Avis CNCDP 2010-04

Année de la demande : 2010

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Attestation

Questions déontologiques associées :

– Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale
– Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels (identification du psychologue, du destinataire))
– Respect du but assigné
– Traitement équitable des parties
– Évaluation (Évaluation de personnes que le psychologue n’a pas rencontrées)
– Évaluation (Relativité des évaluations)
– Évaluation (Droit à contre-évaluation)
– Consentement éclairé

Comme il est indiqué dans le Préambule, la CNCDP, instance consultative, n’a pas pouvoir de sanction à l’égard des psychologues. Son rôle est de donner des avis motivés, au regard du Code de Déontologie, sur la conduite générale à tenir, pour les psychologues, au regard des situations exposées.
Face à la demande présentée ici, la CNCDP se propose de traiter des points suivants :

  1. Les règles déontologiques concernant l’autorité parentale pour la consultation d’un psychologue
  2. La question des attestations
  3. L’évaluation de personnes que le psychologue n’a pas rencontrées
  4. La relativité des évaluations

Les règles déontologiques concernant l’autorité parentale pour la consultation d’un psychologue :

La Commission a fréquemment été sollicitée pour traiter de cette question dans le cadre d’une séparation des parents.
Seul l’article 10 du Code évoque l’autorité parentale, mais n’aborde pas directement la situation particulière de parents séparés dont l’un déciderait seul d’une consultation, pour leur enfant, chez un psychologue :
Article 10 – Le psychologue peut recevoir, à leur demande, des mineurs ou des majeurs protégés par la loi. Son intervention tient compte de leur statut, de leur situation et des dispositions légales en vigueur. Lorsque la consultation pour des mineurs ou des majeurs protégés par la loi est demandée par un tiers, le psychologue requiert leur consentement éclairé, ainsi que celui des détenteurs de l’autorité parentale ou de la tutelle.

De fait, deux questions sont posées dans la situation exposée :

  1. Le parent non demandeur de la consultation doit-il en être informé ?
  2. Son consentement préalable doit-il être requis ?

La Commission a estimé, dans des avis précédents, qu’une simple consultation, auprès d’un enfant, pouvait être demandée par un seul des parents jouissant de l’autorité parentale conjointe, chaque parent étant réputé agir avec l’accord de son conjoint et pour le bien de l’enfant. Par contre, un acte inhabituel ou un accompagnement psychologique nécessitent le consentement explicite du parent non demandeur, dans l’intérêt même de l’enfant.

La question des attestations

Toute personne peut demander à un professionnel une attestation faisant état d’éléments constatés au cours d’une consultation. Si le psychologue accepte de  délivrer une telle attestation, celle-ci comprendra les éléments indiqués à l’article 14 :
Article 14 – Les documents émanant d’un psychologue (attestation, bilan, certificat, courrier, rapport, etc.) portent son nom, l’identification de sa fonction ainsi que ses coordonnées professionnelles, sa signature et la mention précise du destinataire.
Dans un contexte de procédure judiciaire, et tout particulièrement dans le cadre d’un conflit parental au sujet de la garde d’un enfant, le psychologue doit faire preuve de prudence et de discernement dans la rédaction d’une telle attestation, destinée à être produite en justice. Ainsi, le titre I-6 du code recommande au psychologue de porter sa vigilance sur les utilisations qui pourraient être faites de ses écrits :
Titre I-6 : Respect du but assigné – (…) Tout en construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue doit donc prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent éventuellement en être faites par des tiers.
De plus, la CNCDP a suggéré aux psychologues, dans des situations semblables, de s’inspirer des recommandations de la partie de l’article 9 du Code, relatives aux expertises judiciaires :
Article 9 – Dans les situations d’expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties et sait que sa mission a pour but d’éclairer la justice et non d’apporter des preuves.

L’évaluation de personnes que le psychologue n’a pas rencontrées

Le Code de Déontologie distingue deux cas de figure :

    1. Donner un avis sur une situation ou un dossier
    2. Procéder à l’évaluation d’une personne

L’article 9 énonce que le psychologue peut donner un avis sur des situations qui lui sont rapportées, mais qu’il ne peut pas faire l’évaluation d’une personne qu’il n’a pas rencontrée :
Article 9 – Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement de ceux qui le consultent ou participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il les informe des modalités, des objectifs et des limites de son intervention. Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations rapportées. Mais son évaluation ne peut porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même. (…)

Ainsi, le psychologue se doit de préciser, dans ses écrits, si ce qu’il relate provient de l’examen personnel d’une situation ou s’il s’agit d’éléments qui lui ont été rapportés.

La relativité des évaluations

Toute évaluation, comme l’indique l’article 19, présente un caractère relatif du fait même qu’il s’agit pour le psychologue de ne pas se limiter à recueillir des faits ou des opinions, mais de faire une estimation et d’interpréter des données :
Article 19 – Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations ou interprétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence sur leur existence.

 

La possibilité, pour les personnes concernées, de solliciter une contre évaluation procède de ce constat. C’est l’article 9, dont certaines parties ont été déjà citées, qui nous confirme cette possibilité :
Article 9 – Dans toutes les situations d’évaluation, quelque soit le demandeur, le psychologue rappelle aux personnes concernées leur droit à demander une contre-évaluation.

Avis rendu le 17 mai 2010
Pour la CNCDP
Le Président
Patrick COHEN

 

Articles du code cités dans l’avis : Titre I-6, articles 9, 10, 14, 19

Avis CNCDP 2010-01

Année de la demande : 2010

Demandeur :
Professionnel Non Pyschologue (Avocat)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Compte rendu

Questions déontologiques associées :

– Responsabilité professionnelle
– Évaluation (Relativité des évaluations)
– Respect du but assigné
– Traitement équitable des parties
– Secret professionnel (Compte rendu, écrit professionnel)
– Secret professionnel (Obligation du secret professionnel)

Comme le rappelle le texte ci-dessus, la CNCDP a un rôle exclusivement consultatif et n’a aucun pouvoir de jugement ou de sanction.
Dans la situation présentée ici, plusieurs aspects de la déontologie sont intriqués. On y relève en effet la question des rapports du psychologue avec la justice, du rapport du psychologue avec ses clients ou patients, de l’incidence des écrits produits par un psychologue et enfin du secret professionnel.
Dans ce contexte la Commission traitera des questions suivantes :

  1. L’indépendance du psychologue dans le choix de ses méthodes
  2. Le traitement équitable des parties
  3. Le respect du secret professionnel

L’indépendance du psychologue dans le choix de ses méthodes

Le psychologue est libre du choix de ses méthodes, pourvu qu’elles soient reconnues comme valides par la communauté professionnelle. En conscience, il décide donc de la façon dont il mène son action. Il s’agit là de ce que l’on pourrait nommer une autonomie technique et qui a pour corollaire la responsabilité du psychologue. L’un de ces principes fondamentaux de l’exercice professionnel est affirmé au Titre I, 3 du Code de déontologie.
Titre I-3 Responsabilité : […] Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l’application des méthodes et techniques psychologiques qu’il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels. 
Le psychologue a par ailleurs le souci des conséquences prévisibles de son écrit et pour ce faire, veille à ce que ses conclusions n’aient pas un caractère définitif, comme le rappelle l’article 19 du code :
Article 19 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence.

Le respect du but assigné et le traitement équitable des parties

Les psychologues sont souvent sollicités par leurs clients pour intervenir en leur faveur dans telle ou telle circonstance de leur vie familiale, sociale ou professionnelle.
Face à de telles demandes, le psychologue est libre de sa décision qu’il prendra après avoir soigneusement analysé la situation, la demande – aux plans explicite et implicite – , les conséquences de sa démarche pour les personnes concernées mais aussi le sens que sa décision aura dans sa relation professionnelle avec l’usager.
En particulier, il se posera la question de savoir s’il ne court pas le risque d’être instrumentalisé, manipulé, dans un conflit que son métier ne l’autorise pas à prendre au premier degré. Sa formation lui permet en effet de prendre une distance suffisante tout en se centrant sur la demande qui lui est faite.
Ainsi, le titre I-6  du Code traite du respect du but assigné :
Titre I-6 Respect du but assigné : Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. Tout en construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue doit donc prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent éventuellement en être faites par des tiers.
De plus la Commission a eu à de nombreuses reprises à traiter de cette question des attestations produites en justice et a émis la recommandation suivante : si le Code ne traite formellement que des situations d’expertise judiciaire nous suggérons toutefois de nous en inspirer pour les situations similaires et de facto d’intégrer la préconisation suivante :
Article 9 : […] Dans les situations d’expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties et sait que sa mission a pour but d’éclairer la justice sur la question qui lui est posée et non d’apporter des preuves.

Le respect du secret professionnel

Le respect du secret professionnel – quels que soient le lieu et le domaine d’exercice et le public concerné – demeure l’un des piliers déontologiques de la profession de psychologue. Il permet en effet au patient, à l’usager, au client d’avoir la garantie d’une préservation des informations personnelles et parfois très intimes, qu’il est amené à confier dans le cadre d’un entretien psychologique. Il est essentiel à l’instauration et à la pérennité d’une relation de confiance sans laquelle aucun travail psychologique qu’il s’agisse de soutien, de conseil, d’évaluation, de psychothérapie, ne peut être sérieusement envisagé.
L’article 12nous précise les conditions de mise en œuvre du secret professionnel :
Article 12 : Le psychologue est seul responsable de ses conclusions. Il fait état des méthodes et outils sur lesquels il les fonde, et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver le secret professionnel. […].
Ainsi il importe de distinguer d’une part les propos de l’usager qui relèvent du secret professionnel par leur caractère intime et d’autre part l’avis professionnel du psychologue qui n’est pas secret quand, après élaboration, il intègre les informations utiles en préservant la confidentialité.
Au demeurant lorsque le psychologue a affaire à une tierce personne, ce même article précise que :
[…] Lorsque ces conclusions sont présentées à des tiers, elles ne répondent qu’à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire.

 

Avis rendu le 21 avril 2010
Pour la CNCDP
Le Président
Patrick COHEN

 

Articles du code cités dans l’avis : Titres I-3, I-6 ; Articles 9, 12, 19.

Avis CNCDP 2009-13

Année de la demande : 2009

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Compte rendu

Questions déontologiques associées :

– Compétence professionnelle (Qualité scientifique des actes psychologiques)
– Responsabilité professionnelle
– Information sur la démarche professionnelle
– Consentement éclairé
– Évaluation (Évaluation de personnes que le psychologue n’a pas rencontrées)
– Évaluation (Relativité des évaluations)
– Mission (Distinction des missions)
– Traitement équitable des parties
– Respect du but assigné

Au regard des questions posées, la Commission se propose de traiter des points suivants :

  1. La qualification du psychologue
  2. La prise en compte du contexte
  3. La différence entre avis sur une situation et évaluation des personnes
  4. La distinction des missions

La qualification du psychologue

Comme il est écrit à l’article 5 du Code de Déontologie des Psychologues, la qualification d’un psychologue "s’apprécie notamment par sa formation universitaire fondamentale et appliquée de haut niveau en psychologie, par des formations spécifiques, par son expérience pratique et ses travaux de recherche." C’est en fonction de sa qualification que le psychologue "détermine l’indication et procède à la réalisation d’actes qui relèvent de sa compétence."

Œuvrant dans le cadre des ses compétences, le psychologue peut tirer de ses observations les conclusions qui lui semblent pertinentes, à condition qu’il puisse les argumenter, et en discuter éventuellement avec ses pairs. C’est un principe fondamental exposé au Titre I-5 :

Titre I-5. Qualité scientifique. Les modes d’intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l’objet d’une explicitation raisonnée de leurs fondements théoriques et de leur construction. Toute évaluation ou tout résultat doit pouvoir faire l’objet d’un débat contradictoire des professionnels entre eux.

En tout état de cause, le Code rappelle aux psychologues qu’ils sont responsables des avis qu’ils émettent et qu’ils doivent tenir compte de leur impact prévisible :

Titre I-3. Responsabilité. Outre les responsabilités définies par la loi commune, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Il s’attache à ce que ses interventions se conforment aux règles du présent Code. Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l’application des méthodes et techniques psychologiques qu’il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels.

La prise en compte du contexte

Un bilan, une évaluation, ne se font jamais "hors contexte". En effet, la personne qui vient consulter le fait pour un motif et dans un but que le psychologue va apprécier avant de procéder à l’examen psychologique.
Dans certaines circonstances, cette première analyse du contexte amènera le psychologue à surseoir à son examen psychologique ou à orienter la personne vers un autre professionnel.
Dans tout les cas de figure, l’évaluation initiale du contexte de la consultation va permettre au psychologue de définir ses objectifs relativement à la situation donnée, de se déterminer quant à la mission qu’il doit ou peut accomplir et d’en présenter les objectifs, les moyens et la portée (étendue et limite) à la personne qui consulte.
Celle-ci, alors bien informée sur le sens de sa propre démarche, sur la nature de l’examen envisagé et ses procédures, sera libre de consentir ou non à l’examen, de poursuivre ou non le travail que lui propose le psychologue.

Il s’agit là d’un principe fondamental de l’exercice professionnel tel qu’il est affirmé au titre I-1 du code, et explicité à l’article 9 :

Titre I-1. Respect des droits de la personne. (…) [Le psychologue] n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. (…)

Article 9 – Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement de ceux qui le consultent ou participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il les informe des modalités, des objectifs et des limites de son intervention (…).

La différence entre avis sur une situation et évaluation des personnes

Le psychologue qui se prononce sur la psychologie d’une personne (un trait de personnalité, une caractéristique de fonctionnement, une aptitude ou inaptitude etc.) fait de facto un acte d’évaluation de cette personne. Or, comme l’établit l’article 9, on ne peut évaluer une personne que si on l’a rencontrée dans un cadre professionnel et, comme nous venons de le voir, après consentement de ladite personne.

Article 9 – (…) Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées, mais son évaluation ne peut porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même. (…)

En revanche, comme on le voit dans cet article, le psychologue a toute latitude pour donner un avis sur un dossier ou une situation, mais seulement si cet avis n’engage pas directement une appréciation sur des personnes.

C’est en rédigeant son compte rendu que le psychologue va indiquer clairement quels sont les éléments qu’il a pu constater lui-même, et lesquels lui ont été rapportés, ce qui permet au lecteur du rapport de situer la nature et la portée des différents aspects du compte rendu.

La distinction des missions

Outre l’analyse du contexte de la consultation, il est essentiel que le psychologue connaisse les contours de la mission qui lui a été confiée ou qu’il s’est donné, et qu’il se maintienne à tout moment dans le cadre strict de cette mission :

Article 4 – Le psychologue (…) peut remplir différentes missions, qu’il distingue et fait distinguer, comme le conseil, l’enseignement de la psychologie, l’évaluation, l’expertise, la formation, la psychothérapie, la recherche, etc. (…)

Dans le contexte de cet avis, la commission portera tout particulièrement sa réflexion sur la phrase subordonnée : "qu’il distingue et fait distinguer".

Elle implique en effet qu’une mission doit être clairement définie tant dans l’esprit du psychologue lui-même que dans celui du commanditaire et/ou du client, et c’est précisément la définition de la mission qui fera l’objet d’un consentement réciproque et qui servira de cadre à l’intervention du psychologue.

Cet aspect est d’autant plus important qu’il existe beaucoup de situations ou la mission n’est pas claire au premier abord. Elle sera alors à construire et expliciter en préalable à l’intervention. Par exemple, bien des consultations, des demandes de bilan, d’attestation, sont faites dans des contextes conflictuels (qui sont d’ailleurs plus ou moins exprimés à la première consultation) et sous-tendues par des passions et des souffrances auxquelles le psychologue doit répondre avec bienveillance sans se départir de sa neutralité.
C’est le cas par exemple des contextes de conflit conjugal, des procédures de divorce et de répartition des droits de garde et d’hébergement des enfants.

a) S’il est commis comme expert par un juge (juge aux affaires familiales, juge des enfants), le psychologue devra faire le tour du problème, recevoir les différentes personnes concernées, et établir un rapport qui répondra avec prudence aux questions que le juge aura posées.
Cette façon de procéder permet au psychologue de se conformer aux règles énoncées dans les articles 9 et 19 du code :

Article 9 – (…) Dans les situations d’expertise, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties et sait que sa mission a pour but d’éclairer la justice sur la question qui lui est posée et non d’apporter des preuves.

Article 19 – Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence.

b) Si la consultation ou la demande de bilan ne se situe pas dans le cadre d’une expertise judiciaire, le psychologue prendra soin de ne pas déborder de sa mission d’évaluation. En effet, ne pouvant rencontrer et évaluer tous les protagonistes, il ne pourra pas les traiter "de façon équitable" et se faire une opinion informée sur l’ensemble de la situation.

En conclusion, la commission estime essentiel qu’un psychologue en charge d’une mission puisse la définir, la délimiter clairement dès le départ et la respecter jusqu’à son terme, dans ce cas la réalisation d’un compte rendu. C’est tout le sens du sixième principe énoncé au titre I du code de déontologie des psychologues :

Titre I – 6. Respect du but assigné. Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions et à eux seulement. Tout en construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue doit donc prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent éventuellement en être faites par des tiers.

Avis rendu le 12 février 2010
Pour la CNCDP
Le Président
Patrick Cohen

 

Articles du code cités dans l’avis : Titres I-1, I-3, I-5, I-6 ; Articles 4, 5, 9, 19.

Avis CNCDP 2003-37

Année de la demande : 2003

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Titre / qualification de psychologue
Précisions :

Questions déontologiques associées :

– Titre de psychologue
– Évaluation (Droit à contre-évaluation)
– Écrits psychologiques (Archivage (conservation des documents psychologiques au sein des institutions : dossiers, notes personnelles, etc.))
– Responsabilité professionnelle
– Respect du but assigné
– Évaluation (Relativité des évaluations)
– Mission (Distinction des missions)
– Abus de pouvoir (Abus de position)
– Traitement équitable des parties

En préalable la Commission rappelle que le titre de psychologue est protégé et que tout abus d’utilisation est passible de la loi. Si comme le soutient le requérant, la personne mise en cause n’est pas titulaire du titre, alors les recommandations qui suivent ne s’appliquent pas à elle.

En revanche, elle pourrait légitimement être accusée d’usurpation du titre de psychologue dans la mesure où sur son papier à en-tête figure la qualité de psychologue. En effet l’Article 1 du Code de déontologie des psychologues stipule : « L’usage du titre de psychologue est défini par la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 publiée au J.O. du 26 juillet 1985. Sont psychologues les personnes qui remplissent les conditions de qualification requises dans cette loi. Toute forme d’usurpation du titre est passible de poursuites. ». Et l’Article 2 ajoute : L’exercice professionnel de la psychologie requiert le titre et le statut de psychologue.

La Commission rappelle qu’elle n’instruit pas les dossiers et que son avis se fonde uniquement sur les documents fournis par le requérant.

Par ailleurs, si le requérant conteste sur le fond l’écrit, l’Article 9 du code de déontologie des psychologues, rappelle qu’il peut demander une contre-expertise : « Dans toutes les situations d’évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue rappelle aux personnes concernées le droit de demander une contre-évaluation. »

1- Forme et contenu des écrits remis par le requérant à la Commission

Sur le plan formel, la Commission note qu’aucun des deux écrits appelés « suivi psychologique » ne répond aux exigences de l’Article 14 du Code : « Les documents émanant d’un psychologue (attestation, bilan, certificat, courrier, rapport, etc.) portent son nom, l’identification de sa fonction ainsi que ses coordonnées professionnelles, sa signature et la mention précise du destinataire ». Aucun des deux écrits ne stipule le destinataire de l’attestation et le second ne mentionne ni la fonction, ni les coordonnées professionnelles de l’auteur, de plus, il n’est pas signé. En outre, datée du même jour, ces écrits portent sur des périodes différentes du suivi : le premier concerne le premier semestre ; le second et le 4ème trimestre de la même année et le premier trimestre de l’année suivante, ce qui conduit à penser que l’un des écrits a été antidaté.
Par ailleurs, le flou du titre de l’écrit renforce l’incertitude quant à son destinataire, or, la psychologue est responsable de ses écrits et doit toujours envisager, en les rédigeant, leurs utilisations possibles, comme le stipule le Titre I-6 du Code : « Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. Tout en construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue doit donc prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent éventuellement en être faites par des tiers ».

S’il s’avère que c’est la psychologue elle-même qui a envoyé, par fax, son écrit sans qu’il ne porte ni le destinataire, ni la signature, ni l’en-tête, alors elle a manqué au Code de déontologie qui recommande la plus grande prudence et rigueur dans la transmission des informations fournies. Le Titre I-6 déjà cité ne conçoit ces informations portées dans les écrits qu’en regard d’une démarche professionnelle qui comporte deux aspects : la nature de la demande, le but assigné, or la lecture des comptes rendus ne permet pas de saisir quelle était la demande et ne mentionne pas l’objectif de l’écrit.

Sur le plan du contenu, certaines des affirmations de la psychologue manquent de prudence et contreviennent à l’Article 19 qui précise : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence ». Elle contrevient encore à cet Article 19 en citant certaines paroles dont elle dit qu’elles ont été émises dans le cadre d’un jeu imaginaire avec l’enfant, tout en laissant entendre que l’enfant aurait ainsi décrit sa réalité familiale.

Par ailleurs, sans motiver sa position, elle termine en recommandant « un mode de garde unique » et affirme que l’enfant est « prêt à s’investir dans le milieu familial de sa mère. Il peut s’y épanouir sans perdre pour autant contact avec son père ». Or, cette professionnelle n’était pas en position d’expertise, si bien que rédigeant ainsi son écrit, elle contrevient à l‘Article 4 qui stipule : « Le psychologue peut exercer différentes fonctions à titre libéral, salarié ou d’agent public. Il peut remplir différentes missions, qu’il distingue et fait distinguer » et à l’Article 11: « Le psychologue n’use pas de sa position à des fins personnelles, de prosélytisme ou d’aliénation d’autrui. Il ne répond pas à la demande d’un tiers qui recherche un avantage illicite ou immoral, ou qui fait acte d’autorité abusive dans le recours à ses services. Le psychologue n’engage pas d’évaluation ou de traitement impliquant des personnes auxquelles il serait déjà personnellement lié ». En effet, voyant la mère et l’enfant dans le cadre d’une thérapie, ne connaissant pas le père, elle aurait dû faire preuve de plus de prudence pour recommander le fait que la garde revienne à la mère.

2. Traitement équitable des deux parents

Le fait que la psychologue ait, aux dires du requérant, traité manifestement différemment le père et la mère pose problème, même si la psychologue n’était pas en situation d’expertise judiciaire. En effet, alors que l’Article 9 du Code précise que « dans les situations d’expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties », la Commission estime fondé d’étendre cette obligation à toutes situations mettant en jeu un enfant. Seule le fait que la rencontre entre le père, l’enfant et la psychologue présente un danger psychique pour ce dernier justifierait un traitement différencié du père. Or, au vu des documents fournis par le requérant, rien n’indique que la psychologue ait estimé que le père présentait un danger pour son enfant.

 

Conclusion

Si la psychologue est titulaire du titre de psychologue, alors elle a contrevenu au code de déontologie des psychologues dans la forme et le fond de ses écrits et dans le fait qu’elle n’a pas traité de façon équitable les deux parents de cet enfant.

Fait à Paris, le 12 juin 2004
Pour la CNCDP
Vincent Rogard, Président

Avis CNCDP 2003-36

Année de la demande : 2003

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Rapport d’enquête

Questions déontologiques associées :

– Respect du but assigné
– Traitement équitable des parties

La Commission rappelle qu’elle ne traite que de problèmes déontologiques concernant l’exercice professionnel des psychologues. Il ne sera donc pas fait réponse à la demande sur le compte rendu de l’enquête sociale qui n’émane pas d’un psychologue.

Pour ce qui concerne l’examen médico-psychologique, la Commission précise qu’il n’entre pas dans ses missions de commenter le contenu d’un compte-rendu d’une psychologue. La psychologue dans le travail effectué à la demande de la présidente du tribunal a-t-elle commis des manquements au Code de déontologie des psychologues ? A ce sujet le requérant ne dit rien, il ne formule aucune remarque.

Pour autant la Commission note que la psychologue a :

– respecté le but assigné : «Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement… » (Titre I-6 du Code) dans l’approche de la situation pour laquelle est requise (voir l’en-tête de son compte rendu et l’ordonnancement de la Cour).

– abordé les différents protagonistes de manière « identique » : «Dans les situations d’expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties et sait que sa mission a pour but d ‘ éclairer la justice sur la question qui lui est posée et non d’apporter des preuves ». (Article 9). Ceci est bien détaillé dans le préambule de son compte rendu.

Il est difficile à la Commission d’aller plus loin ne sachant pas ce qui fait problème au requérant dans le compte rendu de la psychologue commise par la Cour d’Appel.

Fait à Paris, le 8 mai 2004
Pour la CNCDP
Vincent Rogard, Président

Avis CNCDP 2010-02

Année de la demande : 2010

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Expertise judiciaire

Questions déontologiques associées :

– Compétence professionnelle (Formation (formation initiale, continue, spécialisation))
– Compétence professionnelle (Qualité scientifique des actes psychologiques)
– Responsabilité professionnelle
– Autonomie professionnelle
– Diffusion de la psychologie
– Traitement équitable des parties
– Évaluation (Droit à contre-évaluation)
– Évaluation (Relativité des évaluations)
– Probité
– Respect du but assigné
– Discernement

Comme le rappelle l’avertissement précédent, la commission n’a ni vocation ni mandat pour juger de la pratique d’un psychologue et en l’occurrence apprécier le contenu ou l’organisation d’une expertise psychologique. Elle ne peut que tenter d’éclairer cette pratique à la lumière du code de déontologie et proposer notamment une réflexion sur les conditions optimales de la réalisation des différentes missions du psychologue.

Au regard des questions soulevées par la demandeuse, la commission traitera des points suivants :
Compétence, responsabilité et indépendance professionnelle du psychologue
Diffusion de la psychologie auprès du public
Traitement équitable des parties et critères présidant au travail d’expertise psychologique.

Compétence, responsabilité et indépendance professionnelle du psychologue

Une expertise psychologique constitue un important travail de réalisation d’entretiens avec une ou des personnes, de recueil et d’analyse de données à partir de ces rencontres, d’élaboration de celles-ci puis enfin, de rédaction d’un ensemble d’observations et de conclusions.
Pour ce faire, le psychologue expert planifie et programme les entretiens, examens psychologiques, tests qu’il estime nécessaires à la compréhension d’une situation de manière à l’appréhender au mieux dans toute sa complexité et avec le maximum d’objectivité.
Lors d’un examen psychologique familial, c’est à lui qu’incombe de déterminer quels membres de la famille il va rencontrer, et dans quel contexte, c’est à dire seuls, en couple, en groupe. Il peut ainsi lui apparaître nécessaire de rencontrer plusieurs fois l’enfant (ou les enfants) seul, avec chacun de ses parents ou encore avec ses deux parents ou d’autres membres de la famille pour tenter de saisir de manière fine et la plus exhaustive possible les interactions et enjeux familiaux.
Outre une formation initiale universitaire, le psychologue a en principe été formé à ce travail d’expertise et/ou dispose d’une expérience conséquente en la matière, ce qui lui permet de produire un rapport écrit de qualité, solidement étayé et documenté.
Pour l’organisation de son travail, le psychologue expert a toute latitude, le seul fil conducteur de sa démarche étant la réponse à la ou aux questions pour lesquelles il a été missionné. Il est d’ailleurs essentiel, pour la conduite de son examen, qu’il agisse en toute indépendance, sans se laisser influencer par des pressions d’aucune sorte.
Dans ce cadre, il peut juger approprié de s’abstenir de rencontrer d’autres collègues psychologues ou professionnels (de santé, sociaux…) qui ont eu à connaître les personnes faisant l’objet de l’expertise ou assurent encore leur suivi.
Travailler de manière indépendante permet aussi de porter un regard neuf sur une situation, et de prendre le recul nécessaire.
Plusieurs passages du code, principes généraux du titre I ou articles, évoquent ces notions de compétence, de responsabilité mais aussi d’indépendance propres à l’exercice du psychologue et qui lui permettent de s’acquitter d’une mission avec rigueur et sérénité :

Titre I-2 Compétence : Le psychologue tient ses compétences de connaissances théoriques régulièrement mises à jour, d’une formation continue et d’une formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières et définit ses limites propres, compte tenu de sa formation et de son expérience. Il refuse toute intervention lorsqu’il sait ne pas avoir les compétences requises.
Titre I-3 Responsabilité : Outre les responsabilités définies par la loi commune, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Il s’attache à ce que ses interventions se conforment aux règles du présent Code. Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l’application des méthodes et techniques psychologiques qu’il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels.
Titre I-7 Indépendance professionnelle : Le psychologue ne peut aliéner l’indépendance nécessaire à l’exercice de sa profession sous quelque forme que ce soit.
Article 12 : Le psychologue est seul responsable de ses conclusions. Il fait état des méthodes et outils sur lesquels il les fonde, et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver le secret professionnel. (…)

Diffusion de la psychologie auprès du public

Un psychologue a la possibilité s’il le souhaite, de témoigner de son savoir, de sa pratique et de son expérience, soit à travers une forme d’enseignement ou de transmission auprès d’étudiants ou de pairs, soit auprès d’un public plus large, à travers des publications et interventions audiovisuelles (conférences, radio, télévision, internet). Son témoignage peut être précieux pour la communauté professionnelle et permet d’informer également des personnes non psychologues sur une thématique précise.
Dans ce dernier cas, il doit être vigilant d’une part à ce que ses propos ne contreviennent pas aux règles du code de déontologie de sa profession et d’autre part à ne pas faire état dans le détail des méthodes et techniques qu’il emploie.
En ce qui concerne d’éventuelles hypothèses explicatives ou développements théoriques à propos d’une pathologie ou problématique, il doit veiller à être pédagogue, clair, prudent dans leur énonciation et à bien préciser le contexte de leur élaboration.

Les articles 25 et 26 explicitent les conditions de cette diffusion :

Article 25 : Le psychologue a une responsabilité dans la diffusion de la psychologie, auprès du public et des médias. Il fait de la psychologie et de ses applications une présentation en accord avec les règles déontologiques de la profession. Il use de son droit de rectification pour contribuer au sérieux des informations communiquées au public.
Article 26 : Le psychologue n’entre pas dans le détail des méthodes et techniques psychologiques qu’il présente au public, et il l’informe des dangers potentiels d’une utilisation incontrôlée de ces techniques.
Dans la situation de présentation de cas, le psychologue doit veiller à l’anonymat des personnes et à la préservation de leur dignité et bien-être :

Article 32 : (…) les présentations de cas se font dans le respect de la liberté de consentir ou de refuser, de la dignité et du bien-être des personnes présentées.

Traitement équitable des parties et critères présidant au travail d’expertise psychologique.

Ainsi qu’il a été dit précédemment, une expertise psychologique est un travail complexe et rigoureux d’analyse et compréhension d’une ou de personnalités singulières, de dynamiques personnelles et familiales, de mise à jour d’éléments explicatifs de symptômes, mises en actes, dysfonctionnements, conflits, dissensions.
Il requiert par conséquent la garantie d’un certain nombre de critères et règles parmi lesquels, en premier lieu, le traitement équitable des parties.

Le psychologue expert doit en effet veiller au traitement équitable des différentes personnes rencontrées, afin que chacun puisse être entendu, reconnu dans ses arguments et choix et que la synthèse produite soit la plus exhaustive et objective possible.
C’est précisément pour éviter toute forme de parti pris que le psychologue sera particulièrement attentif à cette règle et aura le souci d’accorder autant d’attention à chaque protagoniste. Les psychologues experts notent d’ailleurs en préalable de leur écrit les dates des rencontres réalisées et l’identité des personnes concernées par chacune d’elles.

Article 9 : (…) Dans les situations d’expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties et sait que sa mission a pour but d’éclairer la justice sur la question qui lui est posée et non d’apporter des preuves.
Il pourra également rappeler aux personnes concernées, autant que de besoin, la possibilité de solliciter auprès du juge une contre-évaluation :

Article 9 : (…) Dans toutes les situations d’évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue rappelle aux personnes concernées leur droit à demander une contre-évaluation. (…).
D’autres critères sont importants et notamment la probité et la qualité scientifique du psychologue. Deux principes du titre I déclinent ces notions : 

Titre I-4 Probité : Le psychologue a un devoir de probité dans toutes ses relations professionnelles. Ce devoir fonde l’observance des règles déontologiques et son effort continu pour affiner ses interventions, préciser ses méthodes et définir ses buts.
Titre I-5 Qualité scientifique : Les modes d’intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l’objet d’une explicitation raisonnée de leurs fondements théoriques et de leur construction. (…)
Le psychologue, dans l’accomplissement de sa tâche d’expertise répond en outre à un "but assigné", c’est-à-dire à une ou des questions ou demandes précises formulées par le juge qui l’a missionné. Dans le cas présent, l’expertise est réalisée "aux fins de statuer sur l’exercice de l’autorité parentale et le droit de visite et d’hébergement". A cet effet, le psychologue est libre de choisir les méthodes et modalités qui lui paraissent le plus appropriées, dans la mesure où il apporte une réponse effective à la question posée. Le principe I-6 illustre ce point :

Titre I-6 Respect du but assigné : Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. Tout en construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue doit donc prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent éventuellement en être faites par des tiers.
Dans le cadre d’une expertise, le rapport écrit est prioritairement destiné au juge et a pour vocation d’éclairer sa décision. Il est également important de rappeler qu’in fine, c’est bien sûr toujours le juge et seulement lui qui rend cette décision.

Enfin, le psychologue en charge d’une expertise doit faire preuve de discernement et de prudence dans ses analyses, ce qui ne signifie pas qu’il ne doit pas se positionner et formuler des préconisations dûment argumentées. Deux articles éclairent cette attitude professionnelle, si précieuse au psychologue : 

Article 17 : La pratique du psychologue ne se réduit pas aux méthodes et aux techniques qu’il met en œuvre. Elle est indissociable d’une appréciation critique et d’une mise en perspective théorique de ces techniques.
Article 19 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence.
Dans ces situations très sensibles, où l’enfant se retrouve souvent "au milieu" du conflit parental, l’expertise psychologique peut révéler des enjeux affectifs complexes. Pour la conduire, le psychologue doit donc à la fois répondre à la question posée par le juge et veiller à son impartialité dans un contexte rendu difficile par les attentes très fortes et contradictoires des parents et le mal être de l’enfant, pris dans ce conflit.
Ainsi la préservation de la neutralité psychologique dans le cadre d’une expertise judiciaire est un réel enjeu déontologique, dont le code peut être un garant solide.

 

Avis rendu le 21 Avril 2010
Pour la CNCDP
Le Président
Patrick COHEN

 

Articles du code cités dans l’avis : Titres I-2, I-3, I-4, I-5, I-6, I-7, Articles 9, 12, 17, 19, 25, 26, 32.

Avis CNCDP 2010-14

Année de la demande : 2010

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Rapport d’expertise judiciaire

Questions déontologiques associées :

– Traitement équitable des parties
– Évaluation (Évaluation de personnes que le psychologue n’a pas rencontrées)
– Évaluation (Droit à contre-évaluation)
– Responsabilité professionnelle
– Autonomie professionnelle

Eu égard à la situation présentée, la Commission portera sa réflexion sur la notion de traitement équitable.
En seconde partie, la Commission se penchera sur la notion de « neutralité », qui est évoquée de manière très intéressante dans cette demande.

1. Le traitement équitable des parties

Le Code de déontologie des psychologues ne comporte qu’une référence directe à la situation spécifique de l’expertise judiciaire, insérée dans l’article 9 :
Article 9 : […] Dans les situations d’expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties et sait que sa mission a pour but d’éclairer la justice sur la question qui lui est posée et non d’apporter des preuves.
La première partie de la phrase (« traite de façon équitable ») concerne essentiellement les expertises effectuées à la demande du juge aux affaires familiales lorsqu’il y a litige sur le droit de garde et d’hébergement des enfants d’un couple séparé. La seconde partie (éclairer la justice et non apporter des preuves) concerne plutôt les expertises réalisées dans un contexte pénal.
Dans le cas d’un conflit entre des personnes, le psychologue procède à des entretiens où chacune des parties est convoquée, afin de se forger ensuite, en connaissance de cause, son opinion, et répondre aux questions posées dans la mission qui lui a été confiée. Plus précisément, dans le cas d’un conflit parental, les parents  sont reçus, ensemble ou séparément,  ainsi que les enfants.
Ainsi, sur le plan déontologique, recevoir tous les protagonistes concernés est fondamental dans la mesure où cela permet au psychologue de ne pas tirer de conclusions à partir des seuls dires d’une autre personne, et d’évaluer le plus objectivement possible une situation donnée, comme l’établit l’article 9 dans un autre passage:
Article 9 : […] Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées, mais son évaluation ne peut porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même. […].
Le psychologue est toutefois libre d’organiser son examen comme il l’estime approprié :
Titre I-3 Responsabilité : […] Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l’application des méthodes et techniques psychologiques qu’il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels.
Dans cet esprit, il est libre de recueillir ou non toute information supplémentaire, ou de prendre contact avec un autre membre de l’entourage.
Il est libre de recevoir les parents et les enfants ensemble ou séparément, de les voir plusieurs fois si nécessaire, libre de choisir ses méthodes (entretiens ou tests).

2. La neutralité du psychologue

Dans le Code, on ne trouve aucune mention du terme « neutralité ». Ce terme fait pourtant partie de la représentation que les gens se font communément de l’exercice de la psychologie et il est généralement associé à l’adjectif « bienveillante ».
La « neutralité bienveillante » est une expression issue de la psychologie humaniste qui s’applique généralement aussi  au travail du psychanalyste dans sa relation à l’analysant.
Si neutralité veut dire qu’on ne porte pas de jugement moral et qu’on ne prend pas partie, alors il est évident que le psychologue se doit de rester neutre. Si en revanche la notion de neutralité devait s’entendre comme interdiction d’évaluer une situation ou un fonctionnement psychologique, alors elle ne peut s’appliquer à l’exercice de la psychologie, hormis peut-être dans une relation psychothérapeutique.
En effet, il est demandé aux psychologues de donner un avis d’expert (au sens général du terme) sur une personnalité ou une situation. Cela veut dire que, une fois qu’ils ont examiné la situation (de manière équitable) et par les méthodes qu’ils ont choisi d’appliquer, les psychologues doivent donner leur avis. C’est le cas par exemple d’une recherche de diagnostic, d’un conseil d’orientation, d’un recrutement, de recommandations de traitement, etc.
C’est le cas aussi dans une mission d’expertise : le juge demande à être éclairé par le point de vue du psychologue, et reste libre de prendre la décision qui lui paraît la plus juste et/ou la plus appropriée.
Soulignons que dans les situations de conflit entre parents, c’est l’intérêt de l’enfant qui reste au premier plan de la réflexion du psychologue, comme de la décision du juge.

Conclusion

La Commission est consciente que son avis, de portée générale, risque de ne pas répondre précisément aux attentes du demandeur, qui conteste les décisions du juge et voit un rapport direct entre celles-ci et les conclusions de l’expertise psychologique.
En outre, le demandeur dénonce l’utilisation du rapport d’expertise qui serait faite par son ex-conjoint. A ce sujet le titre I-6 du code énonce, dans sa deuxième partie, que d’une manière générale :
Titre I-6 : […] Tout en construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue doit donc prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent éventuellement en être faites par des tiers.
Mais, sur ce dernier point, la Commission rappelle qu’une expertise est faite à la demande d’un juge, qui en est l’unique destinataire. Dans ce cas, le psychologue ne peut être tenu pour responsable des utilisations ultérieures qui seront faites de son rapport.
Concernant la contestation des conclusions d’un rapport d’expertise (ou d’un examen psychologique), la Commission reconnaît la légitimité de telles démarches : toute personne ayant été évaluée doit se sentir libre de solliciter un autre avis, et dans le cas d’une expertise, de demander une contre-expertise.
Cette notion est aussi abordée dans l’article 9 :
Article 9 : […] Dans toutes les situations d’évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue rappelle aux personnes concernées leur droit à demander une contre-évaluation. […].

Avis rendu le 10/01/2011
Pour la CNCDP
Le Président
Patrick COHEN

 

Articles du code cités dans l’avis : Titres I-3, I-6 ; Article 9

Avis CNCDP 2010-13

Année de la demande : 2010

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Rapport d’expertise judiciaire

Questions déontologiques associées :

– Abus de pouvoir (Abus de position)
– Mission (Compatibilité des missions avec la fonction, la compétence, le Code de déontologie, dans un contexte professionnel donné)
– Mission (Distinction des missions)
– Consentement éclairé
– Évaluation (Droit à contre-évaluation)
– Traitement équitable des parties
– Compétence professionnelle (Qualité scientifique des actes psychologiques)
– Responsabilité professionnelle
– Respect de la loi commune

Préambule

A plusieurs reprises, la CNCDP a examiné des situations similaires et l’on pourra utilement se référer aux  avis qui ont traité la problématique de la situation judiciaire de garde pour un couple.
Il importe toutefois de rappeler que la CNCDP, instance consultative, ne peut donner de suite à une plainte et à fortiori ne peut prendre des sanctions à l’égard de psychologues.
En effet, en l’absence de débat contradictoire et n’établissant ses avis que sur le témoignage du demandeur, elle oriente ses réponses sur une réflexion éthique à partir d’une situation présentée par le demandeur. Elle n’a donc aucun rôle d’arbitrage.
Dans ce contexte, la CNCDP se propose de traiter les questions suivantes :

  • L’abus de position du psychologue.
  • La discrimination religieuse
  • L’abus de pouvoir
  • L’abus de position

La notion de position dominante ou d’abus de position est généralement utilisée au plan économique.
Il s’agit d’une exploitation abusive de sa position qui est soit exclusive, soit dominante, pour fixer des prix, des conditions de vente ou de distribution.
En résumé, l’entreprise en position dominante fixe les règles et fait en quelque sorte la loi sur le marché.
La notion de position dominante appliquée aux conflits familiaux ou aux individus n’existe pas, semble-t-il, en droit français. Nous pouvons néanmoins nous interroger sur la transposition de ce concept appliqué à la profession de psychologue.
Que serait donc un abus de position d’un psychologue ?
Nous retenons deux déclinaisons possibles :

  • Un abus lié à une position dominante du psychologue.
  • Il convient au préalable de préciser qu’en soi, une position dominante n’est pas nécessairement répréhensible. Ainsi, un psychologue exerçant en milieu rural où il serait le seul, ne fait pas obligatoirement preuve d’abus. Dans ce cas particulier, l’abus proviendrait par exemple d’application de tarifs prohibitifs en raison de l’absence de psychologue « 50 km à la ronde ».
  • Un abus lié à l’autorité morale que représenterait le psychologue.
  • Entre le fait que le psychologue est plus généralement considéré comme un spécialiste du comportement humain, plutôt qu’une autorité morale, cette notion d’autorité ne serait valide que si le psychologue ne fondait ses interventions que sur sa propre initiative. 

Le Code sur ces deux plans nous apporte des éléments de réflexion :
Article 23 – Le psychologue ne concurrence pas abusivement ses collègues et fait appel à eux s’il estime qu’ils sont plus à même que lui de répondre à une demande.
Les tarifs pratiqués par les psychologues ne doivent donc pas êtres disproportionnés par rapport au service rendu et par rapport aux honoraires appliqués par des confrères y compris lorsque le psychologue détient un monopole géographique ou thématique.
Que ce soit en tant que salarié où il est missionné par l’institution ou que ce soit en libéral où il est mandaté par le client qui sollicite son intervention, le psychologue n’intervient pas de sa propre initiative.
L’Article 7 confirme ce cadre d’intervention et précise le degré d’autonomie du psychologue dans l’acceptation des missions qui lui sont confiées :
Article 7 – Le psychologue accepte les missions qu’il estime compatibles avec ses compétences, sa technique, ses fonctions, et qui ne contreviennent ni aux dispositions du présent Code, ni aux dispositions légales en vigueur.
Enfin, l’article 4 énonce que le psychologue peut exercer différente fonctions :
Article 4 – Le psychologue peut exercer différentes fonctions à titre libéral, salarié ou d’agent public. Il peut remplir différentes missions, qu’il distingue et fait distinguer, comme le conseil, l’enseignement de la psychologie, l’évaluation, l’expertise, la formation, la psychothérapie, la recherche, etc. […].

L’abus de pouvoir

Le pouvoir réside dans l’ensemble des moyens dont dispose un individu en vue d’une action ou mission déterminée. En soi, il n’est pas répréhensible.
L’abus de pouvoir est constitué par une utilisation de ces moyens qui serait excessive, inadaptée ou détournée. Le caractère arbitraire de cette utilisation signe le plus souvent la dimension abusive.
Pour un psychologue, abuser de son pouvoir serait de l’utiliser à des fins autres que celles pour lesquelles il serait missionné ou alors d’utiliser ces moyens pour servir ses intérêts privés.
Plusieurs titres et un article du Code définissent le périmètre de cette question :
Article 9 – Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement de ceux qui le consultent ou participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il les informe des modalités, des objectifs et des limites de son intervention. […].
L’intervention du psychologue est donc soumise à l’accord du bénéficiaire qui doit en connaître par avance le champ, l’étendue et les moyens. Ainsi toute modification du cadre préalable pourra donner droit à contestation. De ce point de vue, un dépassement de ce cadre pourrait être signifié au psychologue. Ce même article ajoute :
[…] Dans toutes les situations d’évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue rappelle aux personnes concernées leur droit à demander une contre-évaluation. […] Dans les situations d’expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties et sait que sa mission a pour but d’éclairer la justice sur la question qui lui est posée et non d’apporter des preuves. 
L’avis du psychologue peut être contredit ou relativisé ce qui limite conséquemment l’étendue de son pouvoir.
Enfin, si le psychologue dispose d’une certaine autonomie technique celle-ci n’est pas arbitraire et engage sa responsabilité comme le définissent les Titre 1-3 et 1-5 des Principes Généraux du Code de Déontologie :
Titre I-5 Qualité scientifique : Les modes d’intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l’objet d’une explicitation raisonnée de leurs fondements théoriques et de leur construction. […].
Titre I-3 Responsabilité : Outre les responsabilités définies par la loi commune, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Il s’attache à ce que ses interventions se conforment aux règles du présent Code. Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l’application des méthodes et techniques psychologiques qu’il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels.

La discrimination religieuse

L’interdiction de toute discrimination religieuse fait partie des droits fondamentaux de tout citoyen. De multiples textes nationaux et internationaux y font référence. A cet égard, les Nations Unies ont défini (Haut Commissariat aux Droits de l’Homme) trois types d’obligations pour les Etats :

  • Obligation de respect (des religions),
  • Obligation de protection notamment envers toute forme de discrimination,
  • Obligation d’accomplissement c’est-à-dire faire en sorte que chacun puisse exercer ses droits.

Comme le précise l’Article 13, « (…) [Le] titre [de psychologue] ne le dispense pas des obligations de la loi commune. […]. »
Cet impératif ne s’oppose cependant pas au fait que le psychologue ait à tenir compte des convictions  religieuses des personnes qu’il a à examiner, si l’expression spontanée de ces convictions fait partie de l’ensemble du matériel recueilli et s’il estime que leur incidence sur la dynamique relationnelle des personnes examinées doit être prise en compte
En effet, le travail du psychologue est généralement d’interpréter l’ensemble des matériaux recueillis quelle que soit leur nature.
Bien évidemment, l’utilisation de ces matériaux n’a pas pour objet d’apporter une appréciation sur les opinions ou croyances des sujets qui le consultent, mais plutôt de donner du sens sur le plan psychologique à l’utilisation qui en est faite par ces mêmes sujets et de réfléchir à l’incidence que ces croyances ou ces convictions peuvent avoir sur la situation à propos de laquelle l’expertise du psychologue a été sollicitée.

Avis rendu le 06/12/2010
Pour la CNCDP
Le Président,  Patrick COHEN

 

Articles du code cités dans l’avis : Titres I-3, I-5 ; Articles 4, 7, 9, 13, 23.

Avis CNCDP 2010-12

Année de la demande : 2010

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Attestation

Questions déontologiques associées :

– Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels (identification du psychologue, du destinataire))
– Compétence professionnelle (Qualité scientifique des actes psychologiques)
– Évaluation (Évaluation de personnes que le psychologue n’a pas rencontrées)
– Évaluation (Relativité des évaluations)
– Évaluation (Droit à contre-évaluation)
– Traitement équitable des parties
– Responsabilité professionnelle
– Transmission de données psychologiques (Compte rendu aux parents)

La CNCDP n’étant pas une instance d’arbitrage fondée à juger la qualité du travail réalisé par un psychologue, elle éclairera uniquement la demandeuse sur les éléments déontologiques concernant les situations qui mettent en jeu des écrits émanant de psychologues. Très souvent sollicitée à propos de questions similaires, relatives à des écrits de psychologues réalisés dans un contexte de conflit parental, la commission fera porter sa réflexion sur les trois points suivants :

  • La forme et la qualité scientifique des écrits professionnels
  • Le caractère relatif des évaluations et le droit à une contre-évaluation
  • Le traitement équitable des parties et la responsabilité du psychologue

1. La forme et la qualité scientifique des écrits professionnels

La commission rappellera tout d’abord, au regard de l’article 14, que tout écrit établi par un psychologue doit préciser son nom, sa fonction, son adresse professionnelle, la date et le contexte de la demande, le ou les destinataire(s) du document ainsi que les méthodes éventuellement utilisées pour étayer ses conclusions (tests, entretiens…).
Article 14 : Les documents émanant d’un psychologue (attestation. bilan, certificat, courrier, rapport, etc.) portent son nom, l’identification de sa fonction ainsi que ses coordonnées professionnelles, sa signature et la mention précise du destinataire. […].
Elle rappelle également que la qualité scientifique des écrits du psychologue peut faire l’objet de débats, tel que cela est stipulé dans l’un des principes généraux du code de déontologie des psychologues :
Titre I-5 : les modes d’intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l’objet d’une explicitation raisonnée de leurs fondements théoriques et de leur construction. Toute évaluation ou tout résultat doit pouvoir faire l’objet d’un débat contradictoire des professionnels entre eux.
Le code indique par ailleurs qu’un psychologue ne peut évaluer une personne s’il ne l’a pas rencontrée :
Article 9 : […] les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Mais son évaluation ne peut porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même. […].

2. Le caractère relatif des évaluations et le droit à une contre-évaluation

L’article 19 du code de déontologie des psychologues met en avant l’idée essentielle que le psychologue est conscient de la relativité des évaluations qu’il réalise dans le cadre d’une mission confiée :

Article 19 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices et définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment ses conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence.
En outre, toute personne faisant l’objet d’une évaluation doit être informée des conclusions de cette évaluation. En cas de contestation, l’article 9 du code de déontologie rappelle que le psychologue doit informer l’intéressé de son droit à solliciter une contre-évaluation :
Article 9 : […] Dans toutes les situations d’évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue rappelle aux personnes concernées leur droit à demander une contre-évaluation. […].

3. Le traitement équitable des parties et la responsabilité du psychologue

Dans l’exercice de sa profession le psychologue doit pouvoir bénéficier d’une autonomie suffisante pour que puisse prendre place une distanciation nécessaire avec les deux parties en présence, en particulier dans les cas de conflits parentaux mettant en jeu la garde d’un enfant.
La commission recommande ainsi au psychologue la rigueur, la prudence et un effort constant de discernement pour garantir la qualité et l’équité de ses conclusions, notamment dans les situations où il est appelé à rencontrer divers interlocuteurs, pris dans un processus conflictuel souvent générateur de souffrance et de difficulté à communiquer.
A ce propos,  une autre partie de l’article 9 stipule :
Article 9 : […] Dans les situations d’expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable les parties […].
Dans tous les cas, le psychologue est investi d’une responsabilité professionnelle. Le titre I-3 explicite les modalités de cette responsabilité :
Titre I-3 : Outre les responsabilités définies par la loi commune, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Il s’attache à ce que ses interventions se conforment aux règles du présent code. […]. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels.
Par ailleurs, ses conclusions reposent sur des méthodes et des outils dont il doit pouvoir rendre compte comme le précise 1’article 12 :
Article 12 : le psychologue est seul responsable de ses conclusions. Il fait état des méthodes et outils sur lesquels il les fonde, et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver le secret professionnel. […].
En définitive, lorsqu’il évalue les aptitudes et la personnalité d’un patient, le psychologue engage sa responsabilité, même et surtout lorsqu’il s’agit d’enfants.

Avis rendu le 15/12/2010
Pour la CNCDP
Le Président
Patrick COHEN

 

Articles du code cités dans l’avis : Titres I-3, I-5 ; Articles 9, 12, 9, 19.

Avis CNCDP 2010-11

Année de la demande : 2010

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Examen psychologique

Questions déontologiques associées :

– Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale
– Traitement équitable des parties
– Évaluation (Évaluation de personnes que le psychologue n’a pas rencontrées)
– Évaluation (Relativité des évaluations)
– Autonomie professionnelle
– Abus de pouvoir (Abus de position)
– Reconnaissance de la dimension psychique des personnes

En préambule, la CNCDP rappelle qu’elle a un rôle consultatif, qu’elle n’est pas une instance disciplinaire et qu’elle n’a pas pouvoir d’arbitrage ou de sanction. Les avis de la commission sont transmis uniquement à la personne qui la sollicite. Elle n’a donc pas autorité pour intervenir directement auprès du psychologue.
Nous retiendrons du courrier reçu les points suivants, que nous allons développer :

  • Conduite à tenir par un psychologue dans le cas où un seul parent le sollicite,
  • Traitement équitable des parties et relativité des évaluations dans les écrits destinés à être produits en justice,
  • La notion d’intérêt de l’enfant. 

Conduite à tenir par un psychologue dans le cas où un seul parent le sollicite.

Aucun article spécifique du Code de déontologie des psychologues ne précise la conduite à tenir dans le cas où un seul parent sollicite une consultation chez un psychologue.
Le seul à mentionner la notion d’autorité parentale est l’article 10 : il précise des règles dans le cas d’une demande de consultation d’un enfant par un tiers.
Article 10 : […] Lorsque la consultation pour des mineurs ou des majeurs protégés par la loi est demandée par un tiers, le psychologue requiert leur consentement éclairé, ainsi que celui des détenteurs de l’autorité parentale ou de la tutelle.
La commission, fréquemment questionnée sur ces problèmes, avait déjà considéré, dans d’autres avis, qu’une consultation ponctuelle pouvait être envisagée comme un « acte usuel » au sens de l’article 372-2 du code civil, et donc qu’un seul des deux parents pouvait en prendre l’initiative, tant qu’aucun indice de conflit parental n’est visible.
Par contre, si cet acte ponctuel a des suites (par exemple suivi psychologique de l’enfant), le consentement éclairé de ses deux parents doit être requis, dans l’intérêt même de l’enfant. Quant à ce dernier, il est important de l’informer et de recueillir également son consentement, dans des formes adaptées à sa maturité.

Traitement équitable des parties et relativité des évaluations dans les écrits destinés à être produits en justice.

Dans les situations de conflit parental, liées à une séparation, le juge peut ordonner une expertise psychologique. L’expert psychologue devra alors répondre aux questions posées par ce dernier, après avoir reçu le père, la mère ainsi que les enfants.
Dans ce cadre, le code de déontologie énonce la règle suivante :
Article 9 : […] Dans les situations d’expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties et sait que sa mission a pour but d’éclairer la justice sur la question qui lui est posée et non d’apporter des preuves.
La commission a souvent conseillé au psychologue de s’inspirer de cet article dans des situations de désaccord concernant le mode de garde, notamment dans les cas où la demande de consultation de l’enfant émane d’un seul parent, et ceci particulièrement lorsqu’il est amené à produire un écrit, sous quelque forme que ce soit, destiné à la justice. Dans ce cas précis, il doit faire preuve de la plus grande prudence tant dans la forme que dans le contenu de ce document. Il est en effet, dans la majorité des cas, souhaitable de ne pas engager l’avenir de l’enfant sans consultation des deux parents.
Dans ce contexte, le psychologue devra fonder ses conclusions uniquement sur ce qu’il a pu observer lui-même, car il ne peut évaluer des personnes qu’il n’a pas rencontrées, comme l’indique une autre partie de l’article 9 :
Article 9 : […] Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Mais son évaluation ne peut porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même. […].
Ainsi, il lui faudra préciser si ce qu’il formule repose sur des points de vue ou des propos qui lui ont été rapportés, ou sur ce qu’il a pu conclure de son évaluation.
Enfin, toute évaluation a un caractère relatif, comme le précise l’article 19 :
Article 19 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de conclusions définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence.

La notion d’intérêt de l’enfant

Nous avons déjà évoqué l’importance pour le psychologue de considérer et d’informer l’enfant de tout ce qui le concerne, et cela même si la demande de consultation émane des parents.
Dans les situations de séparation des parents, le psychologue doit, en particulier, s’assurer que les enfants ne sont pas l’objet des conflits parentaux, et ceci, d’autant plus lorsque le mode de garde est en jeu.
De plus, la multiplicité des interventions peut être vécue de manière éprouvante, surtout dans un contexte de conflit parental, dont les répercussions psychiques sont inévitables. Il est donc impératif, dans le souci du bien-être de l’enfant, de considérer aussi cet aspect avant toute décision de changement de professionnel.
L’indépendance professionnelle du psychologue, telle qu’elle est mentionnée au Titre I-7 du Code, lui permettra d’évaluer, avec le plus d’objectivité possible, la conduite à tenir face aux demandes qui lui sont faites, dans des situations très conflictuelles où il risquerait d’être instrumentalisé :
Titre I-7 : Le psychologue ne peut aliéner l’indépendance nécessaire à l’exercice de sa profession sous quelque forme que ce soit.
Il peut même, dans certaines circonstances, estimer qu’il ne peut répondre à une demande telle qu’elle est formulée, et argumenter sa réserve ou son refus.
L’article 11 vient confirmer cette idée, dans le sens où le psychologue doit demeurer vigilant:
Article 11 : […] (Le psychologue) ne répond pas à la demande d’un tiers qui recherche un avantage illicite ou immoral, ou qui fait acte d’autorité abusive dans le recours de ses services. […].
Ainsi, le psychologue pourra, en toute autonomie, exercer sa mission essentielle, telle qu’elle est définie dans le préambule du Code, ainsi qu’à l’article 3 : 
PRÉAMBULE : Le respect de la personne dans sa dimension psychique est un droit inaliénable. Sa reconnaissance fonde l’action des psychologues.
Article 3 : La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique. Son activité porte sur la composante psychique des individus, considérés isolément ou collectivement.

Avis rendu le 22/11/2010
Pour la CNCDP
Le Président
Patrick COHEN

 

Articles du code cités dans l’avis : Préambule et Titre I-7 ; Articles 3, 9, 10, 11, 19.