Monsieur Frank Bellivier, Délégué ministériel santé mentale et psychiatrie, est intervenu au Sénat et dans l’Express[1] pour évoquer son « projet » pour les psychologues. Un projet qui invite à un certain nombre de commentaires et positions.
Il s’agirait selon Frank Bellivier, de « Donner aux patients qui en ont besoin accès à des ressources très précieuses : les interventions psychologiques pour eux, avec une expertise reconnue et validée » en considérant que « les psychologues apportent une valeur ajoutée importante au parcours de soins des malades psychiatriques » : mais une expertise validée par qui ? Selon quel processus ? Quid de la pluralité des approches ? Quid l’autonomie du psychologue dans le choix et l’application de ses modes d’intervention ?
Les psychologues craindraient, selon Frank Bellivier, « une remise en cause du titre unique, ainsi que l’objectif de ‘paramédicaliser’ la profession » dès lors que la formation des psychologues cliniciens serait placée, pour la conception de ses programmes et du mode de validation de celle-ci, sous la tutelle du Ministère de la Santé. Le titre unique réglementé (qui n’intègre d’ailleurs pas la notion de «neuropsychologue » que mentionne F. Bellivier) auquel nous sommes attachés, y compris dans le cadre de ses spécialisations internes, relève bien du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche et la compétence du psychologue relève d’une expertise universitaire construite dans le cadre de diplômes fondés sur la recherche au sein du champ des sciences humaines et sociales et non du Ministère de la Santé.
Monsieur Frank Bellivier estime qu’« On ne peut pas demander à un psychologue du travail ou de l’éducation de mener des psychothérapies pour des patients porteurs d’une schizophrénie ». L’accès à Monsoutienpsy a nécessité un dispositif de sélection basé sur la formation et l’expérience en psychologie clinique et pathologique dès lors que le conventionnement était ouvert à tous les psychologues en titre. Pour la Ffpp, le caractère sélectif de formations localisées pour des prises en charge spécialisées ne peut relever de la forme proposée par Frank Bellivier pour répondre aux besoins du territoire pour les pathologies plus lourdes.
L’organisation de la formation poserait problème puisque « les étudiants [en psychologie] doivent se débrouiller seuls pour trouver un lieu d’accueil, avec parfois de grandes difficultés », et cette formation de terrain se ferait « de manière un peu informelle, sans objectifs pédagogiques précis »… : rappelons d’une part que le stage permettant l’accès au titre est rigoureusement encadré par les universités sur base d’un arrêté spécifique qui définit de façon précise ses conditions d’objectifs pédagogiques, d’encadrement et d’évaluation ; d’autre part ne doit-on pas interroger la responsabilité de l’état qui n’offre pas la possibilité d’accueillir les étudiants dans le cadre de la réglementation sur la rémunération des stages (« gratification ») explicitement prévue par la réglementation ? Il est indispensable d’obliger les hôpitaux (et au-delà, les fonctions publiques) à un quota de stagiaires « gratifiés » pour les 500 h de master prévu par la réglementation.
Nous enregistrons avec satisfaction l’avis de Frank Bellivier selon lequel « Un ordre n’est ni nécessaire ni suffisant pour répondre aux enjeux » ; de fait « les patients peuvent déjà vérifier que les praticiens sont bien inscrits auprès du RPPS, le répertoire partagé des professionnels de santé (ex-répertoire Adeli), sous l’égide des Agences régionales de santé. ». Nous confirmons que « l’hypothèse d’un ordre ne semble pas une hypothèse opportune » pour strictement traiter la question de l’exercice libéral des psychologues, ni pour y adjoindre par rebond la question de la régulation de la déontologie qui concerne toute la profession. Mais nous attendons un positionnement fort et effectif de la part des politiques, face à la PPL portée par certains élus en faveur d’un ordre sans concertation avec l’ensemble des organisations représentatives des psychologues.
La position de la FFPP ? La FFPP a participé aux discussions avec le Ministère de la Santé concernant l’élaboration du dispositif Monsoutienpsy, et aux discussions visant l’allongement des études avec le MESR.
Concernant Monsoutienpsy, nous n’avons cessé d’œuvrer pour faire évoluer un dispositif insatisfaisant sous sa forme initiale. Nous observons que nos demandes ont participé à aboutir à l’augmentation du tarif, du nombre de séances et à l’abrogation de l’adressage par le médecin. Le travail n’est pas fini : il reste à échanger sur les critères d’inclusion, qui demeurent flous et inadaptés au travail du psychologue en libéral.
Concernant l’allongement des études, nous avons soutenu le principe d’un allongement de la formation dans le cadre du titre unique, et ce, indépendamment et avant Montiensoutienpsy. Mais c’est dans ce cadre que toute réflexion doit se poursuivre. Elle doit impliquer la formation des psychologues qui œuvrent dans le champ de la santé (qui ne se réduit pas à l’hôpital) dont l’exercice libéral n’est qu’une composante. Les questions relatives aux dispositions propres au libéral, avec son cadre spécifique, tel que traité dans le dispositif Monsoutienpsy, doit rester distincte des questions relatives au statut des psychologues de la Fonction Publique Hospitalière dont la compétence est attestée par le processus de concours qui permet leur recrutement.