Au vu de la demande et des pièces jointes, la Commission se propose de traiter les points suivants :
- La responsabilité professionnelle du psychologue dans une équipe pluridisciplinaire,
- Le secret professionnel et la prudence des écrits dans un dossier patient,
Le Code pose un cadre de règles de conduites sur la pratique du psychologue, c’est ce qui est rappelé en frontispice.
Préambule : […] Le présent Code de déontologie est destiné à servir de règle aux personnes titulaires du titre de psychologue […]
Le psychologue est recruté en qualité de cadre, ce statut ne remet pas en cause le secret professionnel mais peut garantir la liberté et l’autonomie du psychologue dans sa pratique et le respect du code de déontologie.
Certaines exigences du milieu professionnel rendent nécessaires pour le psychologue en poste, une réflexion sur son positionnement professionnel et les modalités de son exercice. C’est en effet l’articulation entre ces exigences du cadre d’intervention et les préconisations déontologiques propres au psychologue qui doit être pensée pour parvenir à exercer dans les meilleures conditions possibles au sein d’équipes pluridisciplinaires.
Comme dans la situation proposée, certains services de médecine ou de chirurgie sont attentifs à l’impact émotionnel, pour les patients, des hospitalisations et ont ouvert des possibilités de rencontres ou de prises en charge psychologique en leur sein, le temps de l’hospitalisation. Le psychologue est alors un acteur de santé, au même titre que les autres intervenants médicaux et paramédicaux.
Pourtant, l’exercice de la psychologie demande au psychologue d’être vigilant à faire respecter les spécificités de sa mission comme le rappelle l’article 4 du code de déontologie
Les actions du psychologue hospitalier sont destinées aux patients mais aussi souvent aux équipes. Il échange avec les différents intervenants et les sensibilise avec précaution aux problématiques psychiques des patients.
Pour autant, lorsque le psychologue fait partie d’une équipe multidisciplinaire, l’échange doit se limiter aux informations strictement nécessaires à la prise en charge. L’article 8 du code de déontologie appelle à la vigilance du psychologue sur la nécessité de ne transmettre aux autres professionnels que les informations strictement nécessaires, le dossier médical ayant entre autre pour finalité la mise en commun pluri-professionnel des différents examens d’un patient.
L’objectif principal de l’établissement d’un dossier de soin pour un patient est de pouvoir rassembler en un seul document, des données ou des résultats permettant une coordination dans un parcours de soins. La question de la confidentialité de ces données et de la préservation du secret professionnel étant au cœur de ces outils, des dispositions règlementaires ont été établies, notamment pour le dossier médical informatisé : les éléments ou informations qui ne proviennent pas de professionnels de santé et qui n’ont pas directement de relation avec le soin ou la prise en charge ne sont pas requis impérativement. Il est important pour le psychologue d’avoir une nécessaire réflexion quant à l’apport d’informations cliniques dans le dossier si celles-ci ne sont pas en lien direct avec les soins.
Principe 6 :
Respect du but assigné : Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers.
Ainsi, dans le cas d’un écrit destiné à être transmis à différents intervenants, ce qui est le cas dans un dossier patient, l’article 17 du Code engage le psychologue à faire preuve de prudence et à rechercher le consentement de l’intéressé.
Dans la situation rapportée, les informations cliniques transmises synthétisent en quelques phrases le contenu des entretiens et une proposition de suivi ultérieur est évoquée. Le compte rendu d’hospitalisation comportant la « conduite à tenir » à la sortie et le suivi psychologique faisant partie de l’offre de soin dans cette structure, il peut paraître pertinent que la psychologue informe l’équipe de ce projet de suivi en externe. En revanche, l’information à la patiente de l’existence de ce dossier partagé et l’explication de son intérêt dans la prise en charge aurait pu permettre d’éviter que la demandeuse ressente ce sentiment qu’elle qualifie de « viol de son intimité ». En cas de réticence à cette transmission, la psychologue aurait pu alors faire le choix d’une contribution encore plus laconique dans le dossier afin de respecter la confidentialité des échanges.
Par ailleurs, les interventions du psychologue semblent ne pas avoir fait l’objet d’une rubrique dédiée dans le logiciel de dossier informatisé. Cette contrainte technique ne va pas sans poser problème puisqu’elle rend confus le statut du rédacteur. L’ajout de la mention « suivi psycho » ne permet que partiellement de palier ce flou quant à la qualité du rédacteur.
Article 21 : Le psychologue doit pouvoir disposer sur le lieu de son exercice professionnel […] de moyens techniques suffisants en rapport avec la nature de ses actes professionnels et des personnes qui le consultent.
De plus, l’article 1 du Code précise que le psychologue doit faire état de son titre.
Dans la présente situation, les documents édités et remis à la demandeuse ne font état que du nom et de la mention « suivi psycho » au sein de la catégorie « cadre de santé ».
Ces considérations techniques n’empêchent pas de réfléchir à la nécessaire confidentialité des rencontres telle qu’évoquée dans l’article 7 du code de déontologie
- Continuité de la prise en charge : changement de cadre et poursuite du suivi
Des dispositifs d’accueil de personnes en situations de fragilité ponctuelle se créent avec en leur sein des prises en charge qui se veulent globales, incluant une dimension psychologique. Dans ces conditions il n’est pas rare qu’un psychologue s’entretienne avec une personne sur court un laps de temps. Selon les éléments d’appréciation retenus lors de ces échanges, il peut faire des préconisations de poursuite de prise en charge psychologique qui ne peut s’effectuer dans ce dispositif d’accueil momentanée. Le cadre dans lequel exerce le psychologue constitue ici une des limites de son intervention comme l’y invite le principe 4 :
Principe 4 :
Rigueur […] Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail.
Dans la situation présente, la demandeuse s’étonne que l’avis de poursuite de prise en charge ait été émis 8 jours avant sa sortie effective de l’établissement, les interventions ayant cessées 5 jours auparavant. Les éléments d’appréciation évoqués plus hauts peuvent avoir conduit la psychologue à établir cette proposition. Souvent, suite à une situation aigue, les manifestations psychologiques subsistent et nécessitent un soutien sinon un suivi psychologique.
Il appartient à la psychologue d’accompagner la personne et d’organiser avec elle les modalités de relai de la prise en charge psychologique tout en laissant le libre choix du psychologue. L’engagement et l’implication de la personne sont alors requis afin que la poursuite s’amorce dans les meilleures conditions.
Le psychologue peut avoir à la fois une activité libérale et une activité salariée. C’est manifestement le cas de la psychologue rencontrée par la demandeuse dans cet établissement. Ces deux modes parallèles d’exercice ne contreviennent pas à la déontologie du psychologue. Il appartient alors au psychologue de bien préciser les limites et contours de ses interventions. Cette information a semble-t-il été délivrée par la psychologue.
Par ailleurs l’exercice libéral appelle un encadrement différent de la tarification. Il est important que la personne soit précisément informée des émoluments qu’elle devra verser.
Le fait de remettre ses coordonnées professionnelles, s’il a été mal perçu par la demandeuse peut néanmoins être posé comme un acte d’information de la psychologue, libre à la demandeuse ensuite de s’en saisir.
Pour la CNCDP
La Présidente
Sandrine Schoenenberger