Nous, professionnels et usagers de la psychiatrie et de la santé mentale, dénonçons avec force la proposition de loi 385 déposée au Sénat visant à intégrer des « centres experts en santé mentale » pilotés par une fondation privée, la Fondation FondaMental, dans le Code de la santé publique.
Sous un vernis d’innovation et d’excellence scientifique, ce texte s’appuie en réalité sur des données discutables, voire trompeuses, mais surtout, il entérine un choix politique clair et soutenu de longue date par la Délégation Ministérielle à la Santé Mentale et à la Psychiatrie : remplacer un service public déjà affaibli par un système privé élitiste, centralisé, sélectif, orienté par pathologie et qui ne saura en aucun cas répondre aux défis que nous devons relever.
Une supposée excellence et les deniers publics pour la fondation privée,
les soins à la charge des structures publiques
La Fondation FondaMental a communiqué sur une prétendue baisse de 50 % des hospitalisations après un passage en centre expert. Or, ce chiffre spectaculaire, non généralisable et sans groupe témoin, provient d’une seule étude dont les auteurs reconnaissent ne pas pouvoir attribuer l’amélioration uniquement à l’effet des centres. Malgré cela, il a été utilisé par des parlementaires pour justifier jusqu’à 18 milliards d’euros d’économies, ce qui risque d’entraîner la fermeture de lits, la réduction des moyens de la psychiatrie publique et l’abandon du modèle de secteur.
C’est une psychiatrie à deux vitesses et inefficace qui est en train d’être organisée. Alors que les centres médico–psychologiques ferment, que les services hospitaliers sont exsangues, que les équipes se réduisent faute de conditions de travail décentes et que les délais d’attente explosent, cette proposition prévoit de financer des structures privées ultraspécialisées, inaccessibles à la majorité de la population et qui ne dispensent pas de soins.
Centres experts… : des moyens pour diagnostiquer, mais pas d’argent pour soigner
Cette proposition entérine une approche étroite et dangereusement réductrice centrée sur le diagnostic et la recherche coordonnée par une unique fondation de droit privé.
Au regard des universités, des laboratoires de recherche et des centres hospitaliers, cette proposition est aux antipodes de celle nécessaire à une véritable recherche scientifique pluridisciplinaire veillant aux conflits d’intérêt avec l’industrie pharmaceutique, et positionne la Fondation Fondamental comme arbitre des projets et des accès aux patients.
Pour les patients, cette proposition organise leur trajectoire autour du diagnostic et adresse une promesse illusoire car le soin ne se résume pas au diagnostic et le diagnostic n’est pas le domaine réservé des centres experts. Alors que les services de soins sont débordés et ne parviennent pas à répondre à la demande, consacrer des ressources financières supplémentaires à de nouveaux centres experts ne diminuera en rien les longs délais d’attente pour l’accès aux soins, que ce soit directement ou après un passage en centre expert. Ce qui est vraiment crucial et urgent, c’est de privilégier le renforcement des ressources humaines et de l’offre de soins pour améliorer la prise en charge.
Nous refusons une psychiatrie de vitrine, réservée à quelques–uns, derrière laquelle on dissimulera la pénurie de la psychiatrie publique destinée au plus grand nombre. Les personnes concernées ne demandent pas des « experts » lointains, mais des soins de proximité, des équipes stables, du temps, de la continuité, du respect et de la dignité.
En conséquence, nous exigeons :
- Le retrait immédiat de cette proposition de loi
- L’arrêt de toute extension du modèle des centres experts
- Un plan national massif pour renforcer la psychiatrie de secteur
La santé mentale n’est pas un marché ni un outil de communication politique.
Elle est un droit fondamental.
- Gabrielle ALLIO
- Présidente du Syndicat des Psychiatres d’Exercice Public (SPEP)
- Marie–José CORTES
- Présidente du Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux (SPH)
- Bruno FALISSARD
- Président de la Société Française de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent et Disciplines Associées (SFPEADA)
- Claude FINKELSTEIN
- Présidente de la Fédération Nationale des Associations d’usagers en Psychiatrie (FNAPSY)
- Denis JACQUET
- Président de L’Association des Enseignants–chercheurs en Psychologie des Universités (AEPU)
- Michel JURUS
- Président Fédération Française de Psychiatrie (FFP)
- Jean–Paul LANQUETIN
- Président d’honneur de l’Association pour le Développement de la Recherche en soins en Psychiatrie (ADRPsy)
- Le Printemps de la psychiatrie
- Christophe LIBERT
- Président de l’Association des Psychiatres Infanto–juvéniles de secteur sanitaire et médico–social (API)
- François PACAUD
- Président de la Fédération Française des Psychologues et de Psychologie (FFPP)
- Annick PERRIN–NIQUET
- Présidente du Comité d’Etudes des Formations Infirmières et des Pratiques en Psychiatrie (CEFI–Psy)
- Marie–Noëlle PETIT
- Présidente de l’Association Nationale des Psychiatres Présidents et Vice–Présidents de Commissions Médicales d’Etablissements des Centres Hospitaliers (ANPCME)
- Charles–Olivier PONS
- Président de l’Union Syndicale de la Psychiatrie (USP)
- Christophe SCHMITT
- Président de la Conférence nationale des Présidents de Commissions Médicales d’Établissement de Centres Hospitaliers Spécialisés
- Isabelle SEFF
- Responsable du collectif des psychologues UFMICT–CGT et membre du BF
- Norbert SKURNIK
- Président par intérim de l’Intersyndicale de la Défense de la Psychiatrie Publique (IDEPP)

