Avis CNCDP 2013-25

Année de la demande : 2013

Demandeur :
Psychologue (Secteur Libéral)

Contexte :
Questionnement professionnel personnel

Objet de la demande :
Organisation de l’exercice professionnel
Précisions :
Conditions matérielles

Questions déontologiques associées :

– Confidentialité
– Continuité de l’action professionnelle /d’un traitement psychologique
– Écrits psychologiques (Archivage (conservation des documents psychologiques au sein des institutions : dossiers, notes personnelles, etc.))
– Écrits psychologiques (Protection des écrits psychologiques (pas de modification ou de transmission sans accord du psychologue))
– Information sur la démarche professionnelle
– Respect de la loi commune
– Secret professionnel (Compte rendu, écrit professionnel)
– Transmission de données psychologiques

La Commission a mené sa réflexion uniquement sur les questions posées du point de vue de l’exercice professionnel du psychologue et non du point de vue des autres spécialités professionnelles de la demandeuse. Elle se propose donc de traiter les points suivants :

– La durée de conservation des comptes rendus et celle des notes personnelles du psychologue,

– Les modalités de l’arrêt de l’activité du psychologue

  1. La durée de conservation des comptes rendus et des notes personnelles du psychologue

Le code de déontologie des psychologues rappelle que le psychologue se réfère aux textes de loi en vigueur dans son exercice professionnel :

Principe 1 : Respect des droits de la personne

Le psychologue se réfère aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection […].

Il n’existe pas de législation spécifique concernant la durée de conservation des données à caractère personnel que représentent les comptes rendus et notes personnellesd’un psychologue exerçant en libéral. Celui-ci se réfère donc pour cette question à la loi commune dans son exercice professionnel, ici la Loi du 6 janvier 1978 modifiée (CNIL), relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, qui renvoie à la protection des données personnelles, notamment pour ce qui concerne la vie privée et les libertés de la personne. L’article 26 du code de déontologie explicite cette démarche :

Article 26 : Le psychologue recueille, traite, classe, archive, conserve les informations et les données afférentes à son activité selon les dispositions légales et réglementaires en vigueur. Il en est de même pour les notes qu’il peut être amené à prendre au cours de sa pratique professionnelle […]

Néanmoins, quand il s’engage dans une intervention, le psychologue informe la personne des modalités avec lesquelles il va recueillir les différentes données qui lui permettront par la suite, si besoin, d’établir un document écrit : rapport, compte rendu, avis…

Article 9 […] Il (le psychologue) a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités, des limites de son intervention et des éventuels destinataires de ses conclusions.

La durée de conservation de ces données peut donc faire partie de ces modalités. Généralement, celle-ci n’excède pas la durée nécessaire au suivi, au traitement, à l’intervention ou à la prise en charge de la personne. Dans la situation présentée, la psychologue mettant fin à son activité libérale, il n’y aura donc plus ni suivi, ni poursuite d’intervention. En conséquence, on peut considérer que les données recueillies n’ont plus lieu d’être.

Il reste que si la demandeuse souhaite utiliser certains documents de travail à des fins de publication ou de recherche, ceux-ci peuvent alors être conservés mais en étant anonymés.

Article 26 (déjà cité) : […] Lorsque ces données sont utilisées à des fins d’enseignement, de recherche, de publication ou de communication, elles sont impérativement traitées dans le respect absolu del’anonymat.

A noter que tout au long de sa carrière, le psychologue doit se soucier de la manière dont ses dossiers sont rangés, classés et archivés.

Les modalités de l’arrêt de l’activité du psychologue

La situation présentée par la demandeuse fait état d’un départ volontaire et anticipé. Seront examinés ici d’une part, ce qui relève des documents écrits et d’autre part, ce qui relève du suivi des personnes.

Concernant les documentsécrits, il y a lieu de différencier les notes personnelles et les comptes rendus.

Considérant que les notes personnelles appartiennent, comme le qualificatif l’indique, au psychologue lui-même, la Commission estime que celles-ci peuvent tout à fait être détruites à la fin de l’exercice professionnel du psychologue, afin de préserver la vie privée de la personne.

La remise en main propre des comptes rendus à la personne ou à un tiers destinataire répond aux exigences de garantie du secret professionnel et aux modalités de transmission  prévues par le Code :

Principe 1 (déjà cité)

Il (le psychologue) respecte la vie privée et l’intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel […].

Article 7 : Les obligations concernant le respect du secret professionnel s’imposent quel que soit le cadre d’exercice.

Article 16 : Le psychologue présente ses conclusions de façon claire et compréhensible aux intéressés.

Si, en revanche, ceux-ci n’ont pas été remis à la personne, ou aux parents demandeurs, dans le cas d’enfant mineur, et seulement si le psychologue l’estime nécessaire, il peut être pertinent, afin de respecter l’esprit du Code, de les informer que lesdits documents sont à leur disposition dans les conditions fixées par le psychologue. Effectivement, comme nous l’avons souligné plus haut, les personnes peuvent interroger le psychologue sur le devenir des documents les concernant ou le cas échéant, demander la communication des conclusions sous une forme accessible. (Article 16 déjà cité).

Concernant le suivi des personnes, l’article 22 indique au psychologue qu’une anticipation de l’arrêt de l’activité va permettre au mieux d’organiser si besoin le suivi ou la prise en charge des personnes.

Article 22 : Dans le cas où le psychologue est empêché ou prévoit d’interrompre son activité, il prend, avec l’accord des personnes concernées, les mesures appropriées pour que la continuité de son action professionnelle puisse être assurée.

C’est d’ailleurs ce qui a été fait parla demandeuse, en proposant une orientation travaillée et élaborée avec les personnes suivies.

Cependant, s’il s’avère indispensable de transmettre des éléments à un confrère, le psychologue doit d’une part s’assurer de l’assentiment de la personne,et d’autre part ne transmettre que les informations qu’il jugerait nécessaires à la continuité de sa missionCes deux recommandations figurent dans l’article 17.

Article 17 : Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l’assentiment de l’intéressé ou une information préalable de celui-ci.

En conclusion :

Ainsi, quel que soit le motif de la fin de l’activité, une anticipation des modalités de fin constitue une des meilleures garanties pour que celle-ci se réalise dans de bonnes conditions tant du point de vue des personnes que de celui du psychologue. En tout état de cause, rien ne s’oppose à ce que la demandeuse, ici, fasse une annonce dans un journal local pour informer de la cessation de son activité libérale.

Pour la CNCDP

La Présidente

Claire Silvestre-Toussaint

Avis CNCDP 2012-15

Année de la demande : 2012

Demandeur :
Particulier (Tiers)

Contexte :
Question sur l’exercice d’un psychologue

Objet de la demande :
Organisation de l’exercice professionnel
Précisions :
Conditions matérielles

Questions déontologiques associées :

– Abus de pouvoir (Relations d’ordre privé avec un patient)
– Compétence professionnelle (Analyse de l’implication personnelle)
– Consentement éclairé
– Discernement
– Information sur la démarche professionnelle
– Probité
– Respect de la personne
– Responsabilité professionnelle
– Traitement psychologique de personnes liées au psychologue
– Usage abusif de la psychologie

Après examen des éléments qui lui ont été fournis, la Commission se propose de traiter les deux points suivants :

  • La définition des conditions à l’exercice professionnel,

  • L’intégrité et la probité du psychologue dans sa pratique professionnelle.

    1. 1. La définition des conditions à l’exercice professionnel.

La pratique de la psychologie, quel qu’en soit le contexte, requiert le respect de certaines conditions, qui garantissent la qualité du travail réalisé par un professionnel diplômé. Ces conditions, qu’elles soient techniques ou matérielles, sont de nature à assurer à l’usager une parfaite compréhension du processus en jeu dans la relation engagée avec le psychologue. Elles permettent de cerner les enjeux, et évitent les dérives concernant le cadre déontologique de la pratique psychologique.

Ainsi l’exercice professionnel du psychologue se fonde sur ses compétences dont sa capacité de discernement fait partie, selon les termes du code :

Principe 2 : Compétence

Le psychologue tient sa compétence :

[…]

– de sa formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. Il est de sa responsabilité éthique de refuser toute intervention lorsqu’il sait ne pas avoir les compétences requises. […]

Le demandeur questionne la Commission sur la capacité du psychologue à cerner ses limites dans le cadre d’une intervention hors de son cadre d’exercice habituel, et répondant de surcroît à la demande d’une employée de la même institution.

Son questionnement porte notamment sur l’endroit des entretiens réalisés par le psychologue avec son épouse. Le lieu où se déroule l’exercice professionnel doit permettre une compréhension sans ambiguïté du but assigné de ces entretiens.

Le code de déontologie nous indique l’importance d’un local aménagé à cet effet sur le lieu d’exercice, car quel que soit l’endroit où se déroulent les entretiens, le psychologue doit pouvoir garantir le cadre professionnel des échanges.

Article 21 : Le psychologue doit pouvoir disposer sur le lieu de son exercice professionnel d’une installation convenable, de locaux adéquats pour préserver la confidentialité, de moyens techniques suffisants en rapport avec la nature de ses actes professionnels et des personnes qui le consultent.

Quand, du fait de son implication personnelle, le psychologue n’est pas en mesure de répondre à la demande qui lui est adressée, sa déontologie l’invite à orienter la personne vers un autre psychologue, comme le précise l’article 6 du Code. Concernant la situation présentée à la Commission, le psychologue et la personne qui le consulte travaillent dans la même institution.

Article 6 : Quand des demandes ne relèvent pas de sa compétence, il oriente les personnes vers les professionnels susceptibles de répondre aux questions ou aux situations qui lui ont été soumises.

    1. 2. L’intégrité et la probité du psychologue dans sa pratique professionnelle.

Le psychologue doit pouvoir distinguer ce qu’il fait dans un cadre privé de ses activités dans un cadre professionnel. Il n’est pas seulement responsable de ses actes, il endosse aussi une responsabilité professionnelle, qui l’incite à devoir présenter une pratique conforme aux attentes des usagers mais aussi respectueuse des règles déontologiques dont la Profession s’est dotée. Le psychologue doit respecter les principes généraux qui fondent le Code, et fait preuve d’une intégrité et d’une probité inconditionnelle.

Principe 5 : Intégrité et probité

Le psychologue a pour obligation de ne pas exploiter une relation professionnelle à des fins personnelles, religieuses, politiques, ou en vue de tout autre intérêt idéologique.

Lorsque qu’il choisit de réaliser les entretiens dans des conditions inhabituelles, comme l’évoque le demandeur, qualifiant le cadre (lieu et heures) de « dysfonctionnel », le psychologue doit pouvoir expliquer à l’usager, avec clarté et rigueur, le choix de son mode d’intervention :

Principe 4 : Rigueur

Les modes d’intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l’objet d’une

explicitation raisonnée et d’une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail.

Lorsque les capacités de discernement de la personne concernée par l’intervention du psychologue sont susceptibles d’être altérées du fait de sa souffrance psychique, le psychologue est d’autant plus attentif à assurer le respect de la personne ainsi que son consentement libre et éclairé, comme le précisent les articles 12 et 9 :

Article 12 : Lorsque l’intervention se déroule dans un cadre de contrainte ou lorsque les capacités de discernement de la personne sont altérées, le psychologue s’efforce de réunir les conditions d’une relation respectueuse de la dimension psychique du sujet.

Article 9 : Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des motifs et des limites de son intervention, et des éventuels destinataires de ses conclusions.

Si comme l’exprime le demandeur, l’existence d’un lien et d’une proximité physique entre son épouse et le psychologue est de nature à évoquer une relation affective ou sexuelle, il appartient au psychologue d’expliquer et de justifier sa méthode afin de lever toute supposition de cette nature.

Le psychologue s’abstient d’intervenir auprès d’une personne auquel il est lié à titre personnel, comme l’y invite l’article 18 du code de déontologie:

Article 18 : Le psychologue n’engage pas d’intervention ou de traitement impliquant des personnes auxquelles il est personnellement lié. Dans une situation de conflits d’intérêts, le psychologue a l’obligation de se récuser

.

Dans le cas contraire, son attitude ou le choix de modes d’intervention inhabituels présenteraient un risque pour la personne qui pourrait subir une réelle aliénation, évoqué dans l’article 15 du Code :

Article 15 : Le psychologue n’use pas de sa position à des fins personnelles, de prosélytisme ou d’aliénation économique, affective ou sexuelle d’autrui.

Dans le cadre de cette demande, la Commission estime que, si tel était le cas, la réalisation d’entretiens psychologiques dans le véhicule personnel du psychologue, stationné en forêt, de surcroît à des heures inhabituelles, est de nature à rendre ambigu le cadre professionnel entre un psychologue et la personne qui le consulte, tant pour cette personne que pour le mari qui nous adresse la demande.

Même s’il appartient au psychologue et à l’usager de fixer avant toute intervention quel en sera le but et le cadre, la Commission relève le caractère inconsidéré des rencontres décrites par le demandeur et dont il semble difficile de leur attribuer le qualificatif d’entretiens psychologiques professionnels.

Pour la CNCDP

La Présidente

Claire SILVESTRE-TOUSSAINT