Avis CNCDP 2012-03

Année de la demande : 2012

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Attestation

Questions déontologiques associées :

– Abus de pouvoir (Abus de position)
– Diffusion de la psychologie
– Discernement
– Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels (identification du psychologue, du destinataire))
– Écrits psychologiques (Statut des écrits professionnels (différences entre attestation privée et professionnelle, compte rendu, expertise, etc.))
– Information sur la démarche professionnelle
– Mission (Distinction des missions)
– Probité
– Respect du but assigné

Voir document joint

Avis CNCDP 2012-02

Année de la demande : 2012

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Attestation

Questions déontologiques associées :

– Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale
– Compétence professionnelle
– Discernement
– Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels (identification du psychologue, du destinataire))
– Évaluation (Relativité des évaluations)
– Information sur la démarche professionnelle
– Respect de la personne
– Traitement équitable des parties
– Transmission de données psychologiques (Compte rendu aux parents)

voir document joint

 

Avis CNCDP 2013-23

Année de la demande : 2013

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Compte rendu

Questions déontologiques associées :

– Autonomie professionnelle
– Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale
– Compétence professionnelle (Formation (formation initiale, continue, spécialisation))
– Discernement
– Évaluation (Évaluation de personnes que le psychologue n’a pas rencontrées)
– Évaluation (Relativité des évaluations)
– Impartialité
– Information sur la démarche professionnelle (Explicitation de la démarche aux usagers /clients ou patients (avant ou/ et en cours d’intervention))
– Mission (Distinction des missions)
– Probité
– Responsabilité professionnelle

A la lecture du courrier de la demandeuse et des pièces jointes, la Commission se propose de développer les problématiques suivantes :

  • L’intervention d’un psychologue auprès d’un mineur et l’implication des parents,

  • La responsabilité professionnelle du psychologue,

  • La rigueur et la prudence du psychologue dans la production d’écrits,

  • La compétence du psychologue.

  1. L’intervention d’un psychologue auprès d’un mineur et l’implication des parents

Préalablement à toute intervention, le psychologue s’efforce de recueillir le consentement éclairé de la personne qui le consulte. Cette démarche inclut une information sur l’intervention que le psychologue propose.

Article 9 : Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités et des limites de son intervention, et des éventuels destinataires de ses conclusions.

Lorsque le psychologue reçoit des enfants en entretien, il doit aussi s’assurer du consentement éclairé des détenteurs de l’autorité parentale. Quand celle-ci est exercée par les deux parents, leur consentement est nécessaire, comme précisé dans l’article 11 du Code :

Article 11 : L’évaluation, l’observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent […] le consentement des détenteurs de l’autorité parentale ou des représentants légaux.

Dans des avis précédents, la Commission a pu expliquer que le consentement d’un seul des deux parents pouvait suffire dans les cas de consultation unique pour un conseil ou une évaluation, comme c’est le cas ici. Toutefois, dans le contexte présent de conflit parental, le seul consentement du père, sans information de la mère, risquerait d’exacerber le conflit.

Le psychologue précise dans son compterendu qu’il reste ouvert à la rencontre avec la mère si cette dernière en émet la demande. Néanmoins, les articles 9 et 11 (cités ci-dessus) mentionnent que c’est au psychologue de s’assurer du consentement « avant toute intervention ».

  1. La responsabilité professionnelle du psychologue

Dans la situation présentée, le psychologue qui exerce en libéral a été, par sa qualité de psychologue, membre d’honneur d’une association de défense des droits des pères.

Ces fonctions peuvent être menées en parallèle, mais le principe 3 précise qu’il est de la responsabilité du psychologue de les distinguer et de les faire distinguer :

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

(…) Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement (…) des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer.

Ainsi, lorsqu’un psychologue reçoit un enfant et son parent dans l’objectif d’effectuer un examen psychologique, il doit distinguer cet examen de son activité associative présente ou passée. Les exigences d’intégrité et de probité précisées dans le principe 5 interdisentau psychologue d’utiliser les situationsprofessionnellespour défendre des causes relevant d’engagements personnels.

Principe 5 : Intégrité et probité

Le psychologue a pour obligation de ne pas exploiter une relation professionnelle à des fins personnelles, […] ou en vue de tout autre intérêt idéologique.

Dans cette perspective, il est de sa compétence de veiller, autant que possible, à éviter toute partialité dans ses interventions.

Principe 2 : Compétence

(…) Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il [le psychologue] fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité.

Dans la situation présente d’évaluation psychologique d’un enfant pris dans un conflit parental, la rencontre avec un seul des parents n’est pas un obstacle à la partialité si le psychologue agit avec rigueur et prudence.

  1. La prudence du psychologue dans la production d’écrits

L’article 17 du code de déontologie recommande la prudence dans la rédaction des conclusions transmises à un tiers :

Article 17 : Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée (…)

La prudence des écrits est encore plus sensible dans les situations dans lesquelles la personne n’a pas été entendue comme c’est le cas ici.

Article 13 : Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même.

Si le compte rendu précise bien que la mère n’a pas été entendue, on peut s’étonner des faits rapportés la concernant, et surtout du parallèle effectué entre des faits défavorables qui lui sont attribués et des faits favorables attribués au père.

De même, puisque le psychologue préconise une enquête sociale et psychologique, on peut s’interroger sur les prises de positions ultérieures concernant le suivi psychologique de l’enfant et son mode de garde. La prudence voudrait que ces deux points soient exprimés en termes de pistes à explorer plutôt qu’en termes de solutions.

D’une manière générale, le Code préconise une prudence de la part du psychologue lorsque celui-ci rédige ses conclusions, et ce d’autant plus lorsque l’écrit va servir dans un contexte judiciaire de décision du mode de garde d’un enfant.

Article 25 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes.

  1. La compétence du psychologue

Le psychologue non spécialiste des affaires familiales est-il compétent pour réaliser une évaluation d’enfant ?

Le principe 2 du code de déontologie pose que les compétences du psychologue relèvent d’une formation initiale conditionnée par la loi relative à l’usage professionnel du titre de psychologie et d’une formation tout au long de la vie :

Principe 2 : Compétence

Le psychologue tient sa compétence :

– de connaissances théoriques et méthodologiques acquises dans les conditions définies par la loi relative à l’usage professionnel du titre de psychologue ;

– de la réactualisation régulière de ses connaissances ; (…)

L’article 44 de la loi n°85-772 du 25 juillet 1985, modifiée par l’ordonnance n°2010-177 du 23 février 2010 – art. 14, relatif à l’usage professionnel du titre de psychologue, définit le statut de psychologue en référence aux diplômes obtenus et enregistrés (Décret n°2005-97 du 3 février 2005 – art. 1). Ceci suppose que la formation initiale suivie confère au psychologue les compétences requises pour assurer les différentes missions auxquelles il peut être confronté.

Ceci est précisé dans l’article 37 du code de déontologie, selon lequel la formation de psychologue est constituée d’un socle diversifié de compétences :

Article 37 : L’enseignement présente les différents champs d’étude de la psychologie, ainsi que la pluralité des cadres théoriques, des méthodes et des pratiques, (…)

De plus, l’article 3 évoque un large panel de compétences pratiques du psychologue :

Article 3 : Ses interventions en situation individuelle, groupale ou institutionnelle relèvent d’une diversité de pratiques telles que l’accompagnement psychologique, le conseil, l’enseignement de la psychologie, l’évaluation, l’expertise, la formation, la psychothérapie, la recherche, le travail institutionnel. (…)

Toutefois, si le titre de psychologue garantit un socle de compétences suffisamment large, le psychologue doit actualiser régulièrement ses connaissances relatives à sa pratique professionnelle.

Pour la CNCDP

La Présidente

Claire SILVESTRE-TOUSSAINT

Avis CNCDP 2013-22

Année de la demande : 2013

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Compte rendu

Questions déontologiques associées :

– Accès libre au psychologue
– Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale
– Discernement
– Impartialité
– Respect du but assigné
– Transmission de données psychologiques (Compte rendu aux parents)

Étant donné les éléments fournis par la demandeuse, la Commission décide de développer les points suivants :

– Technique et déontologie de l’évaluation psychologique,

– Prise en compte par le psychologue des différentes parties dans un contexte de conflit parental,

– Le psychologue, interlocuteur des parents.

1. Technique et déontologie de l’évaluation psychologique

A première vue, la demandeuse questionne l’évaluation du psychologue davantage sur le plan de la méthode que sur le plan déontologique. L’allusion à un « compte rendu rapide » semble renvoyer au fait que l’examen proprement dit de l’enfant a eu lieu lors d’une séance unique.

Dans la mesure où le Code émet des recommandations déontologiques, il n’y figure pas d’indication particulière concernant le nombre de séances nécessaires à une évaluation de l’état psychologique d’une personne. Si, comme cela est écrit dans les principes généraux du Code, « La complexité des situations psychologiques s’oppose à l’application automatique de règles », on peut en dire autant de la diversité des contextes et des motifs d’examen psychologique. C’est au psychologue d’apprécier ces facteurs situationnels et personnels au moment où il arrête ses choix concernant le temps et les techniques appropriés à une évaluation donnée. Cette adaptation à chaque situation particulière relève de sa responsabilité et de son autonomie.

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l’application des méthodes et techniques qu’il conçoit et met en oeuvre et des avis qu’il formule.

L’organisation d’un examen psychologique visant à évaluer l’état psychiqued’une personne doit répondre à des exigences précisées dans le Code, concernant les techniques mises enœuvre.

Article 24 : Les techniques utilisées par le psychologue à des fins d’évaluation, de diagnostic, d’orientation ou de sélection, doivent avoir été scientifiquement validées et sont actualisées.

D’autres exigences concernent les précautions à prendre pour que l’évaluation, ni dans son organisation ni dans ses conclusions, n’enferme ou ne fige la personne dans la représentation que le cadre d’intervention du psychologue contribue à faire émerger. Cette recommandation est encore plus justifiée lorsqu’il s’agit d’enfantsdont le développement, n’ayant pas atteint sa maturité, est sujet à des évolutions particulièrement importantes.

Article 25 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes.

Un deuxième aspect de cette partie de la demande concerne le reproche fait au psychologue d’avoir sous-estimé le « rôle du père » dans les difficultés repérées chez l’enfant. Hypothèse qui selon la demandeuse n’a pas été envisagée par le psychologue. Dans un tel contexte de conflit parental, le psychologue doit faire preuve de rigueur et présenter ses conclusions en tenant compte des deux parties concernées, tout en restant centré sur l’intérêt de l’enfant.

    1. 2. La prise en compte par le psychologue des différentes parties dans un contexte de conflit parental

Si l’on reste près des formulations choisies par la demandeuse, celle-ci reproche au psychologue d’avoir reçu son fils sans son accord.

On peut lire dans le Code que le consentement des détenteurs de l’autorité parentale est une exigence pour la prise en charge « au long cours » d’un mineur.

Article 11 : L’évaluation, l’observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l’autorité parentale ou des représentants légaux.

Si l’on suit l’article 11, le consentement des deux parents, requis pour une intervention longue auprès d’un enfant mineur, ne l’est pas obligatoirement pour une intervention ponctuelle, comme c’est le cas ici. Cela ne signifie pas que le psychologue ne doit pas y recourir, mais que dans la plupart des cas l’intervention ponctuelle n’engage pas l’enfant dans un processus susceptible d’influer sur son évolution psychologique.Cela dit, du point de vue du parent non consulté, c’est le traitement équitable des parties qui est en jeu. A cet égard, il est rappelé dans l’article 14 du Code, que toute personne qui s’estime lésée par une évaluation a la possibilité et le droit de demander une contre-évaluation. Le psychologue confronté à un parent qui n’accepte pas son évaluation pourrait lui faire la recommandation prescrite par l’article 14.

Article 14 : Dans toutes les situations d’évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue informe les personnes concernées de leur droit à demander une contre évaluation.

On gardera à l’esprit néanmoins que soumettre un enfant à des évaluations psychologiques répétées n’est pas recommandé et peut être vécu comme une expérience difficile. Il est de la responsabilité des parents de s’interroger sur ce qui est en jeu dans leur demande d’évaluation de leur enfant. La frontière est parfois mince entre la volonté de parvenir à une « vérité » sur la santé mentale de l’enfant, et le désir pour un parent de gagner dans le bras de fer qui l’oppose à l’autre parent. Dans un cas c’est l’intérêt de l’enfant qui prévaut, dans l’autre c’est l’intérêt des parents. Les deux ne convergeant pas nécessairement, il est de la responsabilité du psychologue de prendre en compte le contexte à l’origine d’une demande de consultation pour un enfant. Il est aussi de sa compétence de ne pas céder aux pressions tout en faisant preuve d’impartialité :

Principe 2 : Compétence

(…) Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité.

3. Le psychologue, interlocuteur des parents

La demandeuse reproche au psychologue de ne pas l’avoir contactée pour lui fournir des précisions concernant son fils.

Dans le prolongement du point précédent, on pourrait concevoir que le psychologue, même s’il ne demande pas l’autorisation d’examiner l’enfant à l’un des deux parents, prenne l’initiative de l’interroger ou de l’entendre pour compléter son information sur la situation de cet enfant. Là encore, rien ne s’oppose dans le Code à une telle démarche. Mais en faire une règle reviendrait à assimiler l’examen psychologique d’un enfant, demandé par un parent, à une expertise, ce qui n’est pas le but assigné à cette intervention du psychologue.

Principe 6 : Respect du but assigné

Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations possibles qui pourraient en être faite par des tiers.

Le psychologue s’efforce de parvenir, dans la relation à la personne, à une compréhension de son fonctionnement et de ses souffrances psychiques, dans un cadre défini et adapté à cet objectif.

Par ailleurs, la demandeuse attendait du psychologue qu’il l’informe des constats inquiétants auxquels l’avait conduit l’examen de son fils. Dans le Code, cette fonction d’alerte et de protection des personnes que le psychologue doit assurer dans son exercice professionnel est évoquée à l’article 19.

Article 19 : (…) Dans le cas de situations susceptibles de porter atteinte à l’intégrité psychique ou physique de la personne qui le consulte ou à celle d’un tiers, le psychologue évalue avec discernement la conduite à tenir en tenant compte des dispositions légales en matière de secret professionnel et d’assistance à personne en péril (…)

Cela dit, l’article fait référence aux situations de danger dans lesquelles la protection d’une personne exigerait l’intervention rapide des servicesconcernés, l’initiative du psychologue étant tournée vers ces services. La situation évoquée ici n’est pas de cette nature, le psychologue en rédigeant son compte rendu pour un des parents joue son rôle d’information à l’entourage de l’enfant sur les perturbations qu’il a cru percevoir dans le comportement de ce dernier. Si ce compte rendu est utilisé dans une procédure judiciaire il sera porté à la connaissance de l’autre parent et d’un juge, ce qui rendra possible, le cas échéant, toute mesure de protection.

Enfin, la demandeuse rapporte que le psychologue n’a pas donné suite à ses demandes répétées de le rencontrer. Le refus d’un psychologue de rencontrer, dans un cadre professionnel, une personne qui le lui demande est difficilement compatible avec l’esprit et la lettre du Code. Selon le Code en effet, l’accès libre et direct à un psychologue est un droit de la personne.

Principe 1 : Respect des droits de la personne

(…) [Le psychologue] s’attache à respecter l’autonomie d’autrui et en particulier ses possibilités d’information, sa liberté de jugement et de décision. Il favorise l’accès direct et libre de toute personne au psychologue de son choix. (…)

Mais il y a des circonstances dans lesquelles un psychologue juge qu’il n’est pas opportun de rencontrer une personne qui le sollicite. Dans ce cas il s’efforce de réunir les conditions d’une relation respectueuse à la personne en expliquant à celle-ci les raisons de son refus de la rencontrer.

Pour la CNCDP

La Présidente

Claire Silvestre-Toussaint

Avis CNCDP 2013-21

Année de la demande : 2013

Demandeur :
Particulier (Tiers)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Courrier professionnel

Questions déontologiques associées :

– Compétence professionnelle (Reconnaissance des limites de sa compétence, orientation vers d’autres professionnels)
– Titre de psychologue
– Écrits psychologiques
– Évaluation (Relativité des évaluations)
– Respect du but assigné
– Transmission de données psychologiques (Compte rendu à des partenaires professionnels avec accord et/ou information de l’intéressé)

Au regard des questions posées par la demandeuse, la Commission se propose de traiter des points suivants :

– Les modalités d’inscription sur la liste ADELI,

– Les modalités de production des écrits professionnels du psychologue.

    1. 1. Les modalités d’inscription sur la liste ADELI

Le psychologue, comme tout professionnel, peut établir à la demande d’une personne un document faisant état de constats et conclusions auxquels il est parvenu

dans le cadre de ses consultations. Cet écrit doit être conforme aux indications mentionnées dans l’article 20 du Code de déontologie :

Article 20 : Les documents émanant d’un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l’identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l’objet de son écrit et sa signature. Seul le psychologue auteur de ces documents est habilité à les modifier, les signer ou les annuler. Il refuse que ses comptes rendus soient transmis sans son accord explicite et fait respecter la confidentialité de son courrier postal ou électronique.

Le psychologue doit faire enregistrer le diplôme, l’autorisant à faire usage de son titre, sur le répertoire ADELI auprès de l’Agence Régionale de Santé de son lieu de résidence. Cette inscription a une double utilité. D’une part, elle permet aux psychologues de faire reconnaitre leur titre professionnel et leurs compétences. D’autre part, elle protège les personnes des mésusages de la psychologie par quiconque usurpant le titre de psychologue.

2. Les modalités de production des écrits des psychologues

Dans un contexte judiciaire, dont on ne peut ignorer le caractère conflictuel, le psychologue doit faire preuve de prudence et de discernement dans sa décision de rédiger un courrier qu’il adresse à l’une des parties. Il doit prendre en compte le fait qu’un courrier rédigé à l’intention d’un avocat est susceptible d’être porté à la connaissance de l’ensemble des protagonistes.

Article 17 : Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. 

De plus, le Principe 6 du Code recommande au psychologue d’être attentif aux utilisations qui pourraient être faites de ses écrits :

Principe 6 : Respect du but assigné

(…) En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers.

Dans ses écrits, le psychologue doit préciser si ce qu’il relate provient de ce qu’il a lui-même perçuou s’il s’agit d’éléments qui lui ont été rapportés, comme le lui rappelle l’article 13 :

Article 13 : les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportés. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même. 

Enfin, tout écrit présente un caractère relatif qui doit être mentionné dans les conclusions comme l’indique le Principe 4 :

Principe 4 : Rigueur :

(…) Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail. 

Le contenu de l’écrit d’un psychologue doit être nuancé s’il comporte des évaluations ou des interprétations. En effet, le psychologue ne peut rédiger son courrier sous une forme péremptoire ou définitive, puisqu’il ne s’appuie, pour formuler son avis, que sur les propos rapportés par la personne, dans le cadre de la psychothérapie. Or, dans ce cadre, la personne s’exprime de manière subjective, c’est à dire que ses propos n’ont pas vocation à refléter les faits réels et objectifs.

Article 25: le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes.

Aussi, prudence et sens de la nuance sont indispensables au psychologue qui produit un écrit. Ces précautions sont encore plus importantes lorsque la personne qui demande cet écrit est engagée dans un conflit.

Pour la CNCDP

La Présidente

Claire Silvestre-Toussaint

Avis CNCDP 2013-20

Année de la demande : 2013

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Attestation

Questions déontologiques associées :

– Compétence professionnelle
– Discernement
– Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels)
– Évaluation (Relativité des évaluations)
– Impartialité
– Probité
– Responsabilité professionnelle
– Respect du but assigné

Au vu des éléments apportés à la commission, celle-ci décide de traiter les points suivants :

  • La rédaction et la production des attestations,

  • Les compétences du psychologue,

  • L’obligation de prudence dans les écrits,

  • La notion de certificat de complaisance.

Nota bene : les « certificats » sur lesquels porte la demande sont nommés « attestations » par la psychologue qui les a établis. C’est ainsi qu’ils seront désignés par la Commission dans le présent avis.

    1. La rédaction et la production des attestations.

Les psychologues peuvent être amenés à produire des écrits, qu’il s’agisse de compte rendus, d’expertises ou d’attestations. Sur un plan formel, ces documents portent un certain nombre d’informations qui vont permettre d’identifier le psychologue et l’objet de son écrit authentifié par sa signature.

Article 20 : Les documents émanant d’un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l’identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l’objet de son écrit et sa signature.

Dans la situation présente, les écrits réalisés sur le papier en-tête de l’association, portant mention de l’appartenance professionnelle de la psychologue, de l’objet de l’écrit ainsi que de sa signature, les inscrivent dans ce que l’on peut désigner par attestation.

Quand elle n’est pas établie à la demande explicite d’une autorité judiciaire, l’attestation d’un psychologue est un document généralement produit à la demande de l’intéressé, et remis à celui-ci. L’attestation fait état de constats auxquels le psychologue est parvenu lors de l’exercice professionnel. Elle se différencie d’une évaluation, d’un compte rendu ou d’un avis en ce sens qu’elle ne porte pas sur l’analyse de la situation dans son ensemble pour laquelle le psychologue aura recueilli divers éléments qui auront été mesurés, analysés et interprétés. S’il rapporte des propos, ceux-ci doivent être spécifiés comme tels. C’est en quelque sorte un témoignage par lequel une personne, ici le psychologue, se porte garante et engage sa responsabilité.

Cet écrit est alors remis à l’intéressé qui pourra en user de la façon qui lui convient, garantissant ainsi le respect des droits de la personne dans ses capacités de décision.

Principe 1 : Respect des droits de la personne.

(…) Il s’attache à respecter l’autonomie d’autrui et en particulier ses possibilités d’information, sa liberté de jugement et de décision.

Ceci est d’ailleurs généralement repris par la formulation « pour valoir ce que de droit ». L’attestation ne fait pas mention de préconisations d’ordre juridique. Dans celles produites ici, la mention « pour faire valoir ce que de droit » ne renvoie pas à un cadre juridique, mais indique seulement que le destinataire, ici la patiente de la psychologue, peut faire valoir les faits attestés auprès de qui elle le souhaite.

2. Les compétences du psychologue.

Le demandeur interroge la Commission sur le fait que le contenu des deux attestations dépasse ou non les compétences professionnelles d’un psychologue.

Rappelons que l’engagement professionnel du psychologue est étroitement lié à la question de sa compétence. Celle-ci fait l’objet d’un des principes généraux du code de déontologie, le Principe 2 :

Principe 2 : Compétence

Le psychologue tient sa compétence :

– de connaissances théoriques et méthodologiques acquises dans les conditions définies par la loi relative à l’usage professionnel du titre de psychologue ;

– de la réactualisation régulière de ses connaissances ;

– de sa formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui.

Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. Il est de sa responsabilité éthique de refuser toute intervention lorsqu’il sait ne pas en avoir les compétences requises. (…).

L’article 5 complète ce principe général de la façon suivante :

Article 5 : Le psychologue accepte les missions qu’il estime compatibles avec ses fonctions et ses compétences.

De plus, la notion de compétence du psychologue est étroitement liée dans le code de déontologie à celle de responsabilité professionnelle :

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l’application des méthodes et techniques qu’il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule.

Un psychologue qui rédige une attestation engage donc sa responsabilité professionnelle. Dans la situation présentée, la psychologue qui a produit les deux attestations s’appuie sur ses compétences professionnelles, d’une part pour évaluer les symptômes dont souffre la personne, et d’autre part pour écrire que ces symptômes « décrits par la patiente, sont tout à fait compatibles avec un contexte effectif de violences conjugales ». Notons que, dans cette phrase, la notion de compatibilité n’est pas équivalente à celle d’une causalité affirmée telle que le comprend le demandeur. En rédigeant ces attestations sous la forme présentée, la psychologue s’engage professionnellement, comme tout psychologue peut être amené à le faire au regard de sa compréhension d’une situation donnée.

3. L’obligation de prudence dans les écrits :

Le demandeur questionne la Commission sur l’absence de prudence dans les écrits de la psychologue.

Le Principe 6 du Code évoque le respect du but assigné dans les interventions du psychologue et dans ce qu’il transmet de ces interventions :

Principe 6 : Respect du but assigné

Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient être faites par des tiers.

Un psychologue, s’il se réfère au code de déontologie, transmet d’une part des éléments qui relèvent de sa stricte compétence, et d’autre part sait que ces éléments ont un caractère relatif.

Principe 2 : Compétence

(…) Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il (le psychologue) fait preuve de prudence, de mesure, discernement et impartialité.

Article 25 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations (…).

Dans la situation présente, la forme de l’écrit de la psychologue devrait permettre de comprendre que cette hypothèse reste une hypothèse parmi d’autres. Ceci n’exclut pas que celle-ci argumente en faveur de sa plausibilité.

Le fait que la psychologue n’évoque pas d’autres facteurs environnementaux, qui auraient pu jouer sur l’état de la patiente, fait partie de sa démarche qu’elle doit pouvoir étayer en se référant à ses connaissances théoriques (Principe 2, déjà cité).

4. La notion de certificat de complaisance

Rappelons qu’il n’est pas dans les attributions de la Commission d’instruire selon la loi, son rôle consiste à fournir des avis selon des éléments qui lui sont soumis en se référant au Code.

Selon le demandeur, les attestations produites sont des certificats de complaisance rédigés en faveur de son épouse par le psychologue.

Comme nous l’avons évoqué au point 1, l’utilisation de ces attestations par la patiente relève de sa propre gouverne. Elles sont des témoignages parmi d’autres qu’elle peut produire selon son bon vouloir. Il appartiendra alors à d’autres instances d’établir un constat ou non de certificat de complaisance.

Dans tout acte de son exercice professionnel, dont ses écrits, et selon le Code, le psychologue est tenu à l’intégrité et à la probité. Il rédige notamment en toute objectivité et honnêteté.

Principe 5 : Intégrité et probité

Le psychologue a pour obligation de ne pas exploiter une relation professionnelle à des fins personnelles, religieuses, sectaires, politiques, ou en vue de tout autre intérêt idéologique.

Considérés comme modalités d’intervention, les écrits répondent à des critères d’explicitation auxquels le psychologue s’astreint, sans perdre de vue les limites de son travail. Il peut donc être amené à argumenter ses constats.

Principe 4 : Rigueur

Les modes d’intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l’objet d’une explicitation raisonnée et d’une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail.

Pour la CNCDP

La Présidente

Claire Silvestre-Toussaint

Avis CNCDP 2013-16

Année de la demande : 2013

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Rapport d’expertise judiciaire

Questions déontologiques associées :

– Compétence professionnelle (Élaboration des données, mise en perspective théorique)
– Consentement éclairé
– Discernement
– Évaluation (Relativité des évaluations)
– Impartialité
– Responsabilité professionnelle
– Respect de la personne
– Respect du but assigné
– Transmission de données psychologiques (Compte rendu à l’intéressé)

A la lecture du courrier de la demandeuse et des pièces jointes, la CNCDP tient à rappeler que son rôle est de fournir un avis sur la base du code de déontologie des psychologues. C’est pourquoi, la Commission ne pourra pas répondre aux questions de la demandeuse relatives au fait que la psychologue en question n’ait pas, dans son expertise, répondu à la commande de la cour. En outre, la Commission, instance consultative, n’a pas le pouvoir de sanctionner la psychologue.

La Commission décide de développer les points suivants :

– Conditions techniques d’une expertise psychologique,

– Compétence et rigueur professionnelles,

– Usage privé et diffusion d’une expertise.

  1. Conditions techniques d’une expertise psychologique

L’essentiel des griefs, portés à la connaissance de la Commission par la demandeuse, concerne une expertise réalisée par une experte psychologue sur ordonnance d’un juge aux affaires familiales.

De façon générale, un rapport d’expertise est un document qui contribue à éclairer le magistrat sur une ou plusieurs questions qu’il se pose. Dans cette position d’expert, le psychologue répond, d’un point de vue déontologique, à des critères et conditions techniques indiqués dans l’article 9 du code de déontologie :

Article 9 : Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités et des limites de son intervention, et des éventuels destinataires de ses conclusions.

Au niveau de la forme, l’écrit, ici l’expertise destinée à être produite en justice, doit clairement faire mention de l’identité du psychologue, de sa sollicitation en qualité d’expert, et satisfaire à d’autres conditions précisées dans l’article 20 du Code :

Article 20 : Les documents émanant d’un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l’identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l’objet de son écrit et sa signature. Seul le psychologue auteur de ces documents est habilité à les modifier, les signer ou les annuler. (…)

  1. Compétence et rigueur professionnelles

L’expertise psychologique nécessite un travail de recueil d’informations, d’analyse, d’élaboration, d’observation, de retranscription et de rédaction, dans l’objectif de répondre aux questions posées par le magistrat. Le psychologue a des compétences professionnelles qui lui permettent de mener à bien ses missions :

Principe 2 : Compétence

Le psychologue tient sa compétence :

– de connaissances théoriques et méthodologiques acquises dans les conditions définies par la loi relative à l’usage professionnel du titre de psychologue;

– de la réactualisation régulière de ses connaissances;

– de sa formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui. (…)

Le psychologue dispose en outre d’une autonomie professionnelle technique ; cela signifie qu’il décide seul des outils et des méthodes auxquels il a recours, en fonction des objectifs de ses interventions, du but assigné, de la spécificité des personnes rencontrées et du contexte des rencontres. Ces méthodes sont scientifiquement validées et actualisées, comme l’indique le code de déontologie :

Article 24 : Les techniques utilisées par le psychologue à des fins d’évaluation, de diagnostic, d’orientation ou de sélection, doivent avoir été scientifiquement validées et sont actualisées.

Principe 4 : Rigueur

Les modes d’intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l’objet d’une explicitation raisonnée et d’une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail.

Cette rigueur méthodologique et technique va de pair avec une rigueur quant au respect des droits de la personne dont il s’efforce de recueillir le consentement, comme précisé dans l’article 9, précédemment cité. En effet, la personne que le psychologue reçoit doit être informée de manière explicite des modalités et des limites de l’intervention de ce dernier, et en l’occurrence, de celles de l’expertise psychologique menée, de ses conséquences éventuelles, et des destinataires de celle-ci.

Toutefois, il est des situations où la personne qui rencontre le psychologue n’est pas celle qui en a exprimé la demande ; en l’occurrence, dans la situation présentée c’est le Juge qui est à l’origine de la demande de l’expertise et donc de la rencontre de la mère et de l’enfant avec un psychologue. Dans ce type de situation, la notion de consentement éclairé est relative, puisque le consentement est quelque peu contraint par la mission judiciaire et ses enjeux. Ce type de situation est évoqué dans l’article 12 du Code :

Article 12 : Lorsque l’intervention se déroule dans un cadre de contrainte (…), le psychologue s’efforce de réunir les conditions d’une relation respectueuse de la dimension psychique du sujet.

Intervenir auprès d’un enfant, en tant que psychologue expert, dans un contexte de conflit parental est délicat, surtout quand la question de la maltraitance éventuelle est soulevée. Le rapport d’expertise doit aider le magistrat dans les décisions qu’il prendra quant à la résidence de l’enfant et quant à ses relations avec ses parents (séparés de plusieurs milliers de kilomètres, dans cette situation). Tous ces éléments vont avoir un impact sur le développement psycho-affectif de ce dernier et sur sa sécurité physique et psychique.

En effet, le psychologue doit veiller, dans son intervention, au respect des droits fondamentaux de la personne, en l’occurrence ici de l’enfant :

Principe 1 : Respect des droits de la personne

Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection.

S’il doit être attentif au respect des droits de la personne, il lui est nécessaire de prendre de la distance vis-à-vis d’éventuelles pressions qui pourraient modifier les résultats de l’expertise. C’est la raison pour laquelle le Principe 2 du Code rappelle que même si le psychologue est soumis à des pressions, dans une situation conflictuelle par exemple, il doit, malgré tout, intervenir avec circonspection :

Principe 2 : Compétence

(…) Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité.

Enfin, dans la situation soumise à la Commission, la demandeuse reproche à la psychologue d’avoir interprété et déformé les propos de l’enfant. Le code de déontologie précise à ce sujet que le psychologue doit prendre en compte la relativité de ses conclusions au sujet d’une personne, dans la mesure où les propos rapportés sont forcément subjectifs et de surcroit rapportés dans un temps donné de la vie de la personne :

Article 25 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes.

  1. Usage privé et diffusion d’une expertise

La dernière question soumise à l’appréciation de la Commission concerne l’usage qui peut être fait par le père des expertises qu’il a en sa possession, ainsi que leur diffusion à des tiers.

En ce domaine, il est important de rappeler qu’en vertu du principe déontologique de respect du but assigné, le psychologue conçoit son intervention en tenant compte des conséquences possibles de son travail et ici de l’utilisation possible de son expertise par une personne concernée.

Principe 6 : Respect du but assigné

Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations possibles qui pourraient en être faite par des tiers.

Le psychologue doit répondre aux questions posées, ici par le magistrat qui a ordonné l’expertise, en ne fournissant des éléments d’ordre psychologique que si cela s’avère nécessaire,. Il convient donc de faire preuve de prudence, comme rappelé dans l’article 17 du Code :

Article 17 : Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l’assentiment de l’intéressé ou une information préalable de celui-ci.

Concernant la diffusion et l’usage privé de l’expertise par le père, il n’appartient pas au psychologue évoqué dans la demande ni à la Commission d’en juger. Cependant, dans de telles situations, les différentes parties ont accès, par le biais de leurs avocats, au dossier comprenant notamment les expertises psychologiques.

Pour la CNCDP

La Présidente

Claire Silvestre-Toussaint

Avis CNCDP 2013-14

Année de la demande : 2013

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Thérapie d’un enfant

Questions déontologiques associées :

– Abus de pouvoir
– Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale
– Confraternité entre psychologues
– Discernement
– Impartialité
– Information sur la démarche professionnelle (Explicitation de la démarche aux usagers /clients ou patients (avant ou/ et en cours d’intervention))
– Probité
– Responsabilité professionnelle
– Transmission de données psychologiques (Compte rendu aux parents)

Au vu de la situation présentée et des interrogations de la demandeuse, la Commission décide d’aborder les points suivants :

  • Le consentement et le traitement équitable des parties dans un contexte de procédure de divorce,

  • Les modalités d’intervention du psychologue et la transmission d’information.

    1. 1. Le consentement et le traitement équitable des parties dans un contexte de procédure de divorce

      1. a.  Informations relatives au consentement des détenteurs de l’autorité parentale

Si une consultation peut être demandée par un seul des parents jouissant de l’autorité parentale conjointe, chaque parent étant réputé agir avec l’accord de son conjoint et pour le bien de l’enfant, il n’en est pas de même pour un suivi au long cours, pour lequel il est nécessaire d’informer les deux parents détenteurs de l’autorité parentale, dans l’intérêt même de l’enfant.

Article 11 : L’évaluation, l’observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l’autorité parentale ou des représentants légaux.

b. Articulation entre les différents professionnels

La demandeuse reproche à la psychologue de ne pas avoir tenu compte du suivi psychologique déjà engagé avec les enfants, dans une autre structure. Il n’est pas possible de savoir si cette psychologue avait connaissance de cette prise en charge.

En tout cas, il est précisé dans l’article 31 du Code que :

Article 31 : Lorsque plusieurs psychologues interviennent […] auprès de la même personne, ils se concertent pour préciser le cadre et l’articulation de leurs interventions.

Dans les situations de séparation des parents, le psychologue prend en compte le fait que les enfants peuvent être l’objet des conflits parentaux, et ceci d’autant plus lorsque le droit de visite et d’hébergement est en jeu. Dans un tel contexte, la multiplicité des interventions peut être vécue de manière éprouvante par les enfants. En d’autres termes, l’intervention du psychologue doit rester centrée sur le soutien psychologique des enfants durant cette période compliquée pour eux.

c. Traitement équitable des parties et indépendance du psychologue

Selon la demandeuse, s’appuyantsur la consultation d’un réseau social, des liens « de sympathie » existeraient entre la psychologue, le père des enfants, et un agent du service municipal, contacté par la psychologue lors de cette affaire. Tous trois seraient de connivence.

La Commission rappelle que, selon le Principe 2 du code de déontologie, le psychologue doit veiller à éviter toute tentative ou risque d’instrumentalisation pourmaintenir son indépendance professionnelle :

Principe 2 : Compétence

[…] Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, [le psychologue] fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité.

Dans les cas de procédures de divorce conflictuelles, les pressions exercées sont fréquentes pour obtenir gain de cause. Le psychologue doit être particulièrementvigilant à respecter l’ensemble des parties concernées, et faire preuve de discernement pour garantir l’équité et la qualité de ses interventions. Son avis personnel au sujet d’une situation ne doit pas influer sur son intervention professionnelle.

Principe 5 : Intégrité et Probité

Le psychologue a pour obligation de ne pas exploiter une relation professionnelle à des fins personnelles […]

Concernant les relations personnelles d’un psychologue avec des professionnels impliqués dans une procédure judiciaire, dont les enfants suivis sont l’objet, il est précisé dans les articles 15 et 18 du Code que :

Article 15 : Le psychologue n’use pas de sa position à des fins personnelles, de prosélytisme ou d’aliénation économique, affective ou sexuelle d’autrui.

Article 18 : Le psychologue n’engage pas d’intervention ou de traitement impliquant des personnes auxquelles il est personnellement lié. Dans une situation de conflits d’intérêts, le psychologue a l’obligation de se récuser.

L’impartialité du psychologue vise également à respecter au mieux l’intérêt supérieur de l’enfant. Il doit être attentif à la façon dont l’enfant perçoit son intervention, quels que soient les enjeux conflictuels entre les adultes.

2 Les modalités d’intervention du psychologue et la transmission d’information

Le psychologue est libre du choix de ses méthodes, et décide en conscience de la façon dont il mène ses actions. L’un des principes fondamentaux de son exercice professionnel est définit comme suit :

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l’application des méthodes et techniques qu’il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. (…)

La Commission ne connaît pas précisément les raisons qui ont amené la psychologue à proposer des entretiens familiaux avec le père des enfants. Nous supposons que ce choix a été réfléchi et énoncé aux consultants comme l’y enjoignent le Principe 4 et l’article 9 du Code :

Principe 4 : Rigueur

Les modes d’intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l’objet d’une explicitation raisonnée et d’une argumentation de leurs fondements théoriques et de leur construction.

Article 9 : […] Il a donc l’obligation [d’informer ceux qui le consultent] de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités et des limites de son intervention, et des éventuels destinataires de ses conclusions.

Concernant la transmission de l’information relative à la prise en charge d’enfants, nous rappelons que le psychologue respecte la confidentialité, nécessaire à l’instauration d’une relation de confiance, sans laquelle aucun travail psychologique ne peut être sérieusement envisagé. A ce sujet, il est précisé dans l’article 7 du Code que :

Article 7 : Les obligations concernant le respect du secret professionnel s’imposent quel que soit le cadre d’exercice.

Toutefois, il importe de distinguer les propos des consultants, qui relèvent du secret professionnel par leur caractère intime, de l’avis professionnel du psychologue préservant la confidentialité qui peut être délivrée aux parents des enfants dans la situation présentée.

Lorsque le psychologue est amené à communiquer une prise en charge aux intéressés, il est important qu’il puisse le faire de la manière la plus intelligible possible, comme indiqué dans l’article 16 du Code:

Article 16 : Le psychologue présente ses conclusions de façon claire et compréhensible aux intéressés.

Il arrive que le psychologue soit amené à faire état d’éléments qui lui paraissent inquiétants et/ou indicateurs d’un danger pour l’usager, en l’occurrence ici les enfants de la demandeuse. Dans ce cas, il lui appartient de s’en saisir comme cela est spécifié dans l’article 19 du Code :

Article 19 : Le psychologue ne peut se prévaloir de sa fonction pour cautionner un acte illégal et son titre ne le dispense pas des obligations de la loi commune. Dans le cas de situations susceptibles de porter atteinte à l’intégrité psychique ou physique de la personne qui le consulte ou à celle d’un tiers, le psychologue évalue avec discernement la conduite à tenir en tenant compte des dispositions légales en matière de secret professionnel et d’assistance à personne en péril.

Les parents en sont informés sauf si cela est contraire à l’intérêt de l’enfant1.

S’agissant de la prise en charge d’enfants, le Principe 1 du Code doit être particulièrement pris en compte par le psychologue :

Principe 1 : Respect des droits de la personne

Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il s’attache à respecter l’autonomie d’autrui et en particulier ses possibilités d’information, sa liberté de jugement et de décision. (…)

Pour la CNCDP

La Présidente

C


laire Silvestre-Toussaint

1 loi relative à la protection de l’enfance art. 2226-2-2 du code de l’action sociale et des familles 2007

Avis CNCDP 2013-13

Année de la demande : 2013

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :

Questions déontologiques associées :

– Assistance à personne en péril
– Compétence professionnelle (Analyse de l’implication personnelle du psychologue)
– Consentement éclairé
– Discernement
– Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels)
– Évaluation (Évaluation de personnes liées au psychologue (personnellement ou professionnellement))
– Évaluation (Évaluation de personnes que le psychologue n’a pas rencontrées)
– Respect de la loi commune
– Respect du but assigné
– Secret professionnel (Obligation du respect du secret professionnel)
– Transmission de données psychologiques (Compte rendu aux parents)

Au vu de la situation présentée et des interrogations de la demandeuse, la Commission se propose d’aborder les points suivants :

  • Le cadre rédactionnel et le contenu d’une attestation produite par un psychologue,

  • Les enjeux et les conséquences d‘une attestation produite dans le contexte d’une séparation parentale,

  • Les situations de danger pour l’enfant et le secret professionnel.

    1. 1. Le cadre rédactionnel et le contenu d’une attestation produite par un psychologue

Dans le cadre de son activité professionnelle, le psychologue peut être amené à rédiger des attestations. Celles-ci, comme tout écrit provenant d’un psychologue, doivent contenir un certain nombre d’informations permettant d’identifier le psychologue et la nature de l’écrit. Ces éléments sont énoncés dans l’article 20 :

Article 20 : Les documents émanant d’un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l’identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l’objet de son écrit et sa signature […]

Ces qualités formelles indispensablesà uneattestation permettent d’éviter les confusions entre un témoignage personnel, rédigé par un individu en son nom propre, et non du fait de sa profession, et une attestation professionnelle. En l’occurrence, dans la situation présente, la personne rédige en sa qualité de psychologue et amène des éléments observés dans le cadre de son activité professionnelle (un « bilan d’intelligence »), il s’agit donc d’une attestation professionnelle, bien que tous les éléments requis par l’article 20 n’y figurent pas, et notamment le numéro ADELI du praticien.

Par ailleurs, d’une manière générale, quel que soit son cadre d’exercice :

Article 18 : Le psychologue n’engage pas d’intervention ou de traitement impliquant des personnes auxquelles il est personnellement lié. Dans une situation de conflits d’intérêts, le psychologue a l’obligation de se récuser.

Dans le cas de mineurs, la Commission recommande que cette précaution s’étende également aux parents. Le psychologue ne doit pas intervenir lorsque préexiste un lien personnel avec l’un des parents de l’enfant.

Une fois ces précautions préalables à toute intervention du psychologue garanties, celui-ci met en place des modalités d’exercice et des dispositifs qui répondent à ses objectifs de travail. Il s’agit du respect du but assigné, expliqué dans le principe 6 du Code :

 

Principe 6: Respect du but assigné

Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions et à eux seulement […]

En l’occurrence, la psychologue a reçu une demande de bilan intellectuel de la part des parents de l'enfant. Elle a construit un dispositif méthodologique visant à effectuer ce bilan et à en faire la restitution. Ce dispositif n’avait pas pour objectif premier d’évaluer la situation familiale de l’enfant, et encore moins de rédiger une attestation à ce propos, une année après les rencontres avec l’enfant.
 
D'une manière générale, si un psychologue reçoit une demande d’attestation, dans le cadre d’une procédure judiciaire entre parents concernant la garde de leur enfant, et qu’il juge cette demande recevable, alors il convient de rencontrer à nouveau en entretien les différents protagonistes (enfant, père, mère), et d’évaluer la situation avant d’en attester.

En outre, un psychologue ne peut, à partir du bilan intellectuel d’un enfant, rédiger une attestation avec des éléments d’évaluation du fonctionnement psychologique d’un des parents, qui aurait été rencontré dans ce cadre uniquement. En effet, comme il est précisé dans l’article 13 :

Article 13 : Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même.

De même, le psychologue qui rédige une attestation doit éviter d’y inscrire des éléments concernant le fonctionnement psychique d’une personne, sauf si cela s’avère nécessaire. Ildoit faire preuve de prudence dans sa rédaction, et ce d’autant plus lorsque cette attestation est ensuite transmise à un tiers.

Article 17 : Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent des éléments d’ordre psychologique que si nécessaire. […]

Enfin, dans tous les cas, lorsque le psychologue rédige une attestation qui concerne une ou plusieurs personnes, il doit s’assurer du consentement de celles-ci ou au moins les informer au préalable.

Article 17 : […] La transmission à un tiers requiert l’assentiment de l’intéressé ou une information préalable de celui-ci

2. Les enjeux et les conséquences d’une attestation produite dans le contexte d’une séparation parentale

Rappelons tout d’abord que le psychologue n’est pas dans l’obligation de rédiger une telle attestation et qu’il peut expliquer au parent qui le sollicite les raisons de son éventuel refus, notamment s’il estime que le contexte de la demande est flou ou trop conflictuel. Le psychologue qui rédige une attestation dans le cadre d’une procédure judiciaire entre parents est souvent pris dans le conflit parental, et doit être vigilant quant à l’utilisation qui peut être faite de ses écrits ou paroles au détriment de l’intérêt de l’enfant.

La rédaction d’une attestation dans le cadre d’une séparation parentale demande donc prudence et recul au psychologue qui la produit. Le principe 2 du code de déontologie est précis à ce sujet :

Principe 2 : Compétence

[…] Il est de [la] responsabilité [du psychologue] de refuser toute intervention lorsqu’il sait ne pas avoir les compétences requises. Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité.

Le contenu de l’attestation lui-même doit être nuancé, surtout s’il comporte des évaluations ou des interprétations. En effet, le psychologue, dans une attestation comme dans tout écrit qu’il produit, ne peut rédiger sous une forme péremptoire ou définitive :

Article 25 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes.

3.Les situations de danger pour l’enfant et le secret professionnel

Le psychologue doit être vigilant en ce qui concerne le secret professionnel et il ne peut retranscrire en l’état dans une attestation des éléments cliniques recueillis en entretien :

Principe 1 : Respect des droits de la personne

[…] [le psychologue] préserve la vie privée et l’intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n’est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même.

Article 7 : Les obligations concernant le respect du secret professionnel s’imposent quel que soit le cadre d’exercice.

Le secret professionnel peut être levé dans certaines circonstances, si la situation de la personne examinée, ici l’enfant, donne à penser au psychologue que ce dernier est en danger ou risque de l’être. En effet, le psychologue, comme tout un chacun, se réfère à la loi commune et aux législations en cours :

Principe 1 :Respect des droits de la personne

Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection […].

Article 19 : Le psychologue ne peut se prévaloir de sa fonction pour cautionner un acte illégal et son titre ne le dispense pas des obligations de la loi commune. Dans le cas de situations susceptibles de porter atteinte à l’intégrité psychique ou physique de la personne qui le consulte ou à celle d’un tiers, le psychologue évalue avec discernement la conduite à tenir en tenant compte des dispositions légales en matière de secret professionnel et d’assistance à personne en danger […].

Dans le contexte rapporté ici, si la psychologue estime que la situation de la fillette est préoccupante et représente un danger pour elle lorsqu’elle est en présence de sa mère, il lui revient d’évaluer cette situation et de trouver la solution la mieux adaptée, comme par exemple :

  • Estimer qu’un travail avec la mère était possible et dans l’intérêt de l’enfant, et proposer à celle-ci des entretiens mère-enfant avec la possibilité de l’adresser à un confrère,

  • effectuer un signalement auprès des autorités concernées par la protection de l’enfance, si la psychologue pensait que la situation de l’enfant était trop préoccupante,

  • conseiller à la mère une aide psychologique, tout en lui expliquant la nécessité pour elle de rédiger un signalement.

Dans tous les cas, il est difficile de comprendre à la fois qu’aucune aide n’ait été proposée à la mère, à l’issue du bilan psychologique de l’enfant, et/ou qu’aucun courrier de signalement n’ait été rédigé à ce moment, alors que l’attestation rédigée un an après contient des éléments que la psychologue juge préoccupants dans la situation de l’enfant.

Dans les situations complexes ou préoccupantes comme cela semble être le cas ici, le psychologue peut prendre conseil auprès de collègues pour avis :

Article 19 : […] Le psychologue peut éclairer sa décision en prenant conseil auprès de collègues expérimentés.

Les situations familiales estimées à risque pour l’enfant et les demandes d’attestation dans un cadre de conflit parental relèvent de situations complexes, pour lesquelles le psychologue est en droit de demander conseil, afin d’être aidé dans les décisions à prendre.

Pour la CNCDP

La Présidente

Claire Silvestre-Toussaint

Avis CNCDP 2013-12

Année de la demande : 2013

Demandeur :
Psychologue (Secteur non précisé)

Contexte :
Relations/conflit avec la hiérarchie, l’employeur, les responsables administratifs

Objet de la demande :
Organisation de l’exercice professionnel
Précisions :
Dispositif institutionnel

Questions déontologiques associées :

– Accès libre au psychologue
– Autonomie professionnelle
– Compétence professionnelle (Reconnaissance des limites de sa compétence, orientation vers d’autres professionnels)
– Confidentialité
– Consentement éclairé
– Écrits psychologiques
– Information sur la démarche professionnelle
– Mission
– Respect du but assigné
– Secret professionnel
– Titre de psychologue

La lecture de la demande et des pièces jointes amène la Commission à traiter les points suivants :

  • Les conditions d’exercice du psychologue et la confidentialité des données,

  • L’accès libre et volontaire de la personne qui consulte un psychologue,

  • Les obligations qui s’imposent au psychologue,

  • L’identification du psychologue dans ses écrits et l’utilisation de ceux-ci.

1. Les conditions d’exercice du psychologue et la confidentialité des données

Il est indiqué dans l’article 4 du Code que la spécificité du travail du psychologue doit être respectée quel que soit le cadre de sa pratique :

Article 4 : Qu’il travaille seul ou en équipe, le psychologue fait respecter la spécificité de sa démarche et de ses méthodes. Il respecte celles des autres professionnels.

Le psychologue doit alors bénéficier de dispositifs lui permettant de réaliser son travail dans le respect du code de déontologie, notamment afin de respecter le secret professionnel, comme précisé dans l’article 7 :

Article 7 : Les obligations concernant le respect du secret professionnel s’imposent quel que soit le cadre d’exercice.

Le travail avec un psychologue dépend en grande partie du cadre posé et des conditions dans lesquelles ce travail s’exerce. L’un des fondements de ce travail est le respect de la dimension psychique de la personne, la préservation de sa vie privée et tout ce qui a trait à son intimité selon le principe 1 du Code :

Principe 1 : Respect des droits de la personne

[…] [le psychologue] préserve la vie privée et l’intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. […]

Aussi, pour respecter les exigences de secret professionnel et de confidentialité de la rencontre, le psychologue doit disposer de locaux lui permettant de réaliser ses entretiens seul avec le bénéficiaire, et suffisamment isolés phoniquement.

Article 21 : Le psychologue doit pouvoir disposer sur le lieu de son exercice professionnel d’une installation convenable, de locaux adéquats pour préserver la confidentialité, de moyens techniques suffisants en rapport avec la nature de ses actes professionnels et des personnes qui le consultent.

2. L’accès libre et volontaire de la personne qui consulte un psychologue

Le premier principe du code de déontologie défend la liberté pour toute personne qui en éprouve le besoin de choisir et consulter un psychologue.

Principe 1 : Respect des droits de la personne

[…] [le psychologue] s’attache à respecter l’autonomie d’autrui et en particulier ses possibilités d’information, sa liberté de jugement et de décision. Il favorise l’accès direct et libre de toute personne au psychologue de son choix. Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. […] Il respecte le principe fondamental que nul n’est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même.

Non seulement les bénéficiaires reçoivent des convocations pour des rendez-vous qui ne précisent pas qu’ils vont rencontrer un psychologue, mais de plus, ils risquent des sanctions s’ils ne se rendent pas à ces rendez-vous. Comment, dans ces conditions, le psychologue peut-il, conformément à l’article 9 du Code, s’assurer du consentement libre et éclairé de la personne le consultant dans l’organisme ?

Article 9 : Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. […]

L’obligation faite aux bénéficiaires de se rendre à ces rendez-vous contrevient  à la liberté de consentement recommandé par le Code.

Lorsque des situations où un cadre de contrainte s’imposent au consultant, il n’appartient pas au psychologue d’en gérer les conséquences, comme par exemple signifier une absence sur une liste. En effet, comme nous l’avons vu dans le principe 1, le respect de l’autonomie d’autrui est un préalable nécessaire à toute intervention psychologique et au respect de sa dimension psychique. L’autonomie de la personne s’entend comme la capacité à assumer personnellement, et librement des choix qui permettent à une personne, en consultant le psychologue, de s’engager dans une démarche et/ou d’en être à l’initiative.

Lorsqu’une mesure de contrôle pèse sur la décision d’une personne, cela remet en cause son autonomie et place cette personne en situation paradoxale perturbant de fait le processus dynamique d’accompagnement. Même dans un cas de contrôle, comme lors d’une décision de justice, l’article 12 préconise au psychologue de mettre en place les moyens pour établir une relation respectueuse de la personne :

Article 12 : Lorsque l’intervention se déroule dans un cadre de contrainte […], le psychologue s’efforce de réunir les conditions d’une relation respectueuse de la dimension psychique du sujet

Le demandeur interroge également la Commission sur l’obligation faite aux psychologues de renseigner une liste qui pourrait porter préjudice aux bénéficiairex.

Si cette démarche est contraire au principe 1 déjà cité, le psychologue peut s’appuyer sur le code de déontologie, dont il est fait explicitement mention dans les modalités de recrutement, pour défendre les missions pour lesquelles il a été recruté.

De plus, lorsqu’il transmet des informations à des tiers (justice, employeur par exemple), le psychologue doit être particulièrement vigilant afin de s’assurer que ces informations ne portent pas préjudice à la personne qui l’a consulté :

Principe 6 : Respect du but assigné

[…] En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers.

La Commission relève la difficulté pour les psychologues d’exiger qu’ils signalent la présence ou non des bénéficiaires aux rendez-vous fixés par l’organisme, d’autant plus que l’absence d’un bénéficiaire peut se traduire par des sanctions à son égard.

Article 19 : […] Dans le cas de situations susceptibles de porter atteinte à l’intégrité psychique ou physique de la personne qui le consulte ou à celle d’un tiers, le psychologue évalue avec discernement la conduite à tenir en tenant compte des dispositions légales en matière de secret professionnel et d’assistance à personne en péril.

3. Les limites qui s’imposent au psychologue

Tout en prenant appui sur le Code, le psychologue n’en est pas moins soumis aux législations nationales ou internationales. Ces obligations concernent le respect des principes fondamentaux, notamment inscrits dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne et repris dans le principe 1 déjà cité :

Principe 1 : Respect des droits de la personne

Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection.[…]

Il respecte donc les obligations réglementaires mais il n’a pas de légitimité pour les « faire » appliquer, ceci même s’il a un devoir d’information, comme le spécifie l’article 9 cité plus haut et complété ici :

Article 9 : […] [le psychologue] a donc l’obligation de les [ceux qui le consultent] informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités et des limites de son intervention, et des éventuels destinataires de ses conclusions.

La Commission estime que l’obligation de renseigner le système d’information est un contrôle à l’encontre du bénéficiaire puisqu’il peut être de nature à lui porter préjudice. Ce contrôle ne permet pas d’établir une relation de confiance entre le psychologue et le bénéficiaire, relation de confiance indispensable pour la qualité de l’intervention du psychologue. Le contrôle de présence étant de nature administrative, il est du ressort de l’administration.

4. L’identification du psychologue dans ses écrits et l’utilisation de ceux-ci.

Les informations qui doivent figurer sur les écrits émanant d’un psychologue sont indiquées dans l’article 20 du Code : 

Article 20 : Les documents émanant d’un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l’identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l’objet de son écrit et sa signature. Seul le psychologue auteur de ces documents est habilité à les modifier, les signer ou les annuler. Il refuse que ses comptes rendus soient transmis sans son accord explicite et fait respecter la confidentialité́ de son courrier postal ou électronique.

Il est en effet essentiel pour un psychologue d’identifier ses écrits. D’une part, le psychologue engage sa responsabilité concernant les documents qu’il produit. D’autre part, cela permet à la personne qui le consulte ou qui lit ses écrit de savoir qui est le professionnel auteur des documents. Ce second point est particulièrement important dans cette situation où l’organisme emploie plusieurs psychologues que les bénéficiaires peuvent rencontrer, mais aussi parce que des données issues du travail des psychologues sont transmises à l’organisme.

Si le psychologue est employé comme tel au sein de la structure il doit faire état de son titre, le bénéficiaire pourra ainsi l’identifier :

Article 1 : Le psychologue exerce différentes fonctions à titre libéral, salarié du secteur public, associatif ou privé. Lorsque les activités du psychologue sont exercées du fait de sa qualification, le psychologue fait état de son titre.

Dans la situation présente, le demandeur indique que les convocations envoyées par l’organisme aux bénéficiaires n’indiquent pas qu’ils vont rencontrer un psychologue, mais « leur  conseiller ». Pour la Commission, ne pas mentionner sur les convocations que le bénéficiaire va rencontrer un psychologue est contraire aux préconisations du principe 1 garantissant la liberté d’accès et de choix du psychologue, tel que développé dans le deuxième point de cet avis.

De plus, s’il s’avère que des conclusions de l’entretien doivent être transmises à l’organisme, c’est-à-dire à un tiers, d’une part le consultant doit en être informé conformément aux articles 9  (déjà cité) et 17 :

Article 9 : Il [le psychologue] a donc l’obligation de les informer […] des éventuels destinataires de ses conclusions.

Article 17 : […] La transmission à un tiers requiert l’assentiment de l’intéressé ou une information préalable de celui-ci.

Et d’autre part, si le psychologue doit rendre compte sous forme de données, des entretiens issus des convocations, il doit être vigilant dans leur rédaction à ne répondre qu’à la question posée, dans le respect du but assigné comme explicité par le principe 6 déjà énoncé, mais aussi à n’apporter des éléments psychologiques que si nécessaire et sans que cela porte préjudice à l’intéressé.

Article 17 : Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. […]

Si le psychologue ne peut s’opposer à l’utilisation de ses données, il fera en sorte que leur contenu ne puisse nuire aux personnes qui le consultent et qu’elles ne soient pas détournées du but assigné, lequel devant être explicitement formulé sur le document signé par le psychologue.

Pour la CNCDP

La Présidente

Claire Silvestre-Toussaint