Avis CNCDP 2005-22

Année de la demande : 2005

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Expertise judiciaire

Questions déontologiques associées :

– Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale
– Transmission de données psychologiques (Compte rendu aux parents)
– Évaluation (Évaluation de personnes que le psychologue n’a pas rencontrées)
– Évaluation (Relativité des évaluations)
– Probité
– Responsabilité professionnelle

La commission observe que dans la situation décrite par le demandeur, la psychologue qu’il met en cause est intervenue à la demande d’un des deux parents. La consultation qu’elle assure dans ce cadre ne peut donc être définie comme une expertise qui relève de la commande d’un juge. La mention des conclusions de la psychologue dans le délibéré de la cour n’implique pas qu’elle se soit indûment positionnée comme expert-psychologue : les juges peuvent retenir des éléments apportés par les parties. Le demandeur peut d’ailleurs solliciter auprès de la cour une expertise.

Au regard des questions du demandeur, la commission traitera les points suivants :
–  le consentement des parents ;
– l’évaluation d’une personne sans que le psychologue l’ait rencontrée ;
–  le caractère relatif des évaluations.

1 – Le consentement des parents :

 La commission se prononce sur cette question en référence à l’article 10 du code de déontologie des psychologues qui stipule :
« Le psychologue peut recevoir, à leur demande, des mineurs ou des majeurs protégés par la loi. Son intervention auprès d’eux tient compte de leur statut, de leur situation et des dispositions légales en vigueur. Lorsque la consultation pour des mineurs ou des majeurs protégés par la loi est demandée par un tiers, le psychologue requiert leur consentement éclairé, ainsi que celui des détenteurs de l’autorité parentale ou de la tutelle. »
Dans ce cadre, la commission admet toutefois qu’une consultation ou un bilan psychologique puissent être effectués à la demande d’un seul des deux parents. Elle recommande alors que les deux parents soient reçus, le cas échéant séparément, par la psychologue qui doit leur rendre compte des examens et de ses conclusions. En effet,
« (…) Les intéressés ont le droit d’obtenir un compte rendu compréhensible des évaluations les concernant, quels qu’en soient les destinataires. » (art. 12)

2 – L’évaluation d’une personne sans que le psychologue l’ait rencontrée :

Concernant l’évaluation d’une personne que la psychologue n’aurait pas rencontré, l’article 9 stipule que:
« (…) Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées, mais son évaluation ne peut porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même. »
Cet article fait la différence d’une part entre "donner un avis" et "évaluer", d’autre part entre "des dossiers ou des situations" et "des personnes ". Il convient donc de préciser les aspects suivants :

  • un psychologue est libre de donner un avis sur "des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées" ;
  • un psychologue ne peut donner un avis sur une personne qu’il n’aurait pas examinée ; 
  • un psychologue ne peut en aucun cas évaluer une personne ou une situation qu’il n’aurait pas examinée lui-même.

3 – Le caractère relatif des évaluations :

Lorsque des désaccords surviennent entre les conclusions émises par un psychologue et le point de vue des personnes concernées, ils ne peuvent être interprétés en terme de défaillance professionnelle. En effet, le psychologue ne saurait travestir ses résultats et/ou faire part de conclusions biaisées car il a un devoir de probité :
« Le psychologue a un devoir de probité dans toutes ses relations professionnelles. Ce devoir fonde l’observance des règles déontologiques et son effort continu pour affiner ses interventions, préciser ses méthodes et définir ses buts.» (Titre 1,4)
Ainsi, en toutes circonstances, le psychologue agit de manière responsable par une grande rigueur dans ses démarches professionnelles : il doit aux personnes concernées une restitution compréhensible et juste en regard des dispositifs qu’il a mis en œuvre.
Dans de tels contextes conflictuels et douloureux, la commission rappelle que les psychologues doivent faire preuve d’une grande vigilance pour  veiller à ce que leurs conclusions et le contenu de leurs écrits ne soient pas compris comme des jugements. Ils doivent les situer clairement d’une part dans le respect des évolutions possibles de chacune des personnes concernées, d’autre part dans le cadre de la qualité scientifique du travail réalisé. C’est à ces conditions que les écrits du psychologue ne traduiront un point de vue ni définitif ni réducteur respectant ainsi l’article 19 du code :
« Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence. »

Avis rendu le 10 mars 2007
Pour la CNCDP
La Présidente
Anne Andronikof

 

Articles du code cités dans l’avis : titre 1-4, articles  9, 10, 12, 19

Avis CNCDP 2005-24

Année de la demande : 2005

Demandeur :
Particulier (Tiers)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Signalement

Questions déontologiques associées :

– Signalement
– Discernement
– Compétence professionnelle (Formation (formation initiale, continue, spécialisation))
– Évaluation (Relativité des évaluations)
– Traitement équitable des parties
– Transmission de données psychologiques (Compte rendu aux parents)
– Confraternité entre psychologues
– Respect du but assigné

La commission rappelle qu’elle n’a pas qualité pour examiner la matérialité des faits qui lui sont communiqués. Elle ne se prononce que sur la conformité des pratiques professionnelles des psychologues à la déontologie de leur profession. Elle traitera les points suivants :
– La démarche de signalement et ses exigences de discernement et de prudence. 
– La communication d’informations concernant un mineur aux détenteurs de l’autorité parentale.

1) La démarche de signalement et ses exigences de discernement et de prudence

1.1 La prudence et le discernement dans la démarche de signalement
L’article 13 du Code de déontologie fait obligation à tout psychologue
« (…) de signaler aux autorités judiciaires chargées de l’application de la Loi toute situation qu’il sait mettre en danger l’intégrité des personnes ».
Cette démarche nécessite une évaluation «en conscience» pour le psychologue. L’article 13 se termine d’ailleurs avec cette recommandation :
«Le psychologue peut éclairer sa décision en prenant conseil auprès de collègues expérimentés ».
Le signalement ayant été fait très rapidement, il est probable que la psychologue n’a pas pu tirer profit de cette recommandation.
Dans la situation considérée, le texte du signalement, qui émane d’un centre hospitalier, fait état de deux consultations communes de la psychologue avec le signataire de l’écrit, probablement un médecin, puisqu’il est question d’un examen somatique (mais tous les noms ayant été occultés par la demandeuse, on ne peut que le supposer). L’auteur du signalement précise que lors de la première consultation, il n’a pas été possible de confirmer les dires de la mère et de faire répéter ses propos à l’enfant. A la seconde consultation, il conclut que l’examen somatique ne détecte rien d’anormal, mais que « cette négativité ne doit toutefois pas mettre en doute les paroles de l’enfant ». L’évaluation de la psychologue a donc été déterminante dans le déclenchement du signalement, mais elle n’en a pas pris seule la responsabilité.

1.2 La prudence et le discernement dans l’évaluation des propos de l’enfant
Le moment de la première consultation sollicitée par la mère de l’enfant (le jour où le divorce est prononcé) et le contexte conjugal très conflictuel auraient dû inciter la psychologue à une grande prudence, et à élaborer d’autres hypothèses que celles proposées par la mère. Par ailleurs la difficulté à interpréter les propos des très jeunes enfants aurait dû l’inciter aussi à approfondir ses investigations. Le Code rappelle d’ailleurs les précautions à prendre par les psychologues dans leur exercice professionnel.
Titre I-2 : « Le psychologue tient ses compétences de connaissances théoriques régulièrement mises à jour, d’une formation continue et d’une formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières et définit ses limites propres, compte tenu de sa formation et de son expérience. Il refuse toute intervention lorsqu’il sait ne pas avoir les compétences requises »
Titre I-5 : « Les modes d’intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l’objet d’une explicitation raisonnée de leurs fondements théoriques et de leur construction. Toute évaluation ou tout résultat doit pouvoir faire l’objet d’un débat contradictoire des professionnels entre eux » 

L’évaluation des situations de suspicion d’abus sexuel sur de très jeunes enfants étant particulièrement délicate, la Commission ne peut que recommander de suivre le conseil exprimé à la fin de l’article 13
«  Le psychologue peut éclairer sa décision en prenant conseil auprès de collègues expérimentés ».

1.3 La prudence et le discernement dans les conclusions
A la suite de son évaluation, la psychologue déclare entreprendre immédiatement «un travail de réparation avec l’enfant et un travail de guidance avec la mère». La formulation même du travail entrepris induit une certaine suspicion à l’encontre du père, de même que la décision de faire coïncider la fin du traitement de l’enfant avec le non lieu. En orientant ainsi son travail, la psychologue prend parti.
Article 19 : «  le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence directe sur son existence »

1.4 La psychologue devait-elle prendre plus d’informations, et en particulier, comme le pense la demandeuse, informer le père de l’enfant et demander à le rencontrer avant de faire un signalement, ou accepter de le rencontrer quand il en a fait la demande ?
La psychologue n’était pas dans une mission d’expertise ordonnée par un juge, ce qui aurait impliqué d’examiner tous les membres de la famille, mais dans une démarche de consultation privée demandée par la mère de l’enfant. La psychologue est donc restée dans sa mission de consultante centrée sur l’enfant. Toutefois, le contexte familial aurait pu la rendre plus prudente vis-à-vis des accusations de la mère de l’enfant, et l’inciter à entendre la version des faits du père. Le Titre I-6 souligne cette exigence de précaution :
«  Tout en construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue doit donc prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent en être faites par des tiers ».

Lorsque le père a lui-même souhaité la rencontrer à plusieurs reprises, pouvait-elle refuser ? 
L’article 9  précise « (…) dans les situations d’expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties et sait que sa mission a pour but d’éclairer la justice sur la question qui lui est posée et non d’apporter des preuves ».
La Commission a souvent estimé que cette exigence de traitement équitable était à recommander, même en dehors d’un mandat d’expertise, aux psychologues recevant des enfants pris dans un conflit familial aigu.

2) La communication d’informations concernant un mineur aux détenteurs de l’autorité parentale
La psychologue ayant informé le père qu’elle arrêtait la prise en charge thérapeutique de son enfant pouvait-elle refuser de lui communiquer un bilan ?
L’article 12 qui traite des conclusions du psychologue, précise :
« (…) Les intéressés ont le droit d’obtenir un compte rendu compréhensible des évaluations les concernant, quels qu’en soient les destinataires »
Le père de l’enfant, avait toute légitimité de vouloir obtenir un compte rendu ou au moins  un échange avec la psychologue qui avait suivi son fils pendant presque deux ans et lui signifiait personnellement qu’elle arrêtait le traitement.

Conclusion
La CNCDP rappelle les exigences de prudence professionnelle soulignées par le Code à de nombreuses reprises : discernement, qualité scientifique des investigations, prudence des conclusions, souci permanent de l’information des personnes concernées et recours à l’avis de collègues expérimentés pour prendre davantage de recul. Ces exigences sont d’autant plus importantes à respecter qu’elles concernent des situations de signalement potentiel.

 

Avis rendu le 20/03/07
Pour la CNCDP
La Présidente
Anne Andronikof


Articles du code cités dans l’avis : Titre I-2, I-5, I-6. Articles 9, 12, 13, 19.