Réponse de la FFPP au Canard Enchaîné
Cher Canard, suite à votre article « Business à haut potentiel » publié dans le numéro 5333 du 25 janvier 2023, nous souhaitons, en tant que psychologues, vous apporter quelques éléments de réponse et certaines précisions.
Votre diagnostic est le bon : nous voyons fleurir des zèbres, des HPI, des HPE, des enfants victimes de leur sensibilité accrue, de leur intelligence hors-norme, qui les catapulte a priori dans le clan des inadaptés scolaires, sociaux et relationnels… Nous voyons fleurir des parents curieux et inquiets, en même temps fiers et frileux. Nous voyons le haut potentiel commercial aller tester à tout-va ces loustics et nous positionner ainsi en grand sachant qui sait, et qui confirme.
Mais… le tableau est moins clair que ça (il paraît qu’il y a des charlatans dans tous les métiers). Parce que nous, c’est comme les chasseurs.
Le mauvais psychologue, il voit une demande de test débarquer, il prend, il fait, et il encaisse.
Le bon psychologue, il voit une demande de test arriver, il essaye de comprendre la demande, le sens mis derrière ce besoin d’étiqueter. Après avoir lu son Code de déontologie [http://www.codededeontologiedespsychologues.fr/] et les recommandations de la Conférence de consensus sur l’examen psychologique de l’enfant [https://appea.org/…/conference-de-consensus-lexamen…/], il fait un examen global de la situation, comprenant aussi la sphère psycho-affective, comportementale, son environnement familial et socio-culturel. Et peut-être bien que, s’il pense que cela peut apporter une compréhension supplémentaire, il fait alors LE test.
Auparavant, il aura bien sûr expliqué qu’un test cognitif, même si cela n’est pas non plus une ponction lombaire, c’est particulièrement éprouvant pour l’enfant car nous observons ses compétences, mais surtout comment il échoue ! Bah oui, le test de QI, c’est comme un test d’effort cardiaque : on ne le propose pas à n’importe qui, et surtout pas parce qu’on est curieux. Il faut avoir le cœur bien accroché, une estime de soi pas trop au ras des pâquerettes non plus. Parce que même si le monsieur ou la dame qui le fait passer est super chouette et extra cool, cela reste malgré tout une épreuve dans laquelle on est évalué (réussite, échec…) et il convient d’en mesurer tous les enjeux.
En bref, cher Canard et chers parents, si vous ne savez pas bien déterminer si votre enfant est juste futé ou carrément HPI, vous pouvez vous adresser à un psychologue. Mais si le psychologue dit « Oui » sans vous avoir expliqué qu’il ne fait pas de l’extraction de données mais qu’il essayera de comprendre quel est le « mode d’emploi » psychologique de l’enfant, et pourquoi diable est-ce important ici, maintenant d’en arriver là, c’est alors que c’est sans doute un mauvais psychologue.
Pour finir, cher Canard, ce n’est pas parce qu’une profession n’a pas d’Ordre qu’elle n’est pas réglementée, ni que le diplôme sort d’un Kinder. Le titre de psychologue est décerné après au moins 5 ans d’études à l’Université et, pour exercer, les psychologues doivent s’inscrire au répertoire ADELI (Automatisation des listes), géré par les ARS (Agences régionales de santé). Toutefois, si le titre de psychologue est protégé, l’exercice de la psychologie ne l’est pas, ce qui fait le terreau des thérapeutes en tout genre et autres praticiens de la psychologie, qui ne s’entourent pas de toutes les garanties déontologiques dues à l’exercice de la discipline.
Et pendant ce temps…, nous voyons se développer de la souffrance psychique qui grandit de manière exponentielle depuis le post-confinement, nous voyons des parents sans ressources, des listes d’attentes à rallonge et une impossibilité de pouvoir prendre en charge par le secteur public… des enfants à Haut Potentiel d’Inquiétude sans doute….
Le bureau fédéral de la FFPP
Fédération Française des Psychologues et de Psychologie
