la personne concernée, les éléments qu’elle estime utiles à la compréhension de la situation.

 

Avis rendu le 24 mars 2007
Pour la CNCDP
La Présidente
Anne Andronikof

 

Articles du code cités dans l’avis : Titres I-1, I-2, Articles 4, 9, et 13

Avis CNCDP 2007-09

Année de la demande : 2007

Demandeur :
Psychologue (Secteur Santé)

Contexte :
Questionnement professionnel personnel

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Assistance aux victimes

Questions déontologiques associées :

– Reconnaissance de la dimension psychique des personnes
– Mission (Distinction des missions)
– Mission (Distinction des missions)
– Compétence professionnelle (Formation (formation initiale, continue, spécialisation))
– Responsabilité professionnelle
– Autonomie professionnelle

En préalable, la CNCDP rappelle la responsabilité du psychologue à travers son autonomie professionnelle, affirmée dans les principes généraux du Code de déontologie (Titre I-3) :
Titre I-3. « Outre les responsabilités définies par la loi commune, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Il s’attache à ce que ses interventions se conforment aux règles du présent Code. Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l’application des méthodes et techniques psychologiques qu’il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels. »
En effet, ce Titre I-3 pose les bases de l’essentiel des points que la commission se propose d’aborder pour répondre à cette demande d’avis :

        • Acceptation des missions
        • Distinction et respect des missions, conditions de leur réalisation

Quant à la question sur la réquisition d’un psychologue, qui ne concerne pas directement la déontologie, elle sera traitée en annexe.

Acceptation des missions

La décision d’accepter ou de refuser une mission est guidée par trois articles du Code : les articles 3, 5 et 7.
Article 3 « La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique. »
L’article 5 nous indique que les notions de qualification et de compétence sont fondamentales.
Article 5. « Le psychologue exerce dans les domaines liés à sa qualification, laquelle s’apprécie notamment par sa formation universitaire fondamentale et appliquée de haut niveau en psychologie, par des formations spécifiques, par son expérience pratique (…).Il détermine l’indication et procède à la réalisation d’actes qui relèvent de sa compétence. »
L’article 7 précise que : « le psychologue accepte les missions qu’il estime compatibles avec ses compétences, sa technique, ses fonctions »

Ainsi l’autonomie professionnelle du psychologue lui donne la possibilité de décider, en fonction de chaque situation particulière et en fonction de sa qualification professionnelle, s’il est de sa compétence et de l’intérêt de la personne de répondre à une demande d’intervention ou de déterminer comment y répondre.

Dans la situation présentée, on relève trois missions différentes qui seraient confiées au psychologue : celle qui consiste à « accompagner » l’enfant pendant l’audition, celle qui consiste à évaluer la fiabilité de l’audition, et celle qui demande la réalisation d’un « bilan ». Chacune sera traitée séparément.

1) L’accompagnement de l’enfant
En ce qui concerne l’accompagnement du psychologue pour les auditions de mineurs, on peut considérer que l’intervention du psychologue dans la salle d’audition se justifie pleinement dans un registre clinique : accueillir l’enfant, répondre à ses questions, « veiller à une prise en compte de sa souffrance (…) le sécuriser », et aussi repérer d’éventuels signes de malaise, d’angoisse ou de détresse de l’enfant (ce qui pourrait éventuellement amener le psychologue à demander le report de l’audition) sont bien des éléments de prise en compte de sa dimension psychique. En ce sens, c’est une mission qui s’inscrit en conformité avec l’article 3 du code de déontologie des psychologues (supra).

2) L’évaluation de la fiabilité de l’audition
Concernant la mission éventuelle d’évaluation de la « fiabilité des déclarations reçues », le psychologue doit s’interroger sur les compétences nécessaires à cette mission : analyser la qualité de l’interrogatoire (par exemple questions inductives, phénomènes de contamination, etc.) et la maturité affective et cognitive de l’enfant. Si le psychologue estime avoir la compétence pour évaluer ces deux aspects de l’audition, il peut remplir cette mission. Si ce n’est pas le cas, étant entendu que recueillir la parole de l’enfant dans ce contexte relève d’une formation spécialisée, il doit refuser cette mission.
Rappelons en effet ici le Titre I-2 du Code :
Titre I-2 «(…) chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières et définit ses limites propres, compte tenu de sa formation et de son expérience. Il refuse toute intervention lorsqu’il sait ne pas avoir les compétences requises ».
Quoi qu’il en soit, il ne s’agit en aucun cas de la recherche de preuves, qui concerne exclusivement l’instruction judiciaire. 

3) Le bilan
Les articles du code précédemment cités s’appliquent bien entendu aussi à la mission de réaliser un bilan avec l’enfant. Toutefois, cette mission vient s’inscrire dans un contexte particulier, celui de l’audition de police, et nécessite plus ample réflexion. Nous la développons au chapitre qui suit.

Distinction et respect des missions, conditions de leur réalisation

            Outre les 2 missions déjà évoquées,  une troisième mission, celle de « bilan » est abordée, dans le protocole. Il est important de distinguer la mission d’observation et d’évaluation de l’audition elle-même, d’une part de la mission de « bilan », et d’autre part d’une mission d’expertise. L’importance de la distinction des missions et de leur respect est affirmée à l’article 4 du Code :
Article 4. « [le psychologue] peut remplir différentes missions qu’il distingue et fait distinguer, comme (…), l’évaluation, l’expertise (…) ».
Il est effectivement fondamental que la distinction entre cette mission et une mission d’expertise soit clairement définie. 
L’évaluation psychologique d’une victime se fait généralement dans le cadre d’une mission d’expertise qui nécessite la désignation par le juge d’un expert par une ordonnance de commission d’expertise, assortie d’une mission explicite.
Il est de la responsabilité du psychologue de s’interroger sur les conditions dans lesquelles elle est réalisée. Par exemple, une évaluation psychologique qui serait faite juste avant ou juste après une audition de police, serait préjudiciable à la qualité de l’examen psychologique et à l’objectivité du psychologue et risquerait d’augmenter la détresse de l’enfant.
En outre, un tel bilan ne peut se faire que s’il s’accompagne d’un entretien avec l’enfant, au cours duquel seront abordés nécessairement les questions relatives aux allégations. Ace titre, il réintroduirait ce que précisément la loi essaie d’éviter, à savoir la multiplication des relations (au sens de « relater »). En tout état de cause, un tel bilan ne devrait jamais avoir lieu avant l’audition de police.
Un examen psychologique ne doit pas être assimilé à un examen médical, qui lui est justifié « à chaud » ou dans l’urgence.
Effectuer un bilan dans ce contexte paraît contraire à l’éthique professionnelle des psychologues : il s’agit là d’une situation où le psychologue possède la compétence requise, mais estime que cet acte n’est pas indiqué dans ces circonstances et à ce moment précis de la vie de l’enfant. L’article 5 déjà cité stipule que le psychologue « détermine l’indication ». Par exemple, dans ce cas précis, il s’interroge sur le moment opportun.

Conclusion
Concernant l’audition elle-même, à condition de préciser les missions qui lui sont imparties dans ce protocole et d’estimer avoir une compétence dans ce domaine, un psychologue peut, sans déroger au Code de déontologie, participer au protocole (y compris écrire un rapport sur la « fiabilité » bien comprise).
Concernant le « bilan » éventuellement demandé, il risque effectivement, comme l’a pressenti la psychologue qui saisit la commission, d’être contre-productif par rapport à la nécessaire expertise de la victime.

Avis rendu le 8 mars 2008
Pour la CNCDP
La Présidente
Anne Andronikof

Articles du code cités dans l’avis : Titres I-2 , I-3 ; articles 3, 4, 5, 7

 

ANNEXE : Réquisition d’un psychologue

Il n’existe pas de texte spécifique concernant la réquisition des psychologues. La plupart des textes renvoient aux professionnels de santé et principalement les médicaux et paramédicaux. Par ailleurs, nous pouvons nous appuyer sur les textes de la fonction publique en général, qui prévoient les réquisitions en situations exceptionnelles. Celles-ci doivent être formulées par le Préfet ou son représentant local. Dans tous les cas, l’ordre de réquisition doit être notifié par écrit. S’il n’est pas exécuté, l’agent s’expose à des sanctions disciplinaires lourdes.
Dans la situation évoquée, il ne semble pas qu’il s’agisse d’une réelle réquisition, mais bien plutôt d’une organisation de service, pour répondre à une nouvelle mission.

Avis CNCDP 2006-13

Année de la demande : 2006

Demandeur :
Psychologue (Secteur Travail)

Contexte :
Questionnement professionnel personnel

Objet de la demande :
Organisation de l’exercice professionnel
Précisions :
Dispositif institutionnel

Questions déontologiques associées :

– Accès libre au psychologue
– Consentement éclairé
– Responsabilité professionnelle

La Commission retient les axes de réflexion suivants :
– Déontologie et rencontre prescrite avec le psychologue
– Secret professionnel et information de l’absence d’un consultant

  1. Déontologie et rencontre prescrite avec le psychologue

Un dispositif qui rend obligatoire l’accès au psychologue et demande de signaler la présence ou l’absence de l’usager au rendez-vous, constitue- t’elle, ou non, une entrave au libre choix de consultation des demandeurs d’emploi ?
Le Titre I-3 (Responsabilité) du Code de déontologie des Psychologues rappelle la double obligation pour eux de se soumettre à la loi commune et de respecter le Code :
« Outre les responsabilités définies par la loi commune, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Il s’attache à ce que ses interventions se conforment aux règles du présent Code… »
Le Titre I-1 du code (Respect des droits de la personne) précise :
« …Toute personne doit pouvoir s’adresser directement et librement à un psychologue…. »

Le libre accès au psychologue n’est possible que si le non-accès n’est pas sanctionné. Dans le cas proposé à la réflexion, le dispositif prévoit un accès prescrit chez le psychologue, et rendu obligatoire, les psychologues ne peuvent modifier la prescription qui est faite aux usagers.
Les psychologues ont plusieurs réponses possibles, au regard de la déontologie de leur profession :
– Refuser de travailler dans un dispositif de ce type, puisque certains points du Code ne peuvent pas être appliqués, ou
– Accepter de travailler dans le dispositif en mettant tout en œuvre pour que les usagers soient en mesure d’avoir un consentement le plus « éclairé » possible lorsqu’ils rencontreront le psychologue, ce qui implique :
a) que le psychologue interroge l’institution sur la qualité des informations reçues par les usagers dès l’accueil dans le dispositif, notamment celles concernant les objectifs et les conditions de la rencontre prévue avec eux, ainsi que les risques encourus à ne pas honorer le rendez-vous.
b) que le psychologue, lorsqu’il reçoit l’usager, permette, voire aide la personne à reformuler sa compréhension du dispositif, présente sa mission et les buts poursuivis, explique ce qu’il fera des informations qu’il va recueillir et les garanties qu’il peut fournir.

Le Titre I-1 déjà cité poursuit :
« (…) Il (le psychologue) n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées.»
Il appartient donc au psychologue de solliciter ce consentement en resituant le demandeur d’emploi dans une position d’acteur.
2- Secret professionnel et information de l’absence d’un consultant
La communication de la présence ou de l’absence à un rendez-vous avec un psychologue entraîne- t’elle un non respect des règles relatives à la confidentialité et au secret professionnel ?
L’article 8 du Code rappelle en effet :
« Le fait pour un psychologue d’être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou un statut à tout entreprise privée ou tout organisme public ne modifie pas ses devoirs professionnels, et en particulier ses obligations concernant le secret professionnel. »
Dans le cas proposé à la réflexion, il ne s’agit pas de révéler le contenu des échanges entre le psychologue et le demandeur d’emploi, il s’agit de signaler à l’ANPE si le demandeur d’emploi s’est rendu ou non aux convocations qui lui ont été fixées. Le secret professionnel n’est donc pas directement en cause.

Conclusion
Si le dispositif dans lequel sont reçus des usagers rend impossible une libre rencontre avec le psychologue, il appartient à celui-ci d’obtenir le consentement des personnes qui le consultent en les informant des modalités, des objectifs et des limites de son intervention car son titre (de psychologue) ne le dispense pas des obligations attachées au contrat qui le lie à l’institution où il travaille.


Avis rendu le 03/03/07
Pour la CNCDP
La Présidente
Anne Andronikof