Avis CNCDP 2015-08

Année de la demande : 2015

Demandeur :
Professionnel Non Pyschologue (Médecin)

Contexte :
Question sur l’exercice d’un psychologue

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Rapport d’enquête

Questions déontologiques associées :

– Transmission de données psychologiques (Compte rendu à un service administratif avec accord et/ou information de l’intéressé)
– Compétence professionnelle (Élaboration des données, mise en perspective théorique)
– Consentement éclairé
– Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels)
– Évaluation (Droit à contre-évaluation)
– Impartialité
– Information sur la démarche professionnelle (Explicitation de la démarche aux usagers /clients ou patients (avant ou/ et en cours d’intervention))
– Responsabilité professionnelle
– Spécificité professionnelle
– Transmission de données psychologiques (Compte rendu à l’intéressé)

A la lecture de la demande, la Commission propose de traiter les points suivants :

       Compétences et responsabilité du psychologue dans le cadre d’une évaluation en entreprise,

       information et consentement de la personne lors d’une évaluation en situation de travail,

       rigueur, prudence et méthodologie dans la rédaction d’un écrit destiné à l’employeur.

  1. Compétences et responsabilité du psychologue dans le cadre d’une évaluation en entreprise

Un psychologue peut travailler dans différents types de structures et avoir des missions diverses. En fonction des objectifs fixés, des missions qui lui sont confiées et de ses pratiques, il choisit les méthodes et les techniques qu’il estime être adéquates et adaptées.

Article 3 : Ses interventions en situation individuelle, groupale ou institutionnelle relèvent d’une diversité de pratiques telles que l’accompagnement psychologique, le conseil, l’enseignement de la psychologie, l’évaluation, l’expertise, la formation, la psychothérapie, la recherche, le travail institutionnel. Ses méthodes sont diverses et adaptées à ses objectifs. Son principal outil est l’entretien.

Il est ainsi de sa responsabilité professionnelle de décider de la méthodologie mise en place, mais aussi de pouvoir l’expliquer.

Principe 6 :

Respect du but assigné

Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. […]

Principe 3 :

Responsabilité et autonomie
Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l’application des méthodes et techniques qu’il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer.

De même, il est de sa responsabilité de n’intervenir que dans le cadre de tâches et de missions qui sont à la fois compatibles avec sa fonction de psychologue d’une part, et avec ses compétences spécifiques, d’autre part.

Article 5 : Le psychologue accepte les missions qu’il estime compatibles avec ses fonctions et ses compétences.

Dans la situation présentée, la psychologue est missionnée pour mener une enquête dans un service afin de déterminer si le mode relationnel entre deux professionnels peut être caractérisé de harcèlement moral et s’il y a insubordination. Ces missions font partie du champ de compétences du psychologue, puisque celui-ci peut intervenir dans des situations institutionnelles et y pratiquer évaluation, expertise et conseil, comme cela est précisé dans l’article 3 du Code déjà cité.

Le rapport est alors remis à celui qui en a fait la demande/au commanditaire, et pourra être destiné à étayer un dossier de procédure judiciaire.

Afin de mener à bien ces objectifs, la psychologue a fait le choix d’une méthodologie, en toute responsabilité, et du fait de ses compétences propres.

Principe 2 :

Compétence
[…] Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. Il est de sa responsabilité éthique de refuser toute intervention lorsqu’il sait ne pas avoir les compétences requises. […]

  1. Information et consentement de la personne lors d’une évaluation en situation de travail

Quel que soit le contexte d’exerce du psychologue, la nature de ses missions, le psychologue doit informer la ou les personnes concernées des objectifs, de la manière dont va être menée cette action, des limites de celle-ci. Cette information doit être intelligible, explicite et complète. Dès lors, la ou les personnes peuvent librement consentir à l’intervention du psychologue.

Article 9 : Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités, des limites de son intervention et des éventuels destinataires de ses conclusions.

Par ailleurs, si le psychologue est amené à rédiger un écrit, destiné à des tiers, et contenant des éléments ou des informations acquises grâce à son action concernant les personnes rencontrées, il doit au préalable prévenir les personnes concernées et obtenir leur accord.

Principe 6 :

Respect du but assigné

[…] En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers.

Le psychologue doit aussi faire preuve de prudence dans la réponse qu’il formule à la question posée par l’entreprise ou l’organisme et doit ne transmettre que des éléments d’ordre psychologique nécessaires à la compréhension des réponses qu’il formule, visant à éclairer la situation.

Article 17 : Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l’assentiment de l’intéressé ou une information préalable de celui-ci.

Enfin, le psychologue doit informer les personnes qu’il évalue de leur droit à demander une contre évaluation, comme il est indiqué dans l’article 14.

Article 14 : Dans toutes les situations d’évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue informe les personnes concernées de leur droit à demander une contre évaluation.

  1. Rigueur, prudence et méthodologie dans la rédaction d’un écrit destiné à l’employeur

La demandeuse considère que la psychologue a manqué de rigueur, en mentionnant des informations partielles, ne reprenant qu’une partie des témoignages en faveur de son positionnement partial par rapport à la question posée.

De façon générale, le psychologue, dans sa mission d’enquête, doit apporter des informations donnant à ses appréciations un caractère aussi objectif que possible.

Principe 4 :

Rigueur

Les modes d’intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l’objet d’une explicitation raisonnée et d’une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail.

Par ailleurs, il est rappelé dans le Principe 2 du Code, que le psychologue doit veiller à mener son exercice en faisant preuve de prudence et d’impartialité.

Principe 2 :

Compétence

[…] Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité.

Il appartient alors au psychologue de transmettre ses conclusions avec les précautions qu’impose un contexte conflictuel. De surcroît, il sait que ses évaluations et interprétations restent relatives, que ses conclusions concernant les personnes ne sont pas définitives, et ne peuvent préjuger de leurs possibilités d’évolution.

Article 25 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes.

Enfin, la Commission tient à rappeler que les documents émis par le psychologue doivent comporter un certain nombre d’éléments permettant de les authentifier et de ne pas remettre en cause leur origine, surtout lors de la transmission à des tiers. Ces éléments sont précisés dans l’article 20 du Code :

Article 20 : Les documents émanant d’un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l’identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l’objet de son écrit et sa signature. Seul le psychologue auteur de ces documents est habilité à les modifier, les signer ou les annuler. Il refuse que ses comptes rendus soient transmis sans son accord explicite et fait respecter la confidentialité de son courrier postal ou électronique.

Pour la CNCDP

La Présidente

Sandrine SCHOENENBERGER

Avis CNCDP 2002-17

Année de la demande : 2002

Demandeur :
Professionnel Non Pyschologue (Médecin)

Contexte :
Question sur l’exercice d’un psychologue

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Audit

Questions déontologiques associées :

– Titre de psychologue
– Confidentialité (Confidentialité du contenu des entretiens/ des échanges)
– Mission (Distinction des missions)
– Probité
– Respect du but assigné

La Commission répondra aux trois points évoqués par le requérant.

1. L’Article 1 du Code rappelle que « L’usage du titre de psychologue est défini par la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 publiée au J.O. du 26 juillet 1985. Sont psychologues les personnes qui remplissent les conditions de qualification requises dans cette loi. Toute forme d’usurpation du titre est passible de poursuites ». En conséquence, « l’exercice professionnel de la psychologie requiert le titre et le statut de psychologue » (Article 2). Par ailleurs, en l’absence à ce jour d’une liste officielle des psychologues, il appartient à tout usager de vérifier auprès des professionnels se déclarant psychologues qu’ils peuvent faire usage du titre.

2. La Commission rappelle qu’elle n’est pas habilitée à recevoir des « plaintes », au sens juridique, du terme. Son rôle, en se référant au Code de déontologie des psychologues, est de rendre des avis sur des situations concernant la pratique des psychologues à partir des informations portées à sa connaissance.

3. Selon les dires du requérant, des informations voire des jugements émanant d’autres membres du personnel ont été utilisés à son encontre par le psychologue. S’il apparaît que le psychologue a bien répondu aux obligations de l’Article 9 du Code de déontologie en informant ses interlocuteurs de la confidentialité des entretiens, l’usage qu’il aurait fait de leur contenu est plus discutable. En effet, il aurait dû faire preuve d’autant plus de prudence qu’il avait recueilli les déclarations de membres du personnel engagés dans un conflit institutionnel.

Même si l’Article 4 du Code précise que le psychologue « peut remplir différentes missions, qu’il distingue et fait distinguer, comme le conseil, l’enseignement de la psychologie, l’évaluation, l’expertise, la formation, la psychothérapie. la recherche, etc., », la Commission se demande s’il était bien fondé ici que le psychologue accepte même provisoirement la mission de direction. En effet, en exerçant d’abord une mission de conseil et d’audit, il avait été amené à connaître les dysfonctionnements de l’institution et l’implication personnelle de chacun. Or, en devenant ensuite responsable hiérarchique des personnes auprès desquelles il avait réalisé l’audit, il pouvait faire naître des doutes quand au respect du principe de probité (« Le psychologue a un devoir de probité dans toutes ses relations professionnelles. Ce devoir fonde l’observance des règles déontologiques et son effort continu pour affiner ses interventions, préciser ses méthodes et définir ses buts. » (Titre I.4)) et celui du but assigné (« Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement » (Titre I.6)).

 

Conclusion

La Commission considère que le psychologue a manqué au Code de déontologie en faisant état auprès du requérant de jugements et opinions recueillis dans le cadre d’entretiens protégés par le secret professionnel. Par ailleurs, elle estime que le cumul de missions successives engageant les mêmes personnes dans le même cadre institutionnel risque de nuire au principe de neutralité auquel doit s’astreindre un psychologue. Cette confusion des missions peut également faire naître des doutes sur la probité du psychologue, doutes dommageables pour la profession.

Pour la CNCDP
Fait à Paris, le 19 octobre 2002,
Vincent ROGARD,
Président de la CNCDP