La commission répondra aux questions de la demandeuse en les regroupant en trois points :
- la levée du secret professionnel
- l’intime conviction
- la distinction des missions
La levée du secret professionnel
L’article 13 du Code de Déontologie donne réponse à cette question : « Le psychologue ne peut se prévaloir de sa fonction pour cautionner un acte illégal, et son titre ne le dispense pas des obligations de la loi commune. Conformément aux dispositions de la loi pénale en matière de non assistance à personne en danger, il lui est donc fait obligation de signaler aux autorités judiciaires chargées de l’application de la Loi toute situation qu’il sait mettre en danger l’intégrité des personnes. Dans le cas particulier où ce sont des informations à caractère confidentiel qui lui indiquent des situations susceptibles de porter atteinte à l’intégrité psychique ou physique de la personne qui le consulte ou a celle d’un tiers, le psychologue évalue en conscience la conduite à tenir, en tenant compte des prescriptions légales en matière de secret professionnel et d’assistance à personne en danger. Le psychologue peut éclairer sa décision en prenant conseil auprès de collègues expérimentés. »
Or, la loi commune, en la matière, s’énonce dans les articles 226-13 et 226-14 du Code Pénal :
CP Article 226-13
La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
CP Article 226-14
L’article 226-13 n’est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n’est pas applicable :
1º À celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique. (…)
La Commission estime que, dans cette situation, même si le danger imminent est écarté du fait de la mise sous protection de la personne concernée, un danger potentiel existe toujours.
De plus, conformément au Titre I-1 du Code de Déontologie, concernant le respect des droits des personnes : « Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. »
En conséquence, la Commission considère que la psychologue, placée devant une telle situation, peut et même doit lever le secret professionnel.
L’intime conviction
Dans l’audition que sollicite le juge, il appartiendra à la psychologue de discerner ce qui relève de l’analyse psychologique issue d’une position professionnelle, et ce qui relève de l’intime conviction issue d’un témoignage éclairé mais liée par la subjectivité de sa relation à sa patiente. La commission fera référence ici au Titre I-2 du Code de Déontologie : « Le psychologue tient ses compétences de connaissances théoriques régulièrement mises à jour, d’une formation continue et d’une formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui. »
La distinction des missions
Si le juge sollicite les résultats d’un bilan psychologique, la commission estime que la psychologue est alors confrontée à une mission d’expertise.
Or, la Commission considère que la relation thérapeutique établie par la psychologue avec cette patiente ne lui permet pas d’accepter une telle mission, en référence à l’article 4 du Code : « Il (le psychologue) peut remplir différentes missions qu’il distingue et fait distinguer », d’autant que, comme le précise l’article 9 : « dans les situations d’expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties ».
Toutefois, si un expert est nommé, la commission estime que la psychologue peut lui communiquer, sous réserve de l’accord de la personne concernée, les éléments qu’elle estime utiles à la compréhension de la situation.
Avis rendu le 24 mars 2007
Pour la CNCDP
La Présidente
Anne Andronikof
Articles du code cités dans l’avis : Titres I-1, I-2, Articles 4, 9, et 13